"L'intérêt général au-dessus des considérations partisanes"

Mon intervention lors de la session plénière du conseil général de la Gironde ce jour :

Monsieur le Président,

Chères et Chers Collègues,

1523654_4977482_800x400A l’instar du Président qui a toujours fait passer l’intérêt général au dessus des considérations partisanes, je voudrai en toute indépendance prendre position sur la motion qu’il vous propose.

J’ai bien conscience que bon nombre d’entre vous, parmi les plus courageux et les plus motivés, ne sont pas nécessairement venus pour entendre la présentation d’un Budget Supplémentaire peu enthousiasmant et surtout reflet de la situation très incertaine des Conseils Généraux.

Inutile de se voiler la face ou encore une fois de tourner autour du pot fut-il aux « roses ». Notre préoccupation actuelle est de deux ordres : les lois de « recentralisation fédéraliste sur la réforme territoriale » et les dispositions prévues en matière de réduction drastique des contributions de l’État républicain aux missions déléguées aux collectivités territoriales.

La motion qui est soumise à votre vote résume de manière très claire la première facette de cette situation paradoxale. Elle est beaucoup plus discrète sur la seconde et c’est probablement ce qui m’a décidé à intervenir dans ce débat et à porter la parole d’un certain nombre d’entre vous, très inquiets sur le devenir du Conseil Général actuel et même de ce fameux Conseil Départemental dont la durée de vie, fait inédit, est déjà fixée avant même la naissance.

Certes et je ne le nie pas, il faudra une réforme de la Constitution pour supprimer l’une des trois collectivités territoriales inscrites dans le texte fondateur de notre République. Je me permets, en effet, de rappeler humblement aux chantres que l’intercommunalité n’est qu’un «outil» de solidarité au service des Communes et qu’à ce jour, quelle qu’en soit la taille et ses compétences, elle n’a pas d’existence constitutionnelle.

Les «optimistes» dont je ne suis pas, disent déjà qu’il y aura des échéances électorales avant 2020 et l’obstacle de la majorité des 3/5 des parlementaires pour rayer de la carte les Conseils Généraux. En ce qui me concerne, je ne retiens que la réalité : l’article de la future loi que les Députés voteront en dernier lieu qui est sans ambigüité : «sur les modalités de suppression des conseils départementaux à l’horizon 2020, pour aboutir à une révision constitutionnelle avant cette date ». Tout Député qui votera le texte acceptera de fait cette disposition que le Secrétaire d’Etat à la réforme territoriale a résumé d’une autre manière et de façon claire le 5 juin dernier à Nevers lors de la réunion autour de la ruralité : « il faut dévitaliser les Départements». Dévitaliser c’est «enlever la vie», «c’est préparer à la mort» c’est un terme de dentiste pour soigner une dent malade et préparer son remplacement par une prothèse.

Et la Loi des Finances, prévoit justement cette «dévitalisation» en privant les collectivités locales de 11 milliards d’€uros et en leur faisant payer au prix fort les erreurs de gestion des dix dernières années. Durant cette décennie les Départements ont déjà contribué à hauteur de 246 milliards d’€uros aux économies de l’État par leur compensation du déficit des Allocations Individuelles de Solidarité.

  • Certes on ne tuera pas le Conseil Départemental mais on le privera des moyens indispensables à sa survie.
  • Certes on ne poignardera pas à Versailles le Département, mais on lui appliquera le garrot pour qu’il meure à petit feu.
  • Certes en 2015, on lui permettra de préparer ses obsèques en recrutant des volontaires pour faire les cérémonies de passation de ses biens, pour répartir les bijoux de famille et choisir le cercueil.

Monsieur le Président,

Mes Chères Collègues,

Quelles que soient les conséquences de ma prise de position personnelle, je souhaite ne pas avoir de regrets.

Vous connaissez comme moi le fameux principe politique de Jean Jaurès. En cette année de centenaire de son assassinat je ne peux que m’en inspirer «Le courage c’est de chercher la vérité et de la dire et de ne pas faire écho de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques». Et on applaudit fort dans les medias nationaux ne connaissant rien à la gestion locale !

Alors ne prenez pas mes propos pour autre chose que l’expression de ce que beaucoup pensent tout bas sans avoir la volonté de l’exprimer.

La résignation, l’indifférence, le populisme sondagier béat tuent la politique et les politiques et je ne veux pas un jour avoir des remords. Ne plions pas devant l’opinion dominante etrtenue par des prêcheurs ignorant tout de notre rôle !

Mes Chers Collègues, cette réforme est celle des 6 «i». Elle est Improvisée, Inopportune, Injurieuse, Inquiétante, Inévitable et surtout elle sera Inefficace. Aucune exagération dans ces propos mais simplement des constats objectifs, peu technocratiques mais pris dans la réalité du terrain. Je ne peux pas comme chacun d’entre vous laisser le F.N. porter la défense des Départements. Je refuse de voir le FN se présenter comme le rempart contre la dispartion des départements et la défense des communes !

Improvisée – Cette réforme est totalement improvisée. Elle repose sur des postulats dont personne, en dehors des Cadres de Bercy, n’a mesuré la véracité. Rien n’est rationnel. Tout a été bâti à la hâte de la même façon que l’avait été la suppression de la Taxe Professionnelle par Nicolas SARKOZY. Au pays de Descartes on a perdu à la hâte des «cartes» on a énuméré des compétences, on a évalué au tractopelle des économies et on a désigné une victime expiatoire des malheurs du pays : le Conseil Général ? Quelques relais médiatiques toujours prompts à se nourrir des apparences et à la hussarde, sans travail de concertation réelle, on a écrit un texte imprécis et finalement basé sur des sondages plus que sur des besoins.

Inopportune – Cette réforme est inopportune dans le contexte économique actuel. Je vous rappelle que tuer le Département, c’est au minimum renvoyer de 3 à 5 ans des investissements inscrits dans une P.P.I. qui n’a plus lieu d’être sur les collèges, les routes, les travaux environnementaux (eau, assainissement). En 2013, nous avons investi plus de 230 M€ directement. En 2014 ; nous serons autour de 200 M€. En 2015, nous descendrons en-dessous de 200 M€ et par la suite, qui portera en 2016 – 2017 la P.P.I. en cours ? Au moment où la relance devient cruciale, était-ce judicieux de freiner durement les investissements publics en plongeant les Départements dans le doute ! Tous nos efforts sont pour l’emploi et l’économie de proximité… Il faudra des années pour revenir au niveau où nous sommes. Les PME-PMI girondines vont vite apprendre à leurs dépens les conséquences à court terme de cette réforme !

Injurieuse ! Oui cette réforme a des sous-entendus injurieux ! Je le dis et je l’assume. On a persuadé l’opinion depuis 10 ans que les élus coûtent cher, que nous sommes des chasseurs d’indemnités, que nous gérons n’importe comment, que les fonctionnaires territoriaux sont trop nombreux, trop payés, inefficaces … Le discrédit a fait des ravages. Je redis tout haut que les collectivités locales ont été bien mieux gérées que ne l’a été l’État ; que notre Conseil Général s’est désendetté de 2001 à 2011 sans arrêter d’investir ; que nous avons grâce à la décentralisation redressé des situations matérielles désastreuses ; que nous avons intégré des centaines de fonctionnaires abandonnés par l’Etat. Ces affirmations font le jeu du populisme et sont à la base des votes extrémistes ! C’est injurieux de prétendre que nous serions «coupables» ou «responsables» des errements des gouvernements ayant surendetté la France. Nous payons des fautes commises par d’autres mais pas par nous. Entre 2003 et 2013 nous avons économisé sur nos ressources en gironde 1 milliard 152 millions d’€uros pour faire face aux obligations des A.I.S. à la place d’un État défaillant ? Qui va les prendre en charge ? L’État ? La CAF ? Les Communautés de Communes ? Les communes ?

Inquiétante ! Oui elle est inquiétante ! Pour le personnel du Conseil Général, pour les associations, pour les communes, qui n’ont plus aucune lisibilité pour leur avenir. Quel devenir pour les sports, la culture, le social ? On vient de plonger des milliers de personnes en Gironde dans l’incertitude  et l’insécurité sociale au moment où il faudrait de la sérénité et de la solidarité.

Inéquitable ! Elle est déjà inéquitable! La Gironde est en effet avec 13 autres Département dans une situation d’inégalité. La Métropole arrive et la Loi va suivre… Or les fonds que nous collectons sur la Communauté Urbaine de Bordeaux (D.G.F./habitant ; foncier bâti) permettent une double péréquation. Celle entre les divers territoires girondins et celle entre les Départements… Les Conseils Généraux sont beaucoup plus péréquateurs que toutes les autres Collectivités. Péréquateur en matière d’accession à la solidarité ; péréquation avec le CD.S. en matière de soutien, péréquation économique, péréquation dans les politiques départementales harmonisées et solidaires ! Qui va jouer ce rôle ? Qui évitera la fracture ? Qui va réguler les services ? Impossible au niveau de l’intercommunalité tellement les situations sont déjà contrastées et diversifiées. La concurrence va jouer et accentuer les écarts et ruiné la solidarité territoriale !

Inutile ! Cette réforme sera inutile : Elle devait prendre en compte la clarification des compétences, devait réguler les interventions, répartir différemment le rôle de la Région partenaire de l’Europe et de l’État et celui des Conseils Généraux et du bloc communal ! Inutile car elle ne permettra de réaliser aucune économie réelle sauf à pénaliser ou à faire disparaître des pans entiers de la solidarité individuelle et territoriale.

«Evoluer c’est indispensable, réformer c’est important » mais surtout pas sans avoir évalué les conséquences réelles des décisions prises. Or là pour reprendre une formule célèbre dans cet hémicycle nous avançons à la « corne de brume » vers des écueils que les navigateurs bardés de certitudes ne connaissent pas pour n’avoir jamais emprunté le chemin des réalités !

Je voterai cette motion et je souhaite que pour une fois comme à l’A.D.F. et dans de très nombreux Départements, elle soit votée à l’unanimité !

Nous ne sommes pas ringards mais ouverts et modernes,

Nous ne sommes pas réactionnaires ou immobiles mais toujours prêts à agir ;

Nous ne sommes pas dépassés ou inconscients mais lucides et réalistes.

Nous ne sommes pas inutiles ou superflus, car nous portons toutes les solidarités.

Nous ne sommes pas dépassés car nous innovons et nous créons sans cesse».

Chères et Chers Collègues, je dédie cette phrase de Clémenceau aux Députés qui votent ces textes : «Il est plus facile de réformer autrui que soi-même !». Ils devront longuement ma méditer au moment où l’on doit faire effort de mémoire.

Chères et chers collègues nous de devons pas baisser la tête, courber l’échine mais nous devons continuer à faire vivre nos valeurs : proximité, solidarité, efficacité !

Cet article a 3 commentaires

  1. Cathy GALLO-SEGURA

    Merci Jean-Marie pour ce discours lucide et magistral, qui reflète très sûrement ce que nombre d’agents de notre cher CG, soucieux de service au public, de proximité, de solidarité, ressentent. Je partage ton analyse pour vivre au quotidien ce que tu décris de l’action menée par le Département sur notre territoire, action méconnue et galvaudée.
    Continuons à faire vivre nos valeurs !

  2. CATTARIN

    Bonjour,
    Pourquoi voter cette réforme des « 6 » i; d’autant que vous indiquez cela :
     » pour supprimer l’une des trois collectivités territoriales inscrites dans le texte fondateur de notre République. Je me permets, en effet, de rappeler humblement aux chantres que l’intercommunalité n’est qu’un «outil» de solidarité au service des Communes et qu’à ce jour, quelle qu’en soit la taille et ses compétences, elle n’a pas d’existence constitutionnelle. »
    Monsieur Darmian, je partage votre pensée mais pas la conclusion par le vote lequel n’a pas de raison d’être après votre développement; peut être n’ai je pas tout compris !A+

  3. Vinz

    Tu sais comme je partage sur le fond ta juste colère. Mais je regrette qu’en bon pédagogue tu te laisses aller à trop d’acronymes qui compliquent la lecture et la compréhension.
    Bien à toi ,
    Mathilde

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