Les mégots de l'été, excuses à l'inconscience !

Les incendies émaillent désormais la vie estivale car, pour le plus grand drame de la nature, ils constituent de véritables spectacles susceptibles d’augmenter l’audience médiatique. L’écrire n’est qu’un constat et surtout pas une critique mais il faut bien reconnaître que, dès que les flammes apparaissent quelque part, elle génèrent une curiosité similaire à celle qui se manifeste dès qu’une catastrophe arrive. Le feu exerce une fascination sur le grand public. Il suscite même des comportements dramatiques, puisqu’il ne faut pas se fier aux déclarations officielles sur les causes des départ de flammes, où il est quasiment impossible de mettre en avant une intention criminelle. Le secret enveloppe nécessairement les constations faites, afin de conserver toutes les chances de capturer des pyromanes orgueilleux, se croyant invulnérables car non repérables après avoir enclenché ce qu’ils considèrent comme un événement gratifiant. Dans l’Histoire, la démesure des égos s’est en effet toujours traduite par un passage aux actes destructeurs, via le feu ! On retrouve par exemple Erostate qui, en juillet 356 avant J.C., allume un incendie qui détruit totalement le temple d’Artémis à Éphèse, ce qui va donner lieu à des interprétations diverses car, le même jour, naît celui qui sera Alexandre le Grand ! Le 19 juillet 64, le feu débuta dans les boutiques des environs du Grand cirque, mais contrairement à ce que les textes anciens proclament, Néron était alors en vacances dans sa ville natale, mais il dut revenir en toute hâte. L’incendie fit rage durant six jours et l’état psychologique de l’Empereur permit aux historiens de lui attribuer un acte de folie inexcusable. Il y aura beaucoup d’autres destructions, mais peu eurent des responsables identifiés. Et de nos jours, les feux se multiplient, s’aggravent et continuent et les… mégots ont bon dos !

Désormais, le feu permet d’assister à de véritables scènes de guerre, avec ballet aérien, matériels sophistiqués, risques encourus par des femmes et des hommes courageux… Bref, les ingrédients d’une série télévisée susceptible de combler les détraqués qui s’imaginent puissants ou vengés. Après le passage ravageur des flammes, en prenant de la hauteur, la réalité est tout autre. Ce qui ne saute pas aux yeux depuis le sol devient évident : la nature n’existe plus. L’uniformité des cendres grises, les squelettes d’arbres dévorés à la hâte dans leurs structures superficielles, les morsures cruelles infligées à d’autres plantations plus massives… on survole une nappe dénudée et sans relief, un désert né du parcours méprisant d’une vague brûlante. L’impression de désolation envahit immédiatement le cœur face à l’étendue des dégâts. Plus rien… plus que de minces colonnes de fumée qui sortent du sol. Elles ressemblent étonnamment à ces fumerolles qui parsèment le cratère que l’on pense mort d’un volcan… dérisoires, plumes oubliées par l’ogre qui a englouti avec avidité tout ce qui se trouvait sur son passage. Parfois, brutalement, le panache enfle et, en un instant, le festin cruel reprend sous l’influence d’un souflet de forge venu de l’océan. La « bête » renaît de ses cendres, prête à s’empiffrer de nature supplémentaire. Un souffle de vie sommeille dans le feu que l’on pense en coma mortel et qui rampe au milieu d’alignements parfaits de jeunes pins prometteurs !

A Lacanau, on surfe sur le terrain des vagues d’un océan qui se fait poser par la météo des rouleaux sur sa chevelure ondulée. A quelques encablures de là, des pélicans jaune d’or surfent sur le lac voisin, plongent sur leur cible, ouvrent leur ventre pour tenter de noyer un terrain vague sans relief. Le contraste est saisissant entre ces deux mondes du superflu et de l’essentiel. Le feu élimine la lutte inévitable qui se joue dans la nature réglant ainsi le sort de celles qui agitent les hommes et qui se révèlent finalement sans influence.

Les vacanciers s’angoissent avec le courant électrique trop longtemps coupé dans les campings… Les glaçons auront fondu à l’heure de l’apéro, puisque les réfrigérateurs manquent de jus, risquant ainsi de gâcher les vacances ! Les automobilistes pestent contre ces routes barrées qui les envoient sur d’inévitables embouteillages, les privant du plaisir d’aller s’installer sur la plage brûlante. Le désastre écologique est terrible, avec un gigantesque plaque d’eczéma gris qui s’étale sur le corps de la terre, mais le plaisir passe avant tout le reste. On se retrouve au carrefour des réalités d’une société qui n’a pas encore pris profondément conscience que la terre brûle ! Les surfaces incendiées dans le monde représentent environ 6 fois la surface de la France chaque année, soit plus de… 11 hectares par seconde et 350 millions d’ha chaque année selon la FAO ! Les surfaces incendiées en Amérique du Nord ont doublé en 30 ans, malgré les moyens accrus de lutte contre les incendies : cela est le signe d’une fragilisation de l’environnement, plus vulnérable au feu.

Feu la forêt ! Elle s’amenuise à cause du mépris des uns ou de la vanité des autres. Elle ne résiste pas, en été, à ce qui relève purement et simplement de l’inconscience destructrice ou de l’indifférence coupable du plus grand nombre. Condoléances… aux générations futures ! Les larmes ne suffiront pas à éteindre les incendies !

Cette publication a un commentaire

  1. Nadine Bompart

    Peut-être faudrait-il aussi arrêter la monoculture sylvicole, dans les cas d’incendie, ça n’aide pas!!!!
    Cette « forêt » des Landes, moi elle me fout le bourdon! Tous ces pins plantés en ligne droite, ça me fait penser à un camp de prisonniers au garde-à-vous….
    Je préfère ma forêt Limousine, même si les propriétaires ont tendance de plus en plus à planter de la sapinette; rentabilité à court terme exige!!! Mais l’on se bat contre ça, pour ne pas vous ressembler!!!
    Quand au « plaisir avant tout », ça m’a fait rappeler cette image terrible de deux fillettes Roms noyées, gisants sur une plage d’Italie, et les touristes à 10 mètres profitant du soleil….
    Quelle est belle l’humanité!!!

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