Ne dites pas que votre voix n'a pas de prix !

C’est à la terrasse des bistrots que l’on vous pose souvent les questions les plus sincères et donc les plus embarrassantes. A Créon je n’ai pas échappé à celle-ci accompagnée d’une remarque acerbe : « Ça doit rapporter d’être candidat aux législatives, car vous êtes nombreux ? » C’est vrai que sur la 12° circonscription il y a dix portraits affichés sur les 11 annoncés, juste en face des tables où l’on déguste un demi ou un café. Et c’est vrai que de nombreux citoyens ne comprennent rien à cette profusion de partis, avec des personnes totalement inconnues, débarquées d’on ne sait où, et qui, pour la moitié d’entre eux, n’ont fait aucune démarche particulière ! Le père de la candidate se revendiquant de Boutin m’a téléphoné pour me conter la manière dont toute la famille avait été enrôlée pour porter les couleurs du « christianisme militant ». A 23 ans, sa fille, étudiante, se retrouve sur un panneau sans vraiment savoir ce qu’elle y fait.

En fait, il faut expliquer que derrière cette pléthore de vocations, il y a pour certains la manne du financement d’un pseudo parti politique croupion ou confidentiel. Le pactole à se répartir avoisine les 76 millions d’euros: c’est la cagnotte à laquelle peuvent prétendre cette année les… 330 partis qui présentent des candidats au premier tour. C’est un peu moins que l’année dernière (80 millions), mais cela suscite quand même les convoitises, puisque 6603 personnes sont partantes pour 577 postes de députés à pourvoir, soit, comme sur la 12° circonscription de la Gironde, une moyenne de 11 candidats. Evidemment, l’envie de représenter l’intérêt de la Nation et voter les lois est une ambition louable, mais dans bien des cas elle est illusoire, et ne se traduit pas par une débauche d’efforts pour convaincre. Au contraire, c’est à minima. Sans dépenses et sans publicité, car moins ça coûte et plus ça rapporte !

Les subventions annuelles, régies par une loi de 1988, se décomposent en deux parts. La première enveloppe (38 millions) est répartie en fonction du nombre de voix récoltées: un parti reçoit ainsi 1,60 euro par an et par voix sur cinq ans, à condition d’avoir présenté au moins 50 candidats, et d’avoir passé le seuil de 1% des voix dans 50 circonscriptions. Cette somme peut être diminuée si le parti ne respecte pas la parité. La seconde fraction du financement public est destinée aux partis qui ont des élus: chaque parlementaire rapporte 42.228 euros par an à son parti ! Une belle rente de situation sur… 5 ans puisque ça représente plus de 230 000 euros par député (e) ! Il ne faut pas trop rêver car les 331 partis (une spécialité française exceptionnelle!) ne vont pas tous toucher des subventions publiques. Un peu plus d’une trentaine devrait accéder au loto démocratique ! Les plus connus se partagent en effet largement le magot. L’UMP a ainsi récolté 33,3 millions d’euros en 2010 (soit 41% du total des subventions), le PS 23,2 millions (29%). Il n’empêche : ce mode de financement a suscité la polémique ces derniers jours, parce que certains petits partis bénéficient d’aides publiques, alors qu’ils ne sont pas actifs politiquement, comme le Trèfle, pseudo parti écologique aux obscures prétentions qui a profité de l’incrédulité électorale pour recevoir chaque année environ 160.000 euros de la part de l’État alors qu’il n’a pas d’élus.

Selon le site l’Expansion.fr, le PS devrait profiter ces cinq prochaines années de subventions supérieures aux 23 millions d’euros qu’il touchait jusqu’à présent, même s’il ne devrait pas toucher jusqu’à 33 millions comme l’UMP. Cette manne va permettre au PS de rembourser les frais engagés pour la campagne présidentielle – 22 millions d’euros – et d’organiser son congrès à l’automne. Europe Ecologie-Les Verts devrait profiter de son accord avec le PS, qui lui garantit entre 15 à 20 élus, pour doubler sa mise : les verts pourraient empocher une manne annuelle de 3 millions d’euros, contre 1,8 million jusqu’à présent. L’UMP, en revanche, devrait y laisser des plumes – si la victoire de la gauche se confirme. D’autant que le parti ne présente que 25% de femmes aux législatives. Il devra donc s’acquitter des pénalités liées au non-respect de la parité, à hauteur de 5 millions d’euros par an.

Le FN, fort du score obtenu par Marine Le Pen à la présidentielle, a présenté des candidats dans la quasi-totalité des circonscriptions. Il vise une subvention d’environ 7 millions d’euros, avec un score de 16%. Les partis centristes ont, quant à eux, choisi de ratisser large pour maximiser les gains. Le président du Modem, François Bayrou, a créé le Centre pour la France, une nouvelle structure qui lui permet de présenter environ 400 candidats, dont les voix gonfleront les caisses du parti. Le Nouveau Centre de Hervé Morin présente 97 candidats. Jean-Louis Borloo (Parti radical) a, quant à lui, créé l’Union radicale du centre, des indépendants et des démocrates (Urcid) qui présente 90 candidats. Les aides publiques représentent 67% des recettes totales de l’UMP. La perspective d’une baisse de ces subventions n’est donc pas réjouissante, d’autant que le parti a accumulé plus de 28 millions d’euros de déficits après 2007 et a dépensé plus de 20 millions pour soutenir Nicolas Sarkozy à la présidentielle. Et il n’y a plus Mme Bettencourt ! Alors, avant de donner votre voix, sachez qu’elle a un prix non négligeable et que parfois, elle permet à quelques députés battus de vivre dignement durant 5 ans, et à certains prétendants, de dépenser des sommes folles, alors qu’ils se plaignent du matraquage fiscal transparent des impôts qui leur permettent ces folies (téléphone inquisiteur, repas, réceptions, affiches, plaquette…). Mais chut c’est confidentiel !

Cette publication a un commentaire

  1. YEGHIAZARIAN

    Je me suis toujours efforcée de croire que quelque soit le parti tous ces gens ne voulaient que notre bonheur (:-) … Finalement ce n’est que magouilles et Cie. Enfin j’avais déjà quelques soupçons….
    J’ai envie de leur cracher a la figure a tous ces profiteurs. Et je suis polie !!!

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