Un duo qui n'est pas sur la même longueur d'onde

Deux visites ministérielles dans une journée sur la Gironde, et deux visions différentes de ce boulot national que beaucoup envient mais dont on peut se demander en fin de compte s’il est aussi important que l’on veut bien l’afficher. L’occasion était trop belle de vivre deux réalités différentes et deux visions d’un voyage sur le terrain. L’observation de tels déplacements, avec un brin de recul, sans trop entrer dans le jeu de rôle qui sied à ce théâtre officiel, constitue toujours un exercice jubilatoire. On y voit la véritable dimension du pouvoir et surtout la manière dont s’y consacre chaque membre du gouvernement. Un ministre, dans le fond, n’est qu’un porte-parole spécialisé de volontés pouvant être attribuées au Président. Le contenu des discours est extrêmement révélateur à cet effet, et plus encore la manière dont le visiteur aborde les gens qui l’attendent. Tout élu local un tant soit peu attentif se rend vite compte du parcours politique de celui qu’il accueille.

8h 30 : Saint Emilion dort encore. Les rues pavées sonnent creux sous les roues de rares automobiles. Les forces de l’ordre sont là, en nombre réduit. Elles ont fait évacuer les véhicules qui ne permettraient pas à ceux des « officiels » de stationner devant un Hôtel de ville coquet et qui s’était fait une beauté. Pelouse rasée de frais, allées soigneusement peignées et échafaudages évacués : le maire court d’un coin à l’autre, et un adjoint dévoué, avec la pelle de la femme de ménage, tente d’effacer une flaque que l’arrosage matinal à créée au ras du seuil d’entrée. Personne n’est vraiment stressé. Tout le monde a eu droit à des visites préalables et à des répétitions minutieuses. Les motards et les chauffeurs ont reconnu  plusieurs itinéraires soigneusement chronométrés. Et les locaux ont été visités. Le protocole a été énoncé. Le ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie fait sa première « sortie » au grand air. « J’ai déjà maintes fois expliqué à mes collaborateurs que malgré tout l’intérêt qu’ont les rendez-vous dans mon bureau, ils ne remplaceront jamais une escapade sur le terrain ! » Philippe Martin a vite trouvé ses marques et vite analysé le contexte dans lequel il est arrivé. Pour lui, ancien élu local (conseiller général puis président de celui du Gers), ancien Préfet, il possède toutes les recettes de ce type d’exercice. Du « master chef ». Il « toque la manette » avec enthousiasme et plaisir non dissimulé, y allant de son commentaire familier, de son trait d’humour. En une demi-heure il est devenu l’ami de tout le monde. Pour son programme ? Aucun souci, on sent bien que le fameux « cabinet » a vite compris où était le patron : il a fait confiance au député Philippe Plisson, son « pote », pour réguler la journée et d’ailleurs il se servira de lui comme point d’ancrage. Philippe Martin n’a donné aux « hautes autorités de l’État » aucun véritable rôle dans son programme. Il s’en moque. Il est à l’aise, très à l’aise dans des chaussures ministérielles qui pourtant ne lui semblaient pas promises. En quittant la salle de réception de la mairie, il a conquis tout le monde et surtout il a tenu son rang.

Pour lui, les élus de terrain sont les seuls qui comptent et il le fait sentir. Lors de ses propos sur « l’économie circulaire », sujet abstrait, il va prononcer un discours fondateur qui ouvre enfin une vision de gauche de l’action indispensable sur le recyclage et l’utilisation des déchets, « mine urbaine » à exploiter. Concret, pragmatique, précis : il avance clairement à gauche en soutenant les élus qui lui ont fait confiance. Descendu de scène, il va, très à l’aise, dire un mot à chacun, écouter les uns et les autres, saluer un gersois. Bref ce ministre là sait que le bonheur est dans le pré de la réalité et il est fermement décidé à y ramasser les fleurs du succès ! Un membre du gouvernement « à l’ancienne », droit dans ses convictions, avec une seule référence : « le président m’a demandé de… ». Il quitte la scène à regret, comme ceux qui ont du plaisir à y exercer leur talent. Philippe Martin va tenir la route. C’est une certitude…

11 h 50 : Autre lieu. Autre vision. Le ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt a une demi-heure de retard pour une valise de trop dans la soute de l’avion de ligne qui l’a amené à Bordeaux. Service d’ordre visible, convoi ostensible de véhicules gris, caméras, micros, stylos impatients. Stéphane Le Foll débarque pour constater ce que tout le monde lui a décrit depuis des semaines. Il ne vient pas construire, mais tenter de réparer. Malgré tous leurs efforts, les élus locaux n’ont eu aucun rôle dans un programme sans grande imagination car tenant compte des susceptibilités institutionnelles omniprésentes dans tous les étages du pouvoir. Aucun regard pour les combattants de la première heure. La poignée de main méfiante, distante d’un maladroit du terrain et immédiatement un pas de charge sonné par le cabinet, car la télé attend… et en définitive, c’est lui qui attendra une télé qui n’arrivera pas ! Le maire est oublié, le conseiller général aussi… on est là pour la forme, car tout doit se dérouler avec les « institutionnels » qui verrouillent le système. Stéphane Le Foll regarde, écoute, attend. Il sait qu’il n’est pas venu pour les gens qu’il a autour de lui, mais pour répondre aux organismes professionnels l’ayant en ligne de mire. Un repas servira à cet effet.  Après son installation dans un rang de vignes lépreuses, on s’agglutine autour de lui et il prend au vol des considérations désordonnées. Les élus s’écartent et laissent l’essaim entourer le roi. Les gens qui comptent dans le milieu se retranchent derrière le privilège du gueuleton qui suit et n’interviennent pas. Les élus locaux restent au loin.

 La visite se résume en quelques phrases préparées : «plusieurs niveaux de prise en compte des aléas climatiques», un sujet « prioritaire » car « avec le changement climatique leur intensité s’est accrue et devient de plus en plus préoccupante». «Il faut qu’on fasse évoluer notre système. On a déjà un groupe de travail qui a été mis en place et on va faire des propositions d’ici un à deux mois ». Rien de précis, si ce n’est qu’il attendra de voir ce que font les collectivités pour se prononcer… Le poids institutionnel écrase la visite… Réunions, concertations, colloques, études : les rares viticulteurs n’appartenant pas à l’establishment repartent. Tout se jouera ailleurs et plus tard, entre gens qui savent, qui manient des règlements, des textes, des décrets avec d’autant plus de zèle qu’ils permettent finalement de faire déclarer à l’État que tout est impossible. Je vais manger ailleurs avec les amis qui me font confiance. Le ministre est venu. C’est le seul événement à retenir !

 

Cet article a 2 commentaires

  1. Jean-Marie Darmian

    « Bonjour Monsieur Le Maire.
    Encore merci Jean Marie, pour ton soutien apporté avec Mme la Député Martine Faure et Nicolas Tarbes aux petits agriculteurs lors de la visite du Ministre de l’Agriculture vendredi.
    Bien entendu le vignoble Bordelais, ce n’est pas que des châteaux et comme d’habitude chaque fois qu’il y a des visites on ne voit qu’une catégorie de personnages. ( La noblesse Bordelaise leurs châteaux et le reste qui va avec.)
    Merci d’avoir permis à Bernard, de pouvoir lui aussi s’exprimer et défendre la majorité d’agriculteurs qui eux aussi ont été touchés, n’ont pas les moyens d’acheter de la vendange à des prix, peu abordables pour la majorité d’entre eux.
    Mais surtout encore merci, de redonner du courage, l’envie de se battre, de repartir et le moral à ces petits agriculteurs.
    Vendredi soir, nous sommes passés voir mon frère Bernard à Espiet , il était 20h, il était dans ses vignes à traiter des morceaux de bois, car il faut soigner la vigne même si pendant 2 ans elle ne donnera rien.
    Mais je pense que cette journée de vendredi passée ensemble avec Mme La député et Nicolas lui aura été d’un grand soutien moral et surtout lui redonner cette énergie bien défaillante depuis ce 2 aout. Enfin j’ai un peu retrouvé mon frère et son moral. Merci à vous trois, nos élus toujours présents dans le canton de Créon, car j’ai pu apprécier à plusieurs reprises ton soutien mais aussi celui de Mme La Député.

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