Les canards de Jack l'inventeur

Jack Lang a bien des défauts, dont celui de se croire indispensable depuis qu’un jour il a « inventé » la Nuit de la Musique. L’idée a aujourd’hui 30 étés à son actif et son créateur a perdu de très peu le devant de la scène sur la ligne bleue des Vosges. Il a essuyé un tir nourri de critiques alors qu’il était parachuté sur les arrières de la ligne Maginot UMP. Il s’est vaillamment battu. L’ex-Ministre de la Culture a semble-t-il fait son temps, après un parcours en zigzags marqué par des blessures d’amour-propre ramassées au combat. Jack l’inventeur n’a jamais cessé d’être candidat aux plus hautes fonctions auxquelles il se pense destiné, pour toujours finir en province… mais il s’est arrangé pour se maintenir médiatiquement au plus haut dans l’opinion. Il sait que politiquement, il traîne quelques casseroles, mais il masque ces erreurs derrière le paravent de son indépendance, qui ne résiste jamais aux vents de l’ambition.

Dans un entretien, il raconte le cheminement l’ayant conduit vers le principe de la Nuit de la Musique dont on ne saura jamais s’il en est véritablement le géniteur. « En décembre 1981 et depuis mai nous avions déjà beaucoup oeuvré pour concevoir des politiques publiques pour les créateurs. Je leur ai dit : « et si nous imaginions un événement qui associe les citoyens, qui en feraient les acteurs principaux ? ». La musique, c’était une évidence : elle traverse les âges, les générations. La bonne idée, c’était de le faire le 21 juin, le jour qui ouvre la saison de la lumière, des rencontres, de l’amour ! J’ajoute que nous voulions jouer sur le double sens « Fête » et « Faites » de la musique ». L’arrivée de Mitterrand avait fait souffler un vent de liberté sur le pays, mis sous le boisseau par la droite depuis l’avènement de la Vème République inféodée au parti gaulliste ou giscardien. Le Ministre de la culture socialiste devait effacer Malraux, et faute de pouvoir le faire par le verbe, il le fit par l’imagination.

On avait (croyait-on) libéré les radios, il a eu le mérite de libérer les arts. Les premières soirées ou nuits correspondaient parfaitement à l’esprit initial. On trouvait dans les rues ou sur les places des gens ravis de pouvoir communiquer aux autres leur talent de manière plus ou moins convaincante. Dans le fond, c’est ce qui faisait le charme du rendez-vous, puisque la musique rassemblait mais surtout interpellait. La spontanéité de la manifestation, justement son caractère imparfait lui donnaient une tonalité bon enfant. La nuit n’était faite que de découvertes et donc forcément de bons ou de mauvais moments.

Lentement, il a fallu empiler des moyens techniques, des autorisations, des programmes, des professionnels rémunérés, des droits d’auteurs, des budgets conséquents pour arriver à une version totalement différente de la « liberté ». Plus rien ne ressemble à l’idée initiale, puisque plus personne, ce soir là, n’ aura l’idée de s’installer sur une place de village pour décliner « sa » musique ! On est passé de l’improvisation déroutante à l’organisation sécurisante avec une perte en ligne du charme de la première soirée de l’été.

Jack Lang a suivi le même chemin pour finir par transformer l’originalité en provocation et son talent de créateur en rente de situation. Pour exister, 30 ans après, il lui faut donc désormais se démarquer à tout prix. Durant tout le quinquennat sarkozyste il a cherché toutes les opportunités pour se distinguer, sans franchir le Rubicon ! Il sait fort bien que pour exister il est indispensable de passer le moins de temps possible sur son boulot d’élu afin de parader sur les plateaux de télé ou devant micros ou caméras. Son bureau se trouvant juste à côté de celui de Martine Faure, députée de la Gironde qui a fait émerger des centaines d’acteurs et de manifestations culturelles en Gironde, il m’est facile d’affirmer que Jack pratique en musique politique davantage la « pause » que la « croche », puisqu’il n’est apparu que très rarement dans son bureau ! C’est vrai que dans l’Hémicycle, les « canards » qu’il distillait devant les projecteurs : déclarations bienveillantes envers le gouvernement, jugeant par exemple « plutôt positive » la politique internationale du gouvernement, tout en émettant de virulentes critiques des actions de son successeur à l’Éducation nationale, Xavier Darcos.

Au printemps 2009 il apporte son soutien au projet de loi Hadopi, en désaccord avec les députés de son groupe présents lors des débats. Malgré cette prise de position, il ne participa pas aux débats à l’Assemblée. Le 12 mai, lors du vote solennel à l’Assemblée, Jack Lang est le seul membre du groupe PS à se prononcer pour ! Il ira représenter Sarkozy à Cuba, en Corée du Nord et défendra Gagbo, préférant les « concerts » à l’étranger, plutôt que de participer à celui de critiques adressées à son « exploiteur élyséen »,qu’il remerciera en effectuant lors du grand concert de la réforme constitutionnelle, un solo détestable qui comblera d’aise les spectateurs UMP. Alors Jack, il est temps que tu arrêtes ta petite musique de nuit. Elle me fout le blues !

 

Cet article a 4 commentaires

  1. Christian Coulais

    Excellent titre digne du Canard, le vrai ! Mais, laissons passer l’ambulance vers l’EHPAD, sans tirer dessus.
    Pour un grand homme comme lui, c’est un poste de haut commissaire à la francophonie festive qu’il faut!
    Un poste digne d’un super-ambassadeur parcourant le monde, pour ce prince des réceptions aux bonbons chocolatés, de marque italienne.
    La roue tourne, place aux « jeun’s ministresses » !
    N.B. : si l’on fait le compte….et le tour des circonscriptions de droite et de gauche, du centre et du milieu, « on » est parachuté pour être rembarqué sans même avoir posé pied à terre…à méditer dans les Q.G. parisiens !

  2. Cubitus

    Ce qu’on appelle dans le milieu musical un « has been ».
    Issu du milieu artistique, il n’échappe pas à la règle.
    Comme beaucoup, il compte sur ses succès anciens pour assurer son avenir : le public ne suis pas toujours lorsque le talent n’est plus qu’un souvenir…

  3. François

    Bonjour !
    Allons, Cubitus ! Si cela ne vous oblige point trop, le lecteur vous serait reconnaissant d’accorder un T à  » Le public ne suit pas toujours … » car nous sommes bien en présence du présent du verbe suivre, n’est-ce pas ?
    Même s’il est retraité, n’oublions pas que nous sommes sur le blog d’un ancien … instituteur !
    Cordialement ! ! !

  4. Cubitus

    Mea culpa. Une faute d’inattention. Étant moi-même fils d’institutrice (modèle IIIè République) très stricte sur l’orthographe, je suis effectivement impardonnable ☺.

Laisser un commentaire