On se rapproche discrètement des chaloupes de sauvetage

Lorsque l’on se frotte discrètement aux ors du pouvoir, on s’aperçoit que l’on peut découvrir, sous les apparences de la dorure, des parcelles de vérité moins clinquantes. Durant 72 heures et 4 réunions dans les Ministères actuels ou pas très loin, les indices d’une inquiétude sur le résultat des prochaines échéances présidentielles sont palpables. Il suffit d’être attentif pour déceler dans les discours des expressions ou des pressions révélatrices. Certes, ce n’est pas encore la panique, mais on sent poindre une préparation de l’avenir dénotant un manque de confiance dans l’issue des scrutins. Un peu comme si « le capitaine qui souhaite rester à la barre dans le tempête » incitait plutôt à mettre des vivres dans les chaloupes de sauvetage qu’à monter sur le pont. Ainsi, lors de l’ouverture des séances auxquelles j’étais convié, les présentations des représentants de l’État traduisaient aussi parfois le sauve qui peut en préparation. Une fonction ne semble plus, par exemple, très prisée : celle qui est liée à l’appartenance à un « cabinet ». Dans les postes fixes sécurisés, on constate que les mutations sont de plus en plus nombreuses. Les parachutages vers la fonction publique ou parapublique ne sont certes pas dorés, mais ils ont été largement déployés. C’est un signe avant-coureur du naufrage du navire… car on sait pertinnement qu’il n’y aura pas de bouée de sauvetage pour tout le monde quand il faudra recaser les « collaborateurs » n’ayant pas été, comme Fillon, «les premiers » du «capitaine ». Celles et ceux qui sont dans les machineries souhaitent ne pas y laisser la peau !
L’autre détail qui ne trompe pas, c’est la boulimie de réunions qui se manifeste sur le mois de mars, comme s’il n’y avait rien après. Le climat n’est guère à l’optimisme et, en avril, on ne se découvrira pas d’un fil. Tout doit être réglé vite, au prix d’Une accélération foudroyante des procédures. Les annonces sont toutes à faire dans le mois qui arrive. Tout le monde a pris le modèle présidentiel : régler en quatre semaines ce que l’on a refusé de voir durant 5 ans ! Les scéhams vont pleuvoir, les décrets vont pousser de toute part et les positions seront revues et corrigées. Par exemple, lors de la commission très restreinte des grands équipements sportifs, on apprend que pour les stades du « sprot spectacle », le Ministre ne souhaite plus que l’on mette (sauf peut-être chez quelques amis) les sommes promises. « Ces équipements sont profitables ou ne le sont pas : s’ils le sont, c’est au modèle privé qu’il appartient de les financer. Telle est la pensée du Ministre », affirme un directeur de cabinet qui n’a pas dû rencontrer Alain Juppé depuis belle lurette pour « son » grand stade. « On a décidé de sommes allouées de manière totalement arbitraire » avoue le Directeur des sports du Ministère. « Nous recevons des visites plus ou moins officielles des investisseurs privés qui nous expliquent qu’avec la crise, ils ne peuvent plus faire face aux engagements pris ! » Et c’est exact, les « copains » mettent la pression pour obtenir des subventions ou des rallonges dès les prochaines semaines.
Les députés maires UMP font le siège des cabinets, pour récupérer tout ce qui peut rester au fond des tiroirs, qu’ils veulent vider avant qu’il ne soit trop tard. Auraient-ils peur, par exemple, de ne plus avoir les mêmes interlocuteurs face à eux ? La commission devra donc, à marche forcée, se prononcer sur des labels « grands équipements sportifs » donnant droit à quelques bonnes pincées de millions d’euros du Conseil National de Développement du Sport en… 15 jours ! Le prochain Conseil d’administration du CNDS se tenant avant les élections, il faut absolument faire des effets d’annonce avant le premier tour et surtout les prochaines législatives. Il existe une certaine fébrilité…, certes contrôlée, mais bel et bien palpable. Les dossiers, même mal ficelés et incomplets, passeront très vite ! On sent même que le verdict est déjà acquis !
Le monde politique de droite n’y croit plus tout à fait, même s’il est contraint de ne faire bonne contenance. Pour se sortir des écueils où le « navire » semble empalé, on jette par-dessus bord tout ce qui, idéologiquement, se trouvait dans les cales. On est entré dans la période du pragmatisme et, plus encore, on perçoit une amorce de « sauve qui peut », agrémentée d’une volonté de récupérer tout ce qui peut l’être encore avant d’avoir à naviguer sur des eaux incertaines. Les sirènes d’alerte des sondages du…second tour résonnent dans les couloirs? et rares sont ceux qui vont, dans un avenir proche, prendre le risque du jusqu’auboutisme. Mais ce n’est qu’une sensation de campagne !

Cette publication a un commentaire

  1. batistin

    Le sentiment, en vous lisant, Monsieur, est que les intérêts particuliers prennent le pas sur l’intérêt commun.
    Mais la question à se poser est celle-ci: est-ce une façon de gouverner qui trouve dans le risque une accélération, ou est-ce ainsi, plus calmement, depuis cinq ans?
    Question idiote surement quand on voit comment marche le monde:
    une vision d’ensemble, visant à engraisser les amiraux, tout en affamant l’équipage.
    Ce qui finalement aura un avantage, celui enfin d’une juste répartition, quand le bateau coule, tout le monde meurt.
    Sauf celles et ceux qui naviguent chaque jour sur des radeaux de fortune, mieux équipés en fait pour affronter l’adversité.
    Ou comment l’Etat peut bien faire sa course au large, et franchir toutes les mers, pour finir au fond des abysses, cela ne changera pas grand chose pour bon nombre de, déjà, naufragés.
    Sauf le bulletin de vote, souvenir antique d’une démocratie, que l’on a cloué aux troncs des arbres de nos îles de Robinson, et devant lequel chaque matin nous levons le drapeau et disons nos grâces.
    Ce qui fait bien rire les oiseaux, libres .

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