A vous qui passez cet été sans vous voir

Les migrations sont au cœur de l’été. Elles occupent tous les journaux télévisés, toutes les radios, tous les quotidiens qui effectuent des reportages sur cette grande transhumance agitant la société, pour le plus grand bonheur des sociétés d’autoroutes, des loueurs divers, des restaurants  avec ou sans étoiles. On ramasse tous les bouchons pour embouteiller les ondes avec des consignes que personne ne respecte vraiment puisque le droit à la libre circulation des biens et des personnes est la valeur essentielle de cette Europe avide de soleil ou de détente. Enfin pour certains ! Les européens courent du Nord au Sud ou de l’Est vers l’Ouest avec une frénésie particulière. Ils dépensent une énergie considérable pour  s’offrir le vrai plaisir pour certains d’aller à la conquête du désert ou d’horizons inédits. Des heures et des heures d’une traversée continentale épuisante pour gagner parfois les ergs marocains où la découverte de la vie sous la tente est considérée comme un atout touristique attractif. Le bonheur de vivre dans la précarité, le dénuement, la simplicité fait plus que jamais recette!  
Avec quelques poignées d’euros de leurs périples en 4×4 réputés audacieux et épuisants ils rapporteront les clichés démontrant leur esprit d’aventuriers ou de conquérants ayant bravé les dangers de la vie primitive ou paupérisée. Ils croiseront peut-être dans un port ou sur une route d’autres gens souhaitant accéder à un monde meilleur dans lequel la faim, la soif, la peur, la privation de tous les droits fondamentaux n’existent plus depuis des décennies. Eux font le chemin inverse intellectuellement et matériellement.
Pour ces migrants la chaleur, la fatigue, la poussière existent depuis la naissance et ils les subissent véritablement tout au long de leur vie. Pas de haltes autoroutières ou d’oasis pittoresques sur leur chemin de l’exil. Eux-aussi espèrent de tout leur coeur des jours meilleurs. Ils économisent très longtemps pour s’offrir le voyage de leur vie qui sera pénible et interminable Eux-aussi voient paradoxalement des châteaux en Espagne ressemblant à des HLM sans pouvoir les atteindre et même ils ont des songes obsédants d’été en Angleterre en passant par un tunnel sous la Manche qu’ils ne verront jamais. Ils ne souhaitent pas de congés dont ils n’ont jamais entendu parler mais ils revendiquent du boulot, rien que du boulot, toujours du boulot pour exister et s’offrir un jour des vacances au pays. Pour eux les étoiles de la voie lactée serviront d’hôtels durant des mois et parfois des années. Pour eux l’avenir tient à une brèche dans un grillage.
Cette semaine ces migrations contradictoires alternent à la une de l’actualité. On s’étendra encore durant des heures de télévision, de radio ou des pages de journaux sur une journée noire de départs vers le Sud pour vite oublier la journée rouge sang des envahisseurs des installations conduisant vers les îles britanniques. Des milliers de déracinés oubliés à Calais ou bloqués à Vintimille se heurtent à des grillages, à des chiens ou à des forces d’un ordre qu’ils pensaient ne jamais rencontrer au pays des Droits de l’Homme. Ils n’arriveront probablement pas sur les plages froides d’Angleterre qu’ils fouleraient pourtant avec un plaisir extraordinaire quand d’autres ne songent qu’aux grèves torrides du sud de l’Europe ou du Nord de l’Afrique. Ils y partent en « nuées » de fourmis roulantes motorisées quand d’autre errent à pied le long d’un parking sécurisé. De nombreux migrants de l’espérance ont encore tenté dans la nuit de jeudi à vendredi de s’introduire sur le site du tunnel sous la Manche, mais se sont heurtés aux renforts policiers qui ont sécurisé les quais et facilité l’écoulement du trafic.
Plus « de 1.000 tentatives » d’intrusion de ces migrants souhaitant rejoindre la Grande-Bretagne ont ainsi été dénombrées par les policiers. Mais la plupart n’ont pas pu aller au bout de leur tentative et atteindre les navettes d’Eurotunnel empruntées massivement par les touristes. Une autre source policière avançait même le chiffre de « 1.400 intrusions » entre 22 h jeudi et 07 h hier matin, et 450 interceptions, contre 300 la nuit précédente. Alors que l’on se réjouit des « nuées » de touristes débarquant en France, les propos de Cameron parlant d’envoyer l’armée britannique à calais contre ces hommes prêts à tout pour s’ouvrir les portes de l’espoir d’une vie meilleure ont choqué toute l’Europe. « La situation est inacceptable » a-t-il déploré, « nous allons envoyer des clôtures, des chiens renifleurs et des moyens supplémentaires »… Douvres va être mise en état de siège et le débarquement n’aura pas lieu.
Contre les migrants anglais des vacances les radars vont en revanche fonctionner à plein régime sur les routes secondaires de France. Les péages seront pris d’assaut. Le fric entrera dans les caisses d’Eurotunnel. Les ferries qui fonctionnement battront des records de fréquentation. Ces migrations provisoires rapportent du fric alors que les autres servent de répulsifs aux contribuables. Peu importe donc qui les accomplit pourvu qu’elles soient rentables. Parfois les deux migrations s’installent sous la tente, tentent de prendre un train, aspirent au bonheur de la liberté d’être et partagent leurs repas… ou leurs espérances. Nul ne peut nier que le monde reste fait de gens indifférents qui se croisent sans se voir ou sans se parler ce qui les autorisent à se haïr.

Cet article a 2 commentaires

  1. mlg

    Bien vu comme d’habitude!!!!!

  2. Christian Coulais

    Mister Cameron : « La situation est inacceptable » a-t-il déploré, « nous allons envoyer des clôtures, des chiens renifleurs et des moyens supplémentaires ».
    A quant la pause de mines antipersonnelles, côté français ou anglais ?
    Les pays riches, anciens esclavagistes, ont toujours des comportements de gardes-chiourmes.

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