Quand les filles de La Rochelle…

Mon grand-père maternel avait eu une enfance extrêmement malheureuse, faite d’abandons, de famine et de placement à 10 ans chez un vétérinaire comme garçon de l’écurie du cheval qui servait au praticien pour parcourir la campagne. Il avait été fait prisonnier dans la boucherie de Verdun à 18 ans, et toute sa vie professionnelle avait tourné autour de la maçonnerie. Sa vision de la politique était assez réductrice : il était « rouge », plus « rouge » que le sang qui coulait dans ses veines. Il faisait le coup de poing dans les réunions de préau des écoles encore communales et publiques d’avant guerre pour défendre les « radicaux », c’est à dire ceux qui prônaient davantage la révolution que les évolutions. Ils haïssait viscéralement les « aristos », les « fachos » et les « mégalos ». Il pratiquait l’anti-gaullisme primaire et n’aimait guère davantage Guy Mollet ! Bref il a vécu toute sa vie dans la méfiance contre un monde politique qui le décevait. Elu à la Libération au conseil municipal de Sadirac, il en était parti en claquant la porte deux ans plus tard, lorsque les Pétainistes repentis retrouvèrent leur place dans la France libérée par les autres. Il ne supportait pas l’hypocrisie de cette vie sociale, oublieuse de ses valeurs, sous l’influence du réalisme !  Je conserve un souvenir ému de ses colères et de ses sorties cinglantes. L’une d’entre elles me traverse ce soir l’esprit à propos d’un « tweet » qui met les exploiteurs de l’actualité en émoi. Impossible de ne pas évoquer ce principe : « Mon garçon dans les affaires de c… politiques, n’y met jamais ton nez car ça sent toujours mauvais ! » Oui, je sais, ce n’est pas philosophiquement très évolué et ce n’est pas intellectuellement recommandable ! Et pourtant, c’est un résumé parfait de la réalité de ce que tous les exégètes de la pensée présentent comme l’événement essentiel de la période électorale. Comment expliquer à ces Diaforus du journalisme… que nous avons beaucoup d’autres sujets préoccupants à traiter que celui qu’ils transforment, par leurs commentaires plus ou moins élégants, en « scandale » politique?

En bref ce fameux tweet (c’est un mot à la mode sur Canal +), ce n’est qu’une affaire de c.. très ancienne, n’ayant aucun intérêt autre que celui de transformer le long fleuve tranquille de la victoire socialiste en marigot aux odeurs peu agréables. Bien évidemment, si c’était un mec bien pensant qui avait expédié ce message « dosé et bien pensé » à un ami de longue date engagé dans un combat électoral, aurait-il provoqué le même chœur des vierges effarouchées des médias nationaux qui comptent ? Le hasard, c’est une femme, et donc c’est beaucoup plus grave ! Et en plus, elle s’exprime librement, ce qui aggrave son cas.. Mais quel que soit le contenu de son message, nous n’en avons rien à faire. Qui peut lui nier un certain courage, celui d’être fidèle vis à vis d’un élu ayant joué un rôle clé dans sa vie personnelle ? La sincérité, l’amitié et d’une certaine manière la liberté, doivent-elles ne plus exister dans le champ politique ? Bien évidemment, dans ce milieu, la « trahison » reste le lot commun, et le « mensonge » la clé de bien des réussites. Comme celles et ceux qui commentent ne savent rien de la réalité des « affaires de c… » ou que, s’ils savent, ils ne disent rien, par peur de se faire démolir, ils tapent dur sur les gens ayant eu l’occasion de leur faire la leçon. Ils cherchent donc des explications savantes à ce qui n’est qu’une expression personnelle dont les racines sont trop affectives !

Mon pauvre grand-père aurait vite réglé son sort à ce « tweet » irrationnel, ressemblant étrangement à un renvoi d’ascenseur : « il sent mauvais ! ». Il n’aura jamais connu « tweeter », et dans le fond, il aura fini sa vie heureux. Il n’imaginait pas qu’un jour, pour exister, il faudrait provoquer le buzz, en maîtrisant parfaitement une communication provocatrice conférant la notoriété. A chaque seconde, sur ce support sommaire, des milliers de frustrés tentent d’accrocher l’attention médiatique en délivrant un scoop potentiel. A fortiori, si sous la plage lisse des mots il y a les pavés des vérités, ils lancent leur message avec avidité. Et nous n’avons encore rien vu ou entendu ! Il est impossible qu’une professionnelle des médias ne connaisse pas les risques de ce type de message. Mieux, ce serait une véritable faute de ne pas avoir fait exprès de diffuser pareil contenu, car cela dénoterait une méconnaissance absolue des conséquences de ses actes. Toute la semaine aura été marquée par la notion de « soutien » et pas par une basse querelle de remerciements pour avoir fourni une alcôve.

 Le vacarme du tweet a recouvert des réalités différentes, beaucoup plus dramatiques, sur trois niveaux : le fameux « ni…ni… » de Copé a une portée politique beaucoup plus forte que toutes les autres. Le revirement de Juppé, qui a dissocié le « global » vertueux et le « local » déshonorant arrive légèrement derrière. Que penser ensuite des soutiens accordés par des candidats UMP à des bienheureux représentants du FN ? Toutes ces positions, non communiquées par « Tweeter », mais bien officialisées sur la place publique, ont une portée nettement supérieure mais ont été noyées dans un charivari d’autant plus bruyant qu’il porte aussi un réglement de comptes des journalistes à l’égard d’une consœur qui connait leurs travers. Et à l’arrivée, on restera sur des analyses répétitives d’une phrase sortie du contexte des histoires personnelles pour devenir un acte… politique ! Encore une dévalorisation du temps fort démocratique d’une élection résumée, depuis des mois et des mois, à une querelle d’egos surdimensionnés de filles loin de la Rochelle !

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