La mobilité facteur fondamental de l’intégration sociale

L’isolement géographique est un facteur d’exclusion sociale beaucoup plus fort que tous les autres mais il n’est guère évoqué dans les constats effectués par le milieu politique. Il est aisément considéré que le bonheur est dans le pré et que le malheur ne frappe que dans les quartiers urbains sensibles. La seule différence c’est que la discrétion dans le milieu rural est inversement proportionnelle au tapage périodique des banlieues. Or il est évident que l’un des handicaps de la « campagne » ou des « zones périurbaines » réside dans l’absence de mobilité.

Avec des métropoles qui concentrent depuis des décennies l’emploi et les activités économiques le trajet domicile-lieu de travail devient de plus en plus problématique. Plus on est marginalisé dans ces zones et plus on s’enfonce dans la marginalité par impossibilité à se déplacer facilement. C’est la raison pour laquelle le département de la Gironde avait mis en œuvre sous la présidence de Philippe Madrelle le réseau Transgironde avec un tarif unique pour tenter d’enrayer cette inégalité territoriale.

Désormais la responsabilité officielle de la gestion de ce réseau dépend de la région Nouvelle Aquitaine ! Il faudrait être très attentif pour que dans le contexte actuel TransGironde demeure aussi proche que possible des besoins de la Gironde Hors métropole ! Au seul abri-bus de la Gendarmerie à Créon ce sont désormais plus de 35 000 voyageurs qui montent sur les lignes de transports collectifs reflet d’une progression fulgurante mais encore très insuffisante.

L’absence de mobilité est peu évoquée quand on parle de difficulté d’accès à l’emploi, mais pourtant, un français sur quatre l’a déjà rencontrée selon une enquête Elabe réalisée pour le Laboratoire de la mobilité inclusive. 86% des Français jugent les difficultés d’accès à la mobilité (c’est à dire le fait de pouvoir se déplacer quotidiennement) comme un frein à l’emploi. Aucun jeune ne peut trouver un boulot s’il n’a pas une autonomie de déplacement. Or très souvent il faut obtenir le permis de conduire et acheter une voiture qui donne cette ouverture vers la formation ou l’emploi. Et dans le contexte actuel un 18-25 ans n’a aucune ressources pour parvenir à débloquer cette situation désastreuse.

En ville les réseaux de déplacements publics existent et sont aisément utilisables. Ailleurs il en va autrement ! C’est l’un des constats qui justifie la mise en place du revenu de base universel permettant justement de faciliter l’obtention de ces sésames vers l’emploi ! 23% des sondés ont en effet déclaré avoir déjà renoncé à un travail ou une formation parce qu’elles ne pouvaient pas s’y rendre. C’est chez les jeunes (43%) et les populations vivant avec moins de 1200 euros par mois (50%) que les chiffres sont les plus importants. Logiquement, les titulaires du permis B sont moins concernés par le problème, seuls 17% d’entre eux ont refusé un travail pour ce motif.

Dans le détail, près d’un Français sur cinq dit également avoir renoncé à se rendre à un entretien d’embauche ou « dans une structure d’aide à la recherche d’emploi », comme Pôle emploi par exemple, par manque de moyens pour se déplacer. Il est possible de démontrer qu’un habitant de certaines communes du Créonnais que je connais parfaitement peuvent mettre quasiment une journée pour se rendre à une convocation via les transports collectifs vers Pole emploi sur la métropole bordelaise ! Il lui fallait avant l’installation de la Mission locale sur Créon ou l’ouverture de la Cabane à projets rejoindre à pied ou à vélo un arrêt des bus TransGironde, se rendre à Bordeaux, prendre le tram pour remonter à Cenon puis revenir selon les mêmes moyens vers chez lui !

Les problèmes de trafic des transports en commun sont aussi évoqués dans le sondage. 43% des Français interrogés affirment avoir « de temps en temps » des difficultés dans leurs déplacements quotidiens pour accéder à leur lieu de travail, d’études ou autres activités. Et c’est encore plus vrai pour les usagers des transports en commun : 74% des habitués de TER disent rencontrer des difficultés, 66% des usagers du métro/RER, 67% des habitants de la région parisienne et 53% de banlieue. 

Enfin, près de la moitié des sondés estimaient que les transports collectifs n’étaient pas assez développés dans leur zone d’habitation. La voie dédiée de Fargues squattée souvent par des véhicules avec une seule personne qui s’en servent pour doubler par la droite commence à avoir un impact aux heures de pointe. La ligne 407 initiée dans le scepticisme progresse chaque jour mais il faudrait vite initier la 409 via Madirac Camblanes et Latresne pour anticiper les transports vers le lycée.

La mobilité reste la clé de la liberté réelle. Pour les adultes mais aussi pour les jeunes qui passent des heures avant et après leurs horaires universitaires. Elle ne constitue pourtant pas une priorité nationale reconnue pour les zones rurales. On s’extasie sur la diminution du temps de trajet Bordeaux-Paris quand au quotidien le déplacement Créon-Bordeaux a augmenté (hors bus) de 25 % sur les 10 dernières années ! L’isolement existe encore et renforce l’Inégalité sociale surtout avec le surcoût du carburant et la crise prochaine provoquée par la raréfaction du foncier éloignant de plus en plus les familles des lieux où se situent l’emploi et les services essentiels.

Publié dans ACTUALITE | Marqué avec , , , , , , , , , , , , | 3 commentaires

Le bonheur de retrouver le chemin de son école

Nous sommes toutes et tous des anciens élèves avec des souvenirs plus ou moins agréables. Depuis que l’école est devenu obligatoire il n’y a pas d’exception au passage sur ses bancs. C’est vrai que la tradition veut « qu’avant ce fut mieux que maintenant » dans ce domaine comme dans d’autres. En fait rien ne prouve qu’un enfant du XXI° siècle ait l’espoir de meubler sa mémoire de moments plus mauvais que les nôtres. N’empêche que nous restons persuadés à un certain âge que notre passé possède davantage de vertus. La « communale » probablement à taille plus humaine et baignant dans un contexte sociétal moins complexe avait bien des vertus.

En se retrouvant les anciens élèves oublient forcément les tensions, les échecs ou les douloureuses rencontres avec une règle de buis noir sur des doigts tendus en offrande au coup sec à venir. Mon père n’avait pas aimé l’école des années 1930. Je crois bien qu’il la haïssait. D’abord parce qu’enfant de Silvio et Pasqua ne parlant que le dialecte vénitien ou l’italien prestement vu à San Stefano di Zimella le privaient du maniement de cette langue française qu’exigeait l’instituteur. Ensuite parce qu’il eut vite le sentiment que les « immigrés » n’appartenaient pas au monde parfait de l’éducation dont rêvait alors le Ministère de l4instruction publique.

Il racontait très peu ces séquences où l’homme en blouse grise le punissait en le plaçant à genoux sur un tapis de grains de maïs avec un dictionnaire gorgé de mots dont il ignorait le sens. « En rentrant à la maison j’avais les grains enfoncés dans la peau des genoux » avouait-il ! Cette école là pourtant considérée dans la légende de l’éducation comme émancipatrice et indispensable au bonheur du Peuple a existé tant la tension sur l’intégration par l’apprentissage du savoir était forte. La III° république finissante avait parfois des hussards à l’esprit encore plus noir que la blouse qu’ils portaient.

Les rencontres des décennies plus tard démontrent que la perception que l’on garde du parcours scolaire est liée à la vision de la réussite de la famille. La notion de réussite tuait souvent le plaisir d’apprendre. Il ne saurait y avoir de chouettes souvenirs si le sentiment d’échec l’emporte sur tout le reste : les copains, les jeux, les récrés, le foot, les concerts, les voyages… Certains des invités aux retrouvailles déclinent l’invitation car ils ne veulent pas revenir en des lieux où ils ont manqué le bonheur de réussir. En 2008, quarante ans après que j’ai eu le bonheur de partager avec eux ma première année d’enseignement j’ai pou réunir la classe qui était la mienne. Ce fut un grand moment pour me ramener aux réalités du métier d’instit.

Quatre décennies plus tard qu’étaient devenus ces gamins que je m’évertuais à classer comme l’exigeait la hiérarchie d’avant 68 sur la base des « compositions » notées. Un constat s’est très vite imposé dans la discussion : les critères de réussite dans la vie ne sont pas et ne seront jamais ceux de l’école. La diversité de situations et des niveaux de rémunération témoignaient que le chemin ne conduisait pas aux mêmes sommets. La capacité que l’on avait à entrer dans le moule ne permet pas d’espérer un avenir radieux. Des enfants heureux trouvent toujours le parcours les conduisant vers ce qu’ils attendent et ce ne sont pas les notes de l’école qui font ou défont la réussite d’un maçon, d’un tourneur, d’un commerçant ou d’une aide à domicile.

Se retrouver devant une photo en noir et blanc d’une classe en groupe pour tenter d’identifier tout le monde prend alors une autre dimension. « Qu’est-il devenu ? Que fait-elle ? » Cette envie de connaître le parcours de l’autre constitue une forme d’exorcisation de ce que l’on éprouvait dans son enfance. En réfléchissant devant l’un de ces clichés de 1949 où dès mes deux ans je me retrouve au milieu de tous les élèves de l’école de Sadirac puisque ma mère cantinière n’avait aucun autre moyen de me faire garder, j’ai pris conscience que de près ou de plus loin j’aurai passé plus de cinquante ans dans le système scolaire…J’ai même eu le privilège d’enseigner dans les locaux où j’avais été élève !

Je n’ai qu’un seul mauvais souvenir de ce parcours et il constitue une blessure profonde. Il ne comptera pas quand je retrouverai celles et ceux que je n’ai plus vus depuis parfois soixante ans. Que sont-ils devenus ? J’aurai un pincement au coeur lors de la séparation car je n’ai plus le temps de me constituer avec eux un patrimoine de jours heureux, ceux au cours desquels le bonheur était dans les sous-bois, les prés ou sur le chemin de l’école. Je trouve que le temps passe trop vite mais je ne suis pas le seul !

Publié dans AU QUOTIDIEN | Marqué avec , , , , , , , , , , , , , , , | 5 commentaires

Les chiffres qui passeront inaperçus alors que…

Il y a des informations qui tombent mal lorsqu’elles confirment ce que l’on devine mais que l’on ne peut pas prouver. Elles débarquent dans le paysage médiatique sans pour autant révolutionner la hiérarchie des journaux télévisés, radiophoniques ou écrits. Alors que Laurent Berger ressassait que la réforme des conditions d’accès à la pension de retraite finirait peut-être par économiser 10 milliards sur les 130 habituellement versés par l’État. Bien entendu ces estimations sont contestés et la guerre des chiffrages qui fait rage depuis le début de la présentation du texte ne s’arrêtera jamais. «Les chiffres c’est comme les gens. Si on les torture assez on peut leur faire dire n’importe quoi » explique Didier Hallépée et dans la période actuelle son constat n’a jamais été aussi authentique.

10 milliards ! Une somme qui paraît colossale sauf qu’il faut le rapprocher d’une autre qui a brutalement surgi dans le flot des constats qui sont publiés chaque jour sur la situation de la France. Quand on apprend que la dette totale de la France sur les marchés financiers s’élève à 2 950 milliards on peut relativiser le déficit des retraites par répartition. Selon l’Insee, la dette française demeure une épée de Damoclès pour le pouvoir en place, alors que les dépenses publiques vont continuer à croître pour financer notamment la transition environnementale.

Certes on constate pour le moment un léger recul grâce à un rebond continu des recettes fiscales, dopées par l’inflation (tiens donc merci la TVA), le déficit 2022, lui, ressort un peu meilleur qu’attendu : 4,7 % du PIB quand le gouvernement attendait 5 %. Cette situation a vraiment de quoi inquiéter puisque la conséquence réelle de cette dépendance aux emprunts touche les frais financiers. Durant les années antérieures les taux d’intérêts étant très bas et la BCE ayant distribué des montagnes de milliards à des coûts la raison, le gouvernement a emprunté massivement pour diminuer artificiellement ses remboursements.

La technique est simple : récupérer à moindre taux des crédits peu chers pour rembourser des sommes anciennes dues à des taux élevés. Il était même possible de payer ses dettes avec de l’argent ne coûtant rien. La charge d’intérêts de la dette, a augmenté à 53 milliards (presque le budget de l’Éducation nationale). Ces intérêts ont augmenté de 15 milliards l’an dernier. Davantage que les économies attendues de la réforme des retraites… mais chut il ne faut pas affoler le bon peuple et le persuader que son avenir ne sera garanti qu’en travaillant plus longtemps. La courbe des taux ne cesse pourtant de grimper pour suivre celle de l’inflation puisque pour les particuliers on commence à parler de les voir passer la barre des 4 % avant l’été !

Cette information sortie hier sera triturée puisque sera vendue la diminution en pourcentage du PIB de cette dette alors que son volume augmente et son coût pour les finances publiques augmentent. La situation risque de devenir intenable à échéance de 5 à 10 ans mais d’ici là le Président aura changé. Les dépenses ne seront pas réduites en raison de l’inflation et des ajustements des salaires qu’elle entraîne. Bien évidemment il n’y aura aucune réforme des recettes avec par exemple le rétablissement de prélèvements sur les autres revenus que ceux du travail. Toute la stratégie repose sur le produit des taxes tous azimuts sur les actes de consommation.

Chaque jour la TVA rapporte par exemple davantage avec l’augmentation des prix dans tous les secteurs. Au mois de janvier ce sont 19,4 milliards d’euros de TVA qui ont été encaissés. Une somme à rapprocher du déficit des retraites surtout quand on sait combien est injuste ce prélèvement sur tous les produits du quotidien pour les gens ayant peu de revenus. Il y en a d’autres pour qui la TVA ne constitue pas le problème.

Dans l’actualité de hier, une perquisition géante au siège des plus grandes banques françaises est passée inaperçue et ne fera pas la une des journaux. BNP Paribas, Société générale, Exane (société de gestion, filiale de BNP Paribas), Natixis et HSBC sont en effet suspectés d’avoir mis en place des montages financiers complexes, appelés « CumCum »,pour permettre à des investisseurs étrangers d’échapper à la taxe sur les dividendes d’actions d’entreprises françaises cotées.

Un aller de retour d’un pays à l’autre en quelques jours et le pactole des exemptions d’impôts étaient répartis entre la banque et le détenteur des actions. En 2022 avec l’augmentation des dividendes les sommes « dissimulées » représentent des centaines de millions d’euros voire quelques petits milliards. Les opérations ont été menées par pas moins de 16 magistrats du parquet financier (sur 19 en poste), 150 enquêteurs (sur un total de 250) du service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF), rattaché à Bercy, ainsi que six procureurs allemands du parquet de Cologne. A suivre mais tout se terminera par un accord amiable !

Publié dans ACTUALITE | Marqué avec , , , , , , , , , , , , , , , , | 6 commentaires

Le début d’une inévitable guerre de l’eau

Durant le dernier week-end l’une des premières batailles pour la ressource en eau s’est déroulé dans les Deux-Sèvres. Depuis des années je n’ai avec d’autres élus girondins comme Alain Renard de ressasser que la ressource qui ne cessera de diminuer devait constituer la préoccupation essentielle des prochaines décennies. Récemment dans une chronique je revenais sur des propositions en la matière sans j’en suis certain émouvoir l’opinion dominante. Les graves incidents de Sainte Soline posent un problème en raison de leur exploitation politicienne. Ils masquent cependant un débat de fond : quelles sont les priorités en matière d’utilisation des réserves naturelles en eau ?

La place de l’eau est en effet centrale dans la capacité qu’ont les humains à faire société. Nous apprenons à nos enfants que l’eau c’est la vie mais oublions trop souvent de le mettre en pratique au quotidien. La mise en œuvre effective du droit à l’eau pour permettre à chacun de pouvoir vivre dignement doit constituer la première des priorités pour les dirigeants qui travaillent à l’avenir. La revendication de base est occultée alors qu’il devient urgentissime de rappeler que l’eau doit posséder le statut essentiel de bien commun au même titre que l’air ou la nature.

Le conflit actuel repose sur l’absence de consensus sur une doctrine en matière d’utilisation du liquide le plus précieux sur la planète. Il suffirait d’assumer le fait que la première action à mener consiste à conserver la possibilité pour tout le monde d’accéder à une eau potable partout et de manière pérenne sur un territoire. Inégalement préservée elle se raréfie en certains lieux pour se révéler abondante dans d’autres. Cette iniquité naturelle se renforce avec les conséquences de multiples pollutions provoquées par des utilisations abusives des sols ou des comportements industriels désastreux.

Le partage de l’eau doit redevenir la norme et les marchands d’eau laisser la place au service public. Malheureusement on s’en éloigne chaque jour davantage en demandant à la puissance publique de réaliser les lourds investissements que réclame le puisage, le transport et la distribution au porte à porte. Les « marchands » se voient très souvent attribuée l’exploitation des équipements publics ainsi que la « vente » ce qui conduit inévitablement à inciter directement ou indirectement à la surconsommation. Ce temps semble révolu quand les marges de manœuvre des foyers en matière de dépenses se rétrécissent. Comme pour l’énergie les augmentations sont inexorables !

Dans le conflit des Deux-Sèvres la création de structures de stockage artificielles conduisent à la privatisation de la ressource dans un contexte de difficulté pour bien d’autres secteurs de la vie humaine. Quand dans le Médoc, les sylviculteurs avec d’autres s’opposent au puisage dans la nappe pour l’alimentation humaine, il est assez bizarre de voir des adeptes de la culture intensive réclamer le droit d’assécher partiellement ou totalement la diffusion de l’eau sur des espaces aussi importants que les leurs.

Prétendre que ces « agriculteurs » remplissent la mission de « nourrir » la population relève de l’argument peu crédible car cette « mission » dépend de la nature des cultures. En été dans ces zones de culture poussent majoritairement du maïs, du tabac et des semences ce qui démontre le caractère abusif de la notion de secours alimentaire. L’irrigation permet d’améliorer les rendements sur la base de pratiques vieilles de quelques décennies. Quel que soit le sort réservé aux « bassines » leur utilisation est vouée à disparaître dans la mesure où elles ne pourront plus à terme se remplir aussi facilement.

L’annonce d’un vaste programme de construction de centrales nucléaires n’a pas soulevé de questions liées au refroidissement des réacteurs. Depuis déjà pas mal de temps certaines structures de production manquent d’eau en raison de l’étiage insuffisant des fleuves où elles la puisent. Pour la centrale du Blayais les besoins sont assurés par un prélèvement dans l’estuaire de la Gironde à raison de 1,25 milliards de m³ par an pour un réacteur et 5 milliards pour les quatre lorsqu’ils sont en fonctionnement. Le débit d’eau nécessaire au refroidissement est nominalement d’environ 40 m3/s par réacteur, et dépend de son régime de fonctionnement. Certes l’eau est restituée à l’estuaire mais à environ 10 degrés et avec un taux d’oxygène amoindrie.

Le conflit là encore entre les besoins en irrigation massive et ceux des centrales de Golfech et du Blayais s’envenime. EDF relâche même moyennant finance de moins en moins des volumes contenus dans ses barrages pyrénéens causant bien des soucis en période estivale. Les négociations se tendent. Le fiasco de Sivens avec la mort de Rémi Fraisse plane sur Sainte Soline… plus de huit ans plus tard rien n’est réglé. De l’eau ne coule plus sous les ponts !

Publié dans ACTUALITE | Marqué avec , , , , , , , , , , , , | 9 commentaires

Le plaisir de se « baigner » dans la scène

Il fut une époque où l’arrivée de quelques roulottes ou caravanes de cirque constituaient dans un village un événement qui mettait une école en émoi. La rareté des spectacles vivants donnait un caractère exceptionnel à ces apparitions d’artistes qui se dépêchaient de couvrir la commune d’affiches avec un clown au nez rouge et une énumération d’animaux exotiques ou domestiques. Et dès la fin de la classe tout le monde filait pour découvrir un félin dépressif, des chameaux philosophes ou des lamas supposés être cracheurs. Le succès était garanti d’autant que les forains apportaient des places d’un demi-tarif ce circonstance !

Mais bien plus que ces apparitions occasionnelles, les familles attendaient impatiemment les « concerts » souvent produits par l’amicale laïque de l’instit’ ou le patronage du curé. Ces spectacles se donnaient dans des lieux singuliers. A Sadirac la salle d’accueil de ces rendez-vous suivis par un public conquis d’avance se trouvait dans un hangar se séchage du tabac vidé de la récolte. Une odeur à démoraliser un tabacologue averti et une température forcément caniculaire rendait le contexte rudimentaire.

Toute la troupe constituée par des actrices et acteurs du quotidien déployait des trésors d’ingéniosité pour masquer une faible appétence pour l’acquisition du texte. Dans le fond c’est ce naturel qui garantissait le triomphe en fin de journée. L’expression « brûler les planches » prenait tout son sens tant ces dernières reposant sur des tréteaux dissimulés par des bambous donnaient des « chaleurs » aux comédiennes. N’empêche que personne ne trouvait ces agencements de fortune ridicules. L’envie de partager se révélait plus forte que toutes les contingences de confort.

Assis sur les bancs de l’église réquisitionnés les spectatrices attendaient l’entrée des « vedettes » locales se glissant dans des personnages inhabituels pour eux. Ma mémoire conserve des traces d’œuvres comme « on purge bébé » qui donna lieu à une représentation mythique tant elle souleva l’enthousiasme populaire. Le receveur des postes télégraphe et téléphone en nurse et le garde-champêtre en jeune enfant en barboteuse constituèrent cette année là le duo exceptionnel de la soirée. Rien ne remplace en effet les productions locales offrant la simplicité et l’authenticité.

Bien des villages avaient leurs artistes. Même si les répertoires répétitifs pouvaient décourager les spectateurs, il y avait toujours des salles pleines pour retrouver des talents du pays. Le « Théatre des Arcades » à Créon avait même sa salle privée pour donner ses représentations qui occupaient une bonne partie d’une semaine. Il semble qu’il y ait un regain de ces troupes locales dites «amateurs ». Il en existait une quand j’étais au collège dirigée par le professeur de français ce qui n’a pas permis pour autant à l’un de ses membres d’accéder à la Présidence de la République. N’empêche que les œuvres dites classiques avaient une toute autre dimension quand elles étaient « jouées » par les élèves. Les fameux « clubs » des années 60 ouvraient les esprits au partage culturel.

L’arrivée progressive de la télévision a bouleversé les repères. Que valaient les cirques de passage face à la Piste sous les Etoiles ? Comment trouver formidable une pièce jouée par les copines et les copains quand « Au Théâtre ce soir » présentait des directs depuis les salles parisiennes ? Le discrédit tomba sur le local… tant il était réputé ringard. Personne ne pouvait avoir le plaisir d’annoncer « les décors sont de Roger Harth et les costumes de Donald Cardwell » et les candidats aux soirées de proximité disparurent.

Samedi, la troupe de Fargues Saint Hilaire occupait la salle de Lignan de Bordeaux peu adaptée au théâtre. Depuis 45 ans sans interruption elle donne des représentations destinées à collecter des fonds pour la solidarité envers les associations ou structures accompagnant les malades du cancer. Avec « parfum d’arnaque » (1) neuf comédiens ont réjoui une salle ravie de pouvoir s’éloigner du contexte actuel. Aucune prise de tête. Aucune nécessité de décoder. Le rire collectif constitue la meilleur thérapie contre la morosité comme tout ce qui se partage dans la proximité. Une soirée « madeleine de Proust » qui encore une fois m’a réconcilié avec l’envie de sortir tellement précaire depuis quelque temps.

La venue à Créon du Théâtre Ferranti avant la dernière puis à deux ou trois reprises des « Tréteaux de France » illustraient ce besoin s’apporter au plus près la découverte de belles œuvres. Inexorablement cette volonté louable s’estompe sous le poids des normes, des contraintes financières et surtout de l’indifférence née d’une acculturation grandissante. Le spectacle vivant aura du mal à survivre dans les années à venir. 

(1) pièce de Christian Rossignol

Publié dans ACTUALITE | Marqué avec , , , , , , , , , , , | 2 commentaires

La réservation de la suite royale médiatique est annulée

The King, non pas Elvis mais celui qui a remplacé sa maman sur le trône du Royaume plus désunis que jamais n’effectuera pas un voyage de présentation au bon peuple des fastes de notre République en France. Mieux il ne pourra pas s’admirer dans les ors et les glaces de Versailles et ne prendra la porte au Palais Rohan. Il est vrai que tout ce déploiement de marques de considération d’un autre temps ne paraissait pas très adapté au contexte actuel. D’ailleurs il sera intéressant de découvrir la manière dont se déroulera sa visite en Allemagne, de comparer les programmes et les dépenses.

La facture des trois jours programmés aurait probablement dépassé les 3 à 4 millions d’euros. Ce serait intéressant qu’un parlementaire pose la question et sollicite une évaluation comprenant la masse considérable de moyens humains pour la préparation d’un tel rendez-vous et pour la sécurité des déplacements. Depuis plusieurs semaines les forces de l’ordre ont été largement sollicitées et la facture en heures supplémentaires pourraient être très salées. En 2019 on avait atteint officiellement 5,3 millions d’heures dont une partie seulement avait été payées.

Si le gracieux monarque d’Outre Manche était venu il aurait fallu redéployer le dispositif mis en place pour tenter d’encadrer les manifestations et donc fragiliser encore plus la défense de l’espace public face aux provocations extrémistes. Un risque très fort alors que la répression semblait être la seule réponse apportée à une contestation légitime. La tension sociale est bien là et nul ne sait vraiment si elle disparaîtra en début de semaine prochaine. Quelque 4.000 membres des forces de l’ordre étaient prévus pour assurer la sécurité de cette visite, mais dans un contexte où policiers et gendarmes sont déjà sollicités de toute part, il ne fallait absolument pas les mettre sur les rotules même si elles sont protégées.

La vraie question sur cette promenade ostentatoire du King reste celle de son utilité. En général ces échanges offrent un intérêt diplomatiques quand ils se déroulent entre décideurs politiques. Celle-ci n’avait vraiment pas d’autres objectifs que de garnir les pages glacées de Paris-Match, de Point de vue et Images du Monde, de Gala, du Figaro Magazine, Voici, Closer ou Gala. Le Roi n’a en effet aucun rôle dans la conduite des affaires de son pays même s’il rencontre souvent son Premier Ministre. Ce n’est donc que du flan royal !

La diplomatie n’existe guère sur la planète où les position sont figées. On le voit bien quand on constate le rôle de l’ONU et l’incapacité à régler les conflits en cours ou en gestation. L’essentiel des négociations s’effectuent dans le secteur économique où les enjeux sont majeurs en terme d’équilibre mondial. La quête des matières premières, l’accès à l’énergie, le contrôle des technologies passent avant bien d’autres sujets relatifs au climat par exemple.

Même s’il est « sauvé » par dieu, Charles III n’a pas la moindre efficacité dans tous ces domaines. En fait il sert de faire valoir à celles et ceux qui le reçoivent. Il leur offre l’onction d’une royauté qui accumule une fortune colossale et dont une partie a des comportements pour le moins contestables. Ses membres ne semblent pas avoir trop de problème de retraite. Et si l’on en croît des affirmations élyséennes diverses « des groupes d’extrême-gauche (évidemment!)  prévoyaient des actions (tiens ils le savant donc à l’avance) et « ça aurait été mauvais pour l’image du roi et de la France. »

L’annulation sollicitée par le Président a des allures de reculade alors que le monde entier souligne déjà son incapacité à maîtrisé la colère sociale. En plus l’attitude des policiers génère des prises de position critiques du Conseil de l’Europe sur « l’usage excessif de la force » et qu’Amnesty International dénonce des « arrestations arbitraires ». Charles III n’a pas dû être très contrarié quand il a reçu le coup de fil de celui qui devait être son hôte pour annuler un déplacement qui aurait forcément mal tourné. Il n’est pas certain que le report lui ait particulièrement plu.  

Le Président ne téléphone plus à Poutine. Il n’appelle plus Merkel. Biden est sourd à ses sollicitations. Le roi du Maroc est fâché avec nous. En Algérie on tire la gueule. Les chinoiseries de Xi Jinping s’exercent ailleurs. Zelinsky attend des chars et des munitions que nous avons en petite quantité. Décidemment le rôle diplomatique de la France. Et sa majesté « The King » ne vient plus à cause des impudents qui menacent de manifester avant d’aller se faire voir Outre-Rhin. Le bilan vire au cauchemar.  Après la déculottée infligée par les Bleus aux porteurs du sigle de la rose les British jubilent. Les titres du Sun risquent bien d’être féroces avec un coq qui crie victoire les pieds dans la m…. !

Publié dans ACTUALITE | Marqué avec , , , , , , , , , | 13 commentaires

Halte au feu car c’est la mort des idées

La France se réveille ce matin avec la gueule de bois. Enfin il faut être prudent avec le bois compte tenu de tout ce qui a brûlé un peu partout durant les manifestations de contestation à l’égard de la loi réformant les conditions d’accessibilité à la pension de retraite. Les flammes ont embrasé les écrans de télévision et passeront en boucle durant de longues heures tout aujourd’hui. Les poubelles pour aller lancer avec les copains de manif jouent un rôle essentiel dans ces mises à feu de lieux publics ou privés. Sans vouloir en tirer des conclusions hâtives il faut imaginer que par ces incendies les plus extrémistes des protestataires illustrent leur volonté de « purifier » le monde des décideurs.

La porte d’entrée du Palais Rohan s’est consumée après qu’un feu ait été allumé contre elle. Une réalisation séculaire d’une taille imposante a été la victime de cette soif de détruire animant bien trop d’individus ne croyant plus dans le fonctionnement social. L’indignation sera à la mesure de ces comportements. Les deux battants de l’accès à l’hôtel de ville bordelais deviendront des victimes emblématiques du comportement des « factieux et des factions ». En prenant la porte les incendiaires ont porté un coup terrible à un mouvement dont l’ampleur suffisait à démontrer le bien-fondé des critiques formulées envers les décideurs refusant de battre en retraite. Facile car le combat pour convaincre exige plus d’énergie, d’intelligence, de travail et d’opiniâtreté que la mise à feu d’un poche poubelle. 

Lors de la nuit de la Saint Sylvestre 2022, sans qu’il y ait d’enjeu social aussi important, le ministre de l’intérieur avait souligné le jour du nouvel an l’absence d’« incident notable » l, précisant que 690 automobiles avaient été incendiées en France en quelques heures et que ce nombre avait diminué de 20 % (874 en 2921 et 1316 en 2020). Il vantait les mérites des fonctionnaires de service ce soir-là qui avaient réussi à juguler un phénomène « gratuit » et «aveugle ». Les destructions de poubelles n’étant pas recensés et les chaînes de télés avides d’images affolant le retraité paisible ne travaillant pas ces nuits là, le phénomène n’a jamais produit autant de minutes de diffusion.

Parmi les millions de protestataires moins de 10 000 cumulés si l’on se fie aux estimations officielles ont encore une fois transformé une démarche citoyenne responsable en chaos ponctuel exploités médiatiquement. L’image de la porte du Palais Rohan en feu fera le tour du monde, tournera en boucle sur les réseaux sociaux, fera l’objet de déclarations… enflammées et occultera la mobilisation historique dans les rues bordelaises. Il en sera de même à Rennes, Lorient, Paris ou Toulouse alors que dans des centaines d’autres rassemblements il n’y a eu aucun incident.

Quel travail effectuent les services de renseignements territoriaux sur ces mouvements structurés, revendiquant la violence comme moyen de changer la société. Il est certain que leur mobilisation hier n’avait rien du hasard. Quasiment absents des rendez-vous d’unité syndicale antérieurs ils affichent un stratégie claire : exploiter le mécontentement profond, surfer sur une forme de défiance exacerbée, décupler leur capacité de nuisance au meilleur moment du mouvement social. Dans le monde actuel où les citoyens non-violents sont sous surveillance permanente, il est évident que c’est un nouvel échec pour le pouvoir en place. Impossible qu’il ne sache rien de ce que ces groupes préparent. 

Le maintien de l’ordre républicain reste certes un exercice de plus en plus difficile compte tenu d’éléments nouveaux et là encore il vaudrait mieux prévenir que sévir. Facile à écrire mais plus difficile à mettre en œuvre. La violence se répand comme une tâche d’huile visqueuse à tous les niveaux. Elle n’est pas nouvelle. Verbale, physique, psychologique, sociale, financière, religieuse elle s’étend inexorablement puisque l’éducation et la culture ne prennent plus en compte la lutte contre ses effets. Le feu lui a toujours permis de se concrétiser et de déferler. Ce n’est pas pour rien que les Croix de feu ont existé et que dans le cas bordelais de fortes suspicions d’une action contre la mairie de gauche montée par un groupe fascisant existent déjà. 

La dénoncer est indispensable. Ressasser qu’elle est inacceptable rassure. Condamner un crime est inévitable. Est-ce suffisant ? Non. Tenter dans connaître les causes, les racines, les fondements se révèle bien plus utile. En fait elle pousse sur l’absence de dialogue, sur le terreau de toutes les formes d’intolérance ; elle se nourrit du sentiment de mépris, de l’impuissance que l’on ressent à être écoutés et compris ; elle se développe grâce à l’absence criante d’espoir dans une idéologie constructive.  On leur donne un baril de poudre à exploiter. Ils ne se privent pas d’allumer la mèche. 

Il y a quelques jours le Maire de Saint-Brévin les Pins a vu une bonne part de ses biens partir en fumée. Les opposants au déménagement d’in centre d’accueil pour demandeurs d’asile sur le territoire de sa commune l’avaient menacé. Ils ont incendié les annexes de son domicile et ses véhicules. L’émotion n’a pas forcément transpiré sur les plateaux préoccupés par le surmulots parisiens mais pas par le sort d’êtres humains détenus dans des conditions inadmissibles et plus encore sur un acte criminel délibéré visant une famille au seul prétexte que son chef assume une fonction républicaine avec tolérance et compréhension.

Publié dans ACTUALITE | Marqué avec , , , , , , , , , , , , , , , , | 11 commentaires

L’illustration de la déliquescence démocratique

« Nos régimes sont considérés comme démocratiques au sens où le pouvoir sort des urnes à l’issue d’une compétition ouverte et où nous vivons dans un État de droit qui reconnaît et protège les libertés individuelles. Démocraties certes largement inachevées. Les représentés se sentent ainsi souvent abandonnés par leurs représentants statutaires, et le peuple, passé le moment électoral, se trouve bien peu souverain. » Pierre Rosanvallon (1) pour lequel j’ai un profond respect résume parfaitement ce que nous devons penser de la séquence politique actuelle. Alors que le partage du pouvoir (2) devrait sans cesse animer la vie socio-politique nous nous retrouvons dans l’affrontement permanent d-s que les bureaux de vote sont fermés. La légitimité de la représentation donnée par l’élection ne saurait être remise en cause.

Le débat ouvert par celui qui doit certes garantir le bon fonctionnement de la démocratie représentative (et nul ne conteste cette nécessité) ne tient absolument pas compte du fait, comme l’écrit encore Rosanvallon que « l’erreur est de croire que l’élection suffit à la démocratie » Elle constitue en effet un début mais surtout pas une fin en soi. Désormais les scrutins marqués par des taux d’abstention record donnent un siège mais n’assurent absolument une garantie de représentativité.

La référence au pourcentage des suffrages exprimés n’a plus grande valeur et fausse la perception que l’on peut avoir de la fameuse légitimité puisque parfois le grand triomphateur reste la part de l’électorat qui n’a pas voté. Un Président élu avec un peu plus de 38 % du corps électoral et qui passe accède au second tour avec seulement 20 % d’approbation de son programme. Et ce n’est pas la seule situation de ce type. Dans certaines circonscriptions des députés de tous bords ont réalisé des scores encore plus faible. De quoi relativiser la fameuse « légitimité » de leur vote ou de leur décision.

Affirmer sans cesse qu’en étant désigné le citoyen, quel que soit son niveau, devient le lendemain par essence le représentant de tous les habitants quelles que soient leurs opinions on installe une supercherie notoire. «Nous sommes une grande nation et un vieux peuple, qui se dotent de responsables qu« La foule, quelle qu’elle soit, n’a pas de légitimité face au peuple qui s’exprime souverain à travers ses élus (..,) Ils ont une légitimité politique. Président de la République, parlementaires : ils sont élus par lui (…)». Certes et nul ne le remet en cause sauf une minorité qui a existé dans absolument toutes les périodes de la V° République avec des formes différentes. La violence reste relative et n’est pas toujours dans le camp des contestataires.

Associer dans une seule formule « les factieux et les factions » c’est d’abord agiter la peur. Le premier de ces mots fut dans la bouche du Général de Gaulle le 18 octobre 1962 lors de son discours chantage lié au référendum sur l’indépendance de l’Algérie : « Si votre réponse est « non », comme le voudraient tous les anciens partis afin de rétablir le régime de malheur, ainsi que tous les factieux pour se lancer dans la subversion, de même si la majorité des « oui » est faible, médiocre et aléatoire, il est bien évident que ma tâche sera terminée aussitôt et sans retour. » Le contexte pour celles et ceux de plus en plus rares qui font référence à l’Histoire, était bien différent.

Une référence à Pierre Mendés-France s’impose et devrait être rappelé à chaque élu. Il conseillait en 1962 (3) :« La démocratie ne consiste pas à mettre épisodiquement un bulletin de vote dans une urne, à déléguer les pouvoirs à quelques élus, puis à se désintéresser, s’abstenir, se taire pendant cinq ans, elle est action continuelle du citoyen…  Si cette présence vigilante ne se fait pas sentir, les gouvernements, les corps organisés et les élus en butte aux pressions de toute sorte de groupes cèdent bientôt soit aux tentations de l’arbitraire, soit à la routine et aux droits acquis. La démocratie n’est efficace que si elle existe partout et en toit temps. »La situation actuelle n’est que la résultante d’une dramatique déliquescence de la démocratie. Une élection ne permet pas d’avoir raison contre tous. La gouvernance est au moins aussi importante que la liste d’un programme.

Il faudra bien que l’on mette en place de vrais lieux d’écoute, d’échange, de partage afin justement de ne pas construire des projets contre le Peuple, invoqué comme une entité possédant toutes les vertus quand il vote favorablement mais devenant « la foule » quand il conteste. Il faudra bien que l’on relance une authentique politique d’éducation populaire autre que ces foutus « plateaux » qui donnent la nausée républicaine si on en consomme trop.

Depuis des années, les pratiques politiques ne se sont pas renouvelées. Elles continuent à noyer les problèmes dans des « Grenelle  sur tout et n’importe quoi», des « commissions noyautées», des « conseils alibis », des « rapports pour ensuite se moquer des suggestions faites malgré tout les obstacles. Plus personne n’y croit car le concertation consistant à demander une approbation de ce que l’on a décidé antérieurement devient la méthode qui se répand.

En ayant transformé les citoyens en consommateurs et en continuant à le faire par des biais le pouvoir en place comme les précédents on ruiné la confiance. Ils se retrouvent face à un retour de bâton douloureux et ils se plaignent d’avoir mal. La réponse n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Nous le paieront cher !

(1) Pierre Rosanvallon est un historien et sociologie spécialiste de l’histoire de la démocratie, du modèle politique français, du rôle de l’état et de la question de la justice sociale

(2) le partage du pouvoir local Editions Le Bord de L’eau par votre serviteur

(3) La République moderne : propositions, Paris, Gallimard, collection « Idées », n° 18, 1962, 256 p.

Publié dans ACTUALITE | Marqué avec , , , , , , , , , , , , , | 10 commentaires

Heureux soient les acteurs de la vie qui ne doutent pas

Un jury très divers dans ses goûts et ses repères sociaux se penchent annuellement sur les livres que les auteurs présents au salon du livre de Saint-Estèphe leur laissent à découvrir. Toute œuvre qui entre dans la sphère publique entraîne pour son auteur le risque d’une appréciation de celle ou celui qui se l’approprie avec les dangers que cela comporte. Dans le monde actuel admettre ce qui ressemble à un jugement sur une création ressemble à une performance puisque partout et à tous les niveaux la certitude la plus répandue est celle de la certitude. Le doute dans tous les esprits a désormais une portion congrue.

Pour ma part chaque soir, au moment où je me retourne sur ma journée ou sur le chemin déjà long de mon parcours, je m’interroge sur ce que je n’ai pas réussi. Le temps de la retraite devient alors redoutable car il permet de s’attarder sur ce qui constitue le pire des dangers : ne voir que le verre jamais suffisamment plein. On tourne, retourne, triture, étale, écrase, pétrit les actions ou les réalisations sans leur trouver un seul intérêt. Ne jamais douter de ce que l’on a été ou que l’on est constitue une faute grave de conscience.

Dans la période actuelle, plus que jamais la tendance se niche dans la certitude que rien ne saurait remettre en cause le fruit de ses élucubrations ou ses décisions. La critique est vécue comme une agression, la contestation comme un acte indigne, la désapprobation comme un affront. Plus de risques : la faute de l’échec est imputable aux autres. Le jury aussi large soit-il a forcément tort ! La situation empire. Plus personne ne considère le doute comme une valeur essentielle de la réussite.

Les retours que l’on obtient sur son action constituent pourtant une exceptionnelle richesse. La réussite se trouve dans les pépites du dialogue qui se tisse autour du peu que l’on a proposé aux autres. Un mot, une remarque, une phrase, un sourire, une moue dubitative ou un geste discret génèrent la plus appréciable des récompenses ou la plus utile des stimulations. Faute de l’admettre la suffisance menace.

Lors de l’annonce du jury je n’ai pas pu me persuader que j(étais pour quelque chose dans le prix attribué. J’ai tellement douté de l’intérêt de ce que j’avais écrit en pleine première période du confinement que j’avais oublié en être l’auteur. D’ailleurs j’ai tenté maladroitement d’expliquer que la récompense était décernée à l’histoire d’Ezio alias Armand Graziana car elle était exemplaire. Je n’étais qu’un transmetteur de sa vie, un passeur de sa mémoire, un transformateur de situations réelles en roman : le doute m’envahissait alors que justement j’avais l’opportunité de le chasser. J’étais heureux pour le livre.

Avec le recul, dans les multiples sentiers que j’ai empruntés j’ai eu la sensation d’une imperfection permanente. Elle ne m’a pas quitté. Elle m’accompagne toujours. La notion de réussite appartient au regard que les autres portent sur le lieu que vous avez atteint et rarement sur le trajet ayant permis d’y parvenir. C’est ainsi. Alors lorsque la rencontre permet d’expliquer, d’échanger, de dialoguer j’en profite avec délectation. J’aurais tant aimé pourvoir entamer une telle séquence avec le jury. J’ai pu le faire trop vite avec deux de ses membres avec lesquels j’avais un brin de parcours commun. Trop peu à mon gré !

Pour chasser le doute il n’y a que l’échange et plus encore le partage. Heureux soient les imbéciles sûrs de leurs idées, de leur activité, de leur savoir-faire, de leur talent, de leur position, le royaume des prétentieux leur est ouvert. Eux se retranchent derrière le plus haïssable des mots : les certitudes. Et les gens en sont boursoufflés. Probablement que en cette journée il sera possible de le vérifier en politique. L’artisan, l’artiste ne peuvent pour leur part jamais se satisfaire de ce qu’ils ont produit. Or je ne suis qu’un artisan de l’écriture, un besogneux du verbe, un gratteur des mots et à ce titre le seul fait de susciter une réaction me procure une jubilation sans cesse renouvelée.

Samedi en emportant le bandeau pour placer sur l’exemplaire « Les 9 vies d’Ezio » j’avais simplement le sentiment d’avoir réussi à convaincre que l’immigration reste et restera une exploitation de la misère, de la peur, de l’absence d’avenir réel. En Médoc la victoire n’en était que plus belle. Le nuage du doute au-dessus des vignes du Crocq et de son voisin du Haut-Marbuzet s’était dissipé. Il est vrai que le rouge servi aidait à me rassurer : il arrive parfois que l’on arrive sur un sommet modeste mais précieux par un sentier incertain et escarpé !

Publié dans PARLER SOCIETE | Marqué avec , , , , , , , , , , , , | 6 commentaires