Sisyphe était un élu socialiste de base !

Tous les élus socialistes de base qui le souhaitent devraient recevoir, à l’heure actuelle, un cadeau du PS. Afin de maintenir le chiffre d’affaires des librairies indépendantes ils devaient exiger que les responsables virtuels qui les représentent leur offrent « le mythe de Sisyphe » d’Albert Camus. Cet ouvrage remarquable écrit au cœur de la seconde guerre mondiale, dans des circonstances difficiles, illustre en effet de manière parfaite la réalité de leur rôle dans le parti. Jamais cette aventure inspirée de la mythologie grecque n’a été aussi proche de leur réalité quotidienne. En fait le principe même de l’action de cet homme courageux qu’est l’élu de base réside dans le « rapprochement entre la vie conçue comme un éternel recommencement qui confine à l’absurde ». J’ai le sentiment chaque heure, chaque jour d’avoir besoin de sans cesse me persuader que les idées que je défends peuvent finir par atteindre le « sommet » de la colline du pouvoir ! Or actuellement il n’y a pas un seul instant sans que le « rocher » de mes convictions roule au bas de cet Olympe ou de ces Champs Elysées sur lesquels campent avec condescendance des briseurs de rêves. C’est une punition inexorablement renouvelée qui contraint le « Sisyphe PS » à repartir, sans cesse repartir, sans cesse lutter, sans cesse tenter d’expliquer pour retrouver un brin d’espoir d’être au moins entendu faute d’être écouté. Depuis 40 ans cette année je me bats pour arriver enfin à être reconnu comme sincère et intègre… et depuis 40 ans je suis renvoyé inexorablement vers l’incertitude. Pourquoi une telle punition  ?

Camus cite plusieurs versions explicatives du mythe, la plupart justifient  la punition de Sisyphe par une insulte faite aux « dieux » ou aux puissants ayant le pouvoir sur les hommes entre leurs mains. Oui peut-être ai-je, en d’autres temps, pour avoir longtemps combattu aux cotés de Michel Rocard après mai 68 offensé « Dieu » ? J’ai certainement toujours été mal vu de la part des porteurs des idées majoritaires puisque j’ai refusé à plusieurs reprises de respecter l’ordre établi. Je ne m’en suis vraiment jamais remis. Je suis considéré comme « atypique » et j’ai été condamné à effectuer les travaux forcés de la persuasion, ceux qui incombent aux gens qui ne sont jamais cru ! Me voici contraint de convaincre des gens qui ne veulent pas être convaincus et qui du bout du pied ou d’un geste de la main méprisant me renvoient sans cesse à ma tâche ! Je bosse, je bosse, je bosse, je bosse… pour être, chaque soir assailli par le doute et donc obligé le lendemain matin de croire que j’arriverai à mes fins.

Selon une autre version, Sisyphe découvrit la liaison entre le maître de l’Olympe (ou de l’Elysée), Zeus et Egine, une nymphe qu’il avait enlevée. Le peuple se passionna pour cette aventure et le pauvre Sisysphe écrivit sur le sujet pour s’en aller monnayer l’information auprès du père. En échange de ses révélations il reçut une fontaine pour sa citadelle. Sa trop grande perspicacité irrita les dieux qui le condamnèrent à porter un bandeau et à pousser au sommet d’une montagne un rocher, qui roule inéluctablement vers la vallée avant que le but du héros ne soit atteint. C’est vrai que chaque soir depuis maintenant 10 ans en me mettant devant mon clavier pour tenter de renverser les montagnes des idées toutes faites je me dis que… l’échec est au bout du texte. Et chaque nuit j’espère convaincre faute de pouvoir vaincre! Le résultat est toujours le même !

L’élu n’a plus d’autres missions que celle de rouler sans cesse vers les sommets sa « boule » afin de l’installer là haut grâce au suffrage universel dont il doit obtenir les « faveurs ». En chemin il doit vaincre les chausse-trappes, les guet-apens et surtout accepter les quolibets, les sarcasmes des spectateurs qui ne croient plus du tout en lui au prétexte que celles et ceux qui sont au sommet les ont trahi après leur arrivée ! On ne cesse de le comparer à celles et ceux qui occupent le sommet de l’Olympe et qui parfois se servent ou asservissent.  Depuis maintenant 3 ans l’élu socialiste de base va de désillusion en désillusion avec ces « Dieux » fabriqués pour la plus grande majorité d’entre eux dans la mythologie socialiste dans laquelle ils se sont glissés par strict opportunisme. Ces ministres du culte de la personnalité le renvoient vers la dure réalité d’ouvrier de l’impossible. Ils accumulent les non sens, avancent, reculent, bifurquent, vont dans le mur obligeant Sisyphe non seulement à hisser le rocher mais à sans cesse modifier son parcours contre son gré !

Camus considère pourtant qu’« il faut imaginer Sisyphe en militant heureux » trouvant son bonheur dans l’accomplissement de la tâche qu’il entreprend, et non dans la signification de cette tâche… qui n’a pas grand intérêt sauf celui de montrer sa ténacité ! Refusant la démission et donc le « suicide » Camus souligne que Sisyphe va jusqu’à apprécier son rôle, recherchant toujours la même flamme, la même passion qui l’anime… Si la flamme et la passion viennent à vaciller pour être remplacée par l’intérêt et la lassitude on arrive aisément à une vie infernale !

Pour ma part je pense, comme Camus que seule la révolte permanente, le refus de pousser interminablement le « rocher » sous le regard narquois des « dieux », permettent de vivre sa vie dans un monde absurde. Et il l’est devenu avec des décisions illogiques, inefficaces, inutiles et trompeuses. Cette révolte est plus importante dans le fait de se révolter que dans les causes défendues en elles-mêmes. Camus propose donc une théorie de l’engagement personnel passionné et conscient qui est compatible avec le climat politique de son temps. Il n’a jamais été autant d’actualité. Pour moi soit l’heure de la révolte a sonné soit celle de la retraite !

Cet article a 2 commentaires

  1. Torquemada

    La métaphore est on ne peut mieux choisie . Et le caillou est bien lourd. Il a été fondu au cœur du volcan libéral avec de la matière dure qui ne laisse pas de place aux poches d’air sociales qui permettraient d’alléger le rocher.
    Tous les citoyens sont contraints de collaborer à cette tâche absurde qui consiste à pousser le rocher de l’égoïsme financier sur la montagne de la vanité des puissants.

  2. Rene Cerdan

     » Tout le monde ment ; bien mentir, voilà ce qu’il faut ».
    ( Les justes)

Laisser un commentaire