Mariages d'été, mariages différenciés !

A chaque fois que je me tiens en haut des marches, sur le palier de l’Hôtel de Ville conduisant vers la salle citoyenne dans laquelle se déroulent les mariages, la surprise est toujours la même. A plus de 300 reprises j’ai eu le privilège, car ç’en est souvent un, de célébrer une cérémonie réputée institutionnelle dont aucune ne ressemble aux autres. Durant l’été, les rendez-vous d’officialisation de vie commune se multiplient comme s’il fallait absolument contredire le risque d’application du dicton ; mariage pluvieux, mariage heureux ». Visiblement, la très grande majorité des couples préfèrent avoir au dessus de son union un ciel bleu, qu’ils considèrent comme plus conforme à leur vision de la vie ! En fait, il est facile de détecter, en ces jours heureux, la réalité des relations humaines à travers l’application qui est faite des rites sociaux. On achète son mariage, selon ses moyens, clés en mains. C’est devenu une moment de consommation avec des dégâts considérables. Il faut parfois régler une situation administrative, se donner un statut social, être reconnu (e) ou enfin se trouver dans le rôle de princesse ou partager un moment de liesse collective.

Avec le recul du temps il existe aussi des étés « meurtriers » pour les apparences matrimoniales, car les signes extérieurs de richesse amoureuse ne constituent pas un gage de durabilité de l’acte d’état-civil accompli comme premier magistrat. A l’issue du processus administratif, avec un brin d’intuition, un « expert », dans une commune à taille humaine, peut sans grand risque d’erreur prédire le devenir des consentements échangés.

D’abord, il faut s’intéresser aux motivations profondes de l’organisation de cette rencontre. A la fin du siècle précédent, elles étaient « utilitaires ». Le mariage fut considéré comme strictement indispensable pour sécuriser l’avenir d’une famille constituée ou à régulariser. En général, c’est aisément repérable, car la mariée adopte  une tenue toujours soignée mais non spécifique à l’événement, et le jour choisi (il n’y a aucune contrainte à Créon) peut aller d’une fin de matinée en semaine à une heure tardive du soir. La montée des marches s’effectue avec un petit groupe d’amis et dans un désordre voulu pour éviter tout cérémonial jugé inutile. La saison importe peu puisque, dans la très grande majorité des cas, on évoque la notion de « régularisation » qui ne convient pas à celle de « fête ». Dans l’assistance, les visages des parents (s’ils sont présents) son résignés et fermés puisque cette notion de mariage ne correspond pas du tout à leur culture. Ils ont visiblement le sentiment que l’engagement souscrit manque de « profondeur » et de « sérieux », mais ils renoncent à exprimer quoi que ce soit. Souvent d’ailleurs, les impétrants n’en sont pas à leur galop d’essai et ils reviennent en « seconde semaine » à « tournez manège » ! Faussement décontractés, ils accordent un « oui » à la question traditionnelle qui se veut décontracté et banalisé, voire distant en faisant comprendre au Maire que son instance est vraiment inutile.

S’il existe encore fréquemment, ce type de rendez-vous a été fortement concurrencé par un « retour aux traditions », imposé par une évolution des mœurs. On trouve en effet ensuite le respect, pour des couples exactement dans la même situation, des « attributs » symboliques de cette manifestation. La robe de la mariée en fait partie intégrante. Selon sa volumétrie et la qualité des volants, dentelles, broderies, on peut aisément mesurer l’addiction de la mariée (ou de sa mère) au mythe de Sissi. Parfois, elle contraint le père accompagnateur à adopter une démarche de Lucky Luke pour éviter d’endommager un ouvrage dont a longtemps rêvé celle qui le porte. Loin de moi l’idée de porter un jugement de valeur, mais souvent, derrière ce choix, se trouve une farouche volonté de conjurer le sort et de consolider ses espoirs de réussite de la vie commune par le respect des règles séculaires. Rare, très rare, est le choix d’une autre couleur que le blanc, comme s’il fallait absolument donner un gage de sincérité. Un simple constat : plus les familles sont originaires du Sud de l’Europe et plus le cérémonial respecte les usages. L’enthousiasme accompagne souvent ces mariages de plusieurs dizaines d’invités, voire proche de 200, avec des « toilettes » de circonstance. Paradoxalement, les principes de Mai 68 et l’union libre ont été lentement remplacés par un retour sur des valeurs réputées plus conformes au contexte actuel. La crise ne frappe pas les mariages. Au contraire, il me semble que les fastes ne cessent de retrouver leur niveau d’antan.

Enfin, alors qu’au XVIII° et au XIX° siècle les romans contaient les malheurs découlant des mariages « arrangés », un pourcentage d’un style différent mais fondé sur les mêmes principes existe dans les cérémonies actuelles. Ce n’est souvent qu’un pressentiment dont on se sent coupable, mais certaine situations paraissent pour le moins suspectes. L’amour n’est pas toujours la valeur fondatrice de l’union, et ça se devine aisément… mais au bénéfice du doute, même s’il est fort, le maire doit s’exécuter. Ces cérémonies là me perturbent, me mettent mal à l’aise, d’autant plus qu’elles sont souvent accompagnées des mêmes symboles que celles réputées moins troubles. C’est ainsi!

Le sujet reste tabou dans une société où l’amour ne recouvre pas du tout les mêmes réalités. Ne suis-je pas d’une certaine manière, au creux de l’été, dans la répétition des mariages, le complice de simulacres toujours désastreux pour les femmes? Les discours paraissent alors dérisoires et les mots « bonheur », « partage », « respect », « dialogue », « avenir » fondent sous les effets des rayons de soleil des apparences. Heureusement qu’il en est aussi souvent de beaux, de lumineux, de chaleureux, de tendres et de rassurants… qui réconcilient avec la fête des soirs d’été réunissant tant bien que mal deux familles!

 

Cet article a 2 commentaires

  1. J.J.

    Georges, l’incontournable Georges, a écrit lui aussi de fort belles choses sur le mariage : La Non Demande en mariage et La marche Nuptiale
    …………………………….moi de toute ma morgue,
    Sur mon harmonica jouant les grandes orgues

  2. Cubitus

    Comme disait un humoriste : « Le mariage, c’est pas la mer à boire, … c’est la belle mère à avaler ! »

Laisser un commentaire