On attendait le Messi, on a vu le tueur à gages!

L’Espagne pleure sur le triste sort que lui réservent les marchés financiers. Elle croule sous le poids d’une dette abyssale. Son gouvernement joue aux chirurgiens d’antan, amputant à vif, en taillant dans le vif, directement sur le champ de bataille les budgets de l’éducation et de la santé. L’Espagne grelotte, angoisse, se mortifie, comme lors de ces processions d’un autre âge qui parsèment la semaine sainte. Et pourtant, dans le volcan du Camp Nou barcelonais, paré de bleu et rouge avec des travées dorées de lave en fusion, elle offre le contraste saisissant des peuples en folie, comme s’il fallait un exutoire débridé à tous ces malheurs. Les chevaliers de la balle ronde donnent le spectacle et la foule des privilégiés se prépare à oublier tout ce qui, d’une manière ou d’une autre, concourt à sa détresse. L’ivresse est collective. Elle descend des gradins vers le tapis vert où le Messi est attendu pour un miracle. Humble et trottinant, Léo fait ses gammes avec un naturel désarmant. Pour lui, le jeu prime sur l’enjeu.
Pas le moindre signe de stress, alors que des dizaines de regards scrutent le moindre de ses gestes. Il sera dans quelques minutes à la baguette, pour ce qui ressemble autant à une chorégraphie avec danseurs étoiles qu’à une rencontre de football. Dans l’autre camp, son contraire. Le port altier, l’arrogance en bandoulière, le front haut comme pour survoler les espaces, Ronaldo défie le stade. Il souffre d’un déficit de sympathie, puisque tous les Peuples finissent par préférer les David aux Goliath. La Catalogne n’a jamais accepté cette attitude madrilène de gens de cour hautains. En fait, l’opposition de ces deux Princes des stades constitue la clé d’un affrontement anesthésiant des centaines de millions des spectateurs, répartis de par le monde. Le Camp Nou devient pour un soir un immense bénitier où l’on vient se signer pour conjurer le sort défavorable. Du haut du stade, perdu dans le ciel malheureusement sombre du printemps catalan, descendent d’immenses clameurs dès que la balle circule entre les pieds agiles de ses favoris. Elles se transforment brutalement en brouhaha réprobateur mais mesuré au moment où Khedira se jette, comme un mort de faim, sur un « oubli » du gardien du temple, parti à l’aventure sur un coup de pied de coin. La moindre erreur se paie au prix fort… sur cette planète impitoyable ! Et le pire des virus va s’installer dans la machine barcelonaise qui ressemble d’habitude à un jeu électronique parfaitement réglé, celui du doute. Les connections se font en pointillé. Les gestes d’habitude fluides contiennent un zeste de labeur. Le Messi n’utilise que parcimonieusement les « baguettes » magiques de ses pieds, au service de partenaires trop souvent englués dans la « pâte » blanche madrilène. Le Barça déçoit, mais la cathédrale bourrée de « croyants » ne désarme pas. La pluie s’installe, mais elle ne refroidit pas les ardeurs.
Tranchant, puissant, lucide, Benzema trace, à l’inverse, des zigzags laissant des cicatrices dans une défense blaugrana plus habituée aux tactiques d’approche qu’à la guerre éclair menée par ces grosses cylindrées. Le danger est permanent. La différence se fait sur la différence entre la complexité et la simplicité. Le Camp Nou s’impatiente puisque, si le ballon colle aux chaussures de ses idoles, elles ne parviennent pas à le transformer en offrande victorieuse. « Tournicoti, tournicoton », Messi ne se sort pas du cercle des empêcheurs de tourner en rond. Il s’empêtre, à l’approche de la zone de vérité, dans cette muraille, comme une mouche sur du papier collant. Léo se démène mais se retrouve dépourvu quand rien ne s’agite autour de lui. Barcelone perd de sa superbe. Les sifflets pleuvent sur les adversaires par dépit, comme pour meubler le temps qui passe. Mourinho se retranche dans la posture de celui qui tente de communiquer sa confiance par la force tranquille. Guardiola donne le change jusqu’au moment où, après une escapade de Messi ponctuée par une partie de flipper, Alexis propulse une balle filante dans les filets madrilènes. Peu importe. Le Nou Camp, sorte de Scala du football, se contente d’un couac pour ovationner son soliste. Une fortune de courte durée.
Comme une dague effilée, Ronaldo se charge de porter un coup mortel. En trois mouvements et deux temps, torse droit, regard d’aigle fixé sur son objectif, le Matamore madrilène efface la joie des travées. Le Réal…isme intégral ! Les poètes catalans se révèlent impuissants devant cette froideur de tueur à gages, aussi fulgurante qu’efficace. Habitués par leur irrésistible technique à assassiner en douceur, le Barça se retrouve alors en difficulté par ce brutal coup du sort ! La ferveur ne suffit plus à masquer une défaillance collective. Messi rejoint la cour des miracles, celle où évoluent les mendiants avides de quelques libéralités de la part de ceux qui la surveillent. Inutile. Même plus d’éclairs de génie. Celui qui utilise depuis des semaines la poudre d’escampette comme potion magique pour son équipe, disparaît des écrans radars . La fin des rêves de réélection s’efface . L’agitation n’a servi à rien. La force tranquille, la volonté collective, la solidarité active ont eu raison de tous les artifices de forme. Le Camp Nou n’a pas vu le temps passer. Moi non plus…

Cet article a 2 commentaires

  1. Cubitus

    Personnellement, j’attends avec impatience de voir la tête de Guéant quand il annoncera les résultats.

  2. J.J.

    Quel style épique !
    Victor Hugo ou Garcia Lorca ?

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