Le vrai bonheur de voir Darmian sur un maillot azzurra

Matteo+Darmian+Italy+Team+Photo+Portraits+qiQyHZeBpjzlQui sait ce qu’être fils d’immigré veut dire ? Surtout pas celles et ceux qui en France votent Front national ! Eux partent de certitudes et de principes totalement théoriques pour simplement se protéger de l’étranger ! Les autres savent pertinemment que l’enfer ce n’est pas nécessairement les « autres » mais plus sûrement le jugement que l’on a sur les « autres ». Croire que l’on peut échapper à ses origines c’est se leurrer sur la nature humaine. Je suis des gens qui pensent que l’on ne promène jamais ses pieds sur la terre mais que l’on y ait ancré par ses racines. Hier soir je n’ai pas pu m’empêcher de penser à mon père et à mon grand-père qui étaient de cette vague d’immigration italienne venue manger le pain des honorables Français au cœur des années 1920 quand, sur l’écran de la télévision a clignoté le nom de « Darmian ». Rien de bien glorieux mais un simple patronyme dans la composition d’une équipe de football. Une babiole dans ce monde des vedettes du show-business et de millionnaires se prenant pour de vrais chevaliers de la balle ronde mais une seconde de bonheur réel et jubilatoire dans cette nuit française moins célèbre que celle d’Amérique. C’est une sorte de résurrection de mes origines : Matteo Darmian, ce gamin à la physionomie similaire à celle de mon propre fils, porte dans l’équipe d’Italie les origines de cette famille hétérogène marquée par sa dispersion mondiale sous la pression des crises économiques. Les commentateurs français de cette rencontre face à l’Angleterre s’offrent bêtement une légitimité du savoir en prononçant « Darmiannnnn » comme nul ne le fait nulle part car les Darmian sont de nulle  part. Je sais qu’ils ont toujours été des voyageurs dont les origines se situent en Perse où une cité de terre séchée appartient sous ce nom au patrimoine mondial de l’Humanité. Ils ont emprunté, comme les migrants de tous le siècles, une route de l’espoir d’un monde meilleur ! Les lumières étincelantes de Venise depuis le cœur de l’Asie étaient attirantes. Elles drainaient vers ce qui n’était pas l’Italie mais un conglomérat de potentats, des artisans ou des ouvriers courageux. C’est en définitive la véritable histoire de la constitution des nations faisant que ces migrations successives dispersant les familles pour constituer une véritable mosaïque sociale. Une « branche » des Darmian replongés dans la misère a alors emprunté les routes vers la sidérurgie lorraine des maîtres des forges exploitant leur vaillance et leur vigueur ou vers Milan et ses industries. Bref ils ont encore changé d’horizons et de nation !

Le gamin de Rescaldina, cité de la banlieue milanaise ne se doute pas un seul instant qu’il porte les espoirs des générations partagées entre leur passé et leur présent. Il a revêtu la tunique « azzurra » pour ce mondial alors que personne n’aurait osé envisager cette extraordinaire promotion via le football. Le voici sur une pelouse mythique avec sur son dos les espoirs dispersés en Italie, en France, au Canada de cette famille éclatée sous les effets des crises économiques. Je l’avoue avec son numéro 4 dans le dos ce « Darmiannnnn » comme le répète le consultant se voulant connaisseur des origines, symbolise les espoirs de mes racines comme ceux de beaucoup d’autres porteurs de son nom depuis un siècle.

Mieux il symbolise les années difficiles traversées par mes grands parents paternels et les réflexions incessantes encaissées par mon père « rital » ou « macaroni ». Pourvu qu’il soit solide et efficace dans ce couloir droit de la défense transalpine ! Pourvu que je puisse passer la tête haute dans une société qui renie le plus souvent ses origines au prétexte qu’il faudrait laisser la France aux Français. Oui je revendique la différence, celle qui enrichit, qui différencie, qui fait que l’on se sent pas totalement « parfait » mais que l’on peut en tirer profit. Oui je suis fier ! Je comprends la démarche de celles et ceux qui reviennent sur la réalité de leurs racines afin de mieux comprendre ce qu’ils sont réellement, profondément, sincèrement.

Matteo, ce gamin audacieux est de notre sang et le flocage de son nom sur un maillot nous porte vers les rêves les plus fous. Il a réussi à entrer dans le tournoi de géants aux pieds agiles pour donner une reconnaissance à un nom de famille internationalisée ! Pourquoi ne pas avouer que je savoure mon plaisir !

Partie comme mon grand-père de Santo Stefano di Zimella à quelques encablures de la merveilleuse cité de l’amour de Vérone cette branche a grandi dans la banlieue milanaise pour donner une fleur de football ! Une fleur peu « glorieuse » si l’on se fie aux appréciations de l’élite bien-pensante de ce pays. N’empêche que pour nous en France, sous le maillot bleu, nous oublions facilement que la souffrance de l’immigration a été présente durant des décennies et qu’elle l’est encore pour des joueurs adulés. Le déracinement ne se vit jamais de manière anodine et parfois il faut se raccrocher à autre chose qu’à la terre pour vivre mieux, pour vraiment se détacher d’un passé mal vécu.

Matteo nous a déjà donné le sentiment que ceux qui ont fait le choix de quitter leur pays sous la contrainte n’ont jamais oublié d’où ils venaient et qu’ils ont su transmettre cette quête à leurs successeurs. C’est dans le fond essentiel pour se construire savoir d’où on vient n’a jamais nui pour savoir où on va !

Cet article a 7 commentaires

  1. Gilbert SOULET

    Bonjour et merci Jean-Marie

    Les lecteurs devraient trouver une sincère coïncidence entre ton billet à propos du jeune n°4 de l’Azura et mon reportage autour de la stèle du Dr S. Medvédowsky lâchement assassiné en Juin 44; Je le joins : http://www.pertuisien.fr/flash.php?flash=62002, dont le poème d’Aragon avec Manouchian et l’affiche rouge.
    Mon amitié,

    Gilbert de PERTUIS

  2. mlg

    j’adore

  3. ZAGHET Betty

    La fille d émigrés italiens est très touchée par cette belle réflection sur ce qu effectivement représente les racines… Ce qu enfants d immigrés signifie…

  4. Vent d'Est

    « Les ritals », « La Baie des Anges », « L’avenue des Diables bleus », « Le Gone du Chaâba »… autant de récits parmi d’autres qui attestent de la difficulté « d’être » quand on vient d’ailleurs.

    « Être d’ailleurs », je l’ai découvert en entrant à l’école, dans une ville du bord de la méditerranée pas très éloignée de la frontière… À l’époque on y entrait à l’âge de cinq ans et souvent c’était la première véritable confrontation avec le monde extérieur à celui de la famille.

    J’ai vécu le temps des quolibets et des vexations de la part de « ceux d’ici » qui pour beaucoup n’y étaient pas depuis si longtemps que ça, « d’ici » ; certainement les plus acharnés. C’est qu’il faut rattraper le temps perdu où justement, on n’était pas « d’ici ». Ne dit-on pas : « Le dernier arrivé ferme la porte ! ».

    Je n’étais donc pas « d’ici » et ne le suis toujours pas. En tout cas je ne le revendique pas et je ne me sens pas vraiment « d’ailleurs » non plus. Trop de temps est passé et puis est-il vraiment nécessaire d’être d’un « ici ». Trop risqué, pas envie de rentrer dans ce jeu là : les racines ce sont ces liens qui attachent l’arbre au sol, là où il a été planté ; pourquoi ici et pas ailleurs ? Mais a-t-on déjà vu un arbre prendre ses racines à son cou pour aller voir les vaches bossues de l’autre côté de la planète ? Enfant, déjà je me rêvais fleur de pissenlit en contemplant celle « qui sème à tous vents » sur la couverture du « Petit Larousse »…

    Depuis j’ai rencontré beaucoup « d’ailleurs » qui en fait ne sont rien d’autre que des « ici », mais pas au même moment. On voyage moins dans l’espace que dans le temps pour qui sait regarder et se souvenir non pas d’où il vient mais de « quand » il vient. L’approche des autres en est facilitée car alors émergent les ressemblances plutôt que les différences et l’intuition que ce qui diffère aujourd’hui convergera demain.

    Au fait, pour passer d’un « ailleurs » à un autre « ailleurs » il y a maintenant presque soixante ans, il n’a même pas été nécessaire de franchir une quelconque frontière, hormis celle des préjugés, celle qu’il faut chaque jour qui passe se préserver d’entretenir. Il nous a simplement suffit de changer « de province » comme on disait alors. Ma grand-mère quant à elle avait subi les mêmes affres en changeant… de village. Il est vrai que ce faisant elle avait franchi la « frontière départementale ! » Impensable, aujourd’hui ? « ici », certainement « ailleurs » c’est possible, pour encore un certain temps…

  5. FEMIA

    Cher Monsieur DARMIEEENNN comme dit le commentateur , un merci sincère pour ce beau témoignage.. Vraiment. Dans vos paroles, fruit du vécu, tout est dit.

    Rocco FEMIA
    Directeur de la revue franco-italienne RADICI (www.radici-press.net)

  6. Mar

    Pourrriez-vous nous dire d’ou est-ce que sont ses racines??

  7. Garo

    ARMENIENNE !!!! :)))))

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