DE L'OR TRES NOIR

Fri, 16 Sep 2005 00:00:00 +0000

Il a été de bon ton de brocarder un slogan des années 70 qui affirmait que si les Français n'avaient pas de pétrole ils avaient des idées, car immédiatement on en a eu de remarquables. L'heure d'été et l'heure d'hiver qui, chacun le reconnaît, ont bouleversé le montant de nos importations. Les réductions d'impôts pour isoler les habitations, qui ont permis d'écouler des stocks de produits désormais considérés comme plus ou moins toxiques. Les aides à la mise au rencard des automobiles indignes de rouler, qui ont aidé à acquérir des véhicules plus modernes mais plus puissants, comme le sacro-saint quatre-quatre? Puis, la pénurie a été oubliée. Le coup de la pompe à fric sur les pleins dans des stations n’ayant plus aucun service a été amorti, et le naturel a repris le dessus. Aucune mesure structurelle forte n'a été mise en ?uvre, puisque jamais les effets induits d'une loi, d'une circulaire, d'un règlement, ne sont jamais évalués, et que les leçons des crises ne se commentent qu’à la Bourse. Les parlementaires votent des textes que d'autres parlementaires réformeront, avant que d'autres parlementaires rétablissent ceux d'origine. C’est tout!

RHUMATISMES DU PORTE-MONNAIE

Les prix actuels des carburants réveillent brutalement les rhumatismes du porte-monnaie et donc les consciences. Il est certain que nous aurons dans les prochains jours le énième plan destiné à économiser l'énergie. Le temps de le formaliser, de le transcrire dans les Ministères, de le rendre exécutoire, de demander son application, on aura oublié la crise pour revenir à des prix forcément élevés, mais apparemment supportables. Et on attendra la prochaine poussée de fièvre pour rechercher un remède provisoire. Le diagnostic n’est pas indispensable.

Les déplacements domicile-travail continueront ainsi à engloutir des millions de litres d'essence ou de gazole, sans que l'on mette le doigt où ça fait mal : l'urbanisme. En acceptant une politique majoritaire de mitage de l'espace périurbain, et encore plus, rural, les élus portent une lourde responsabilité dans la montée catastrophique de la facture d'hydrocarbures. En éparpillant le pavillon de l'égoïsme dans la nature, le long de routes réputées sentir la noisette, dans des espaces dépourvus de tous services de proximité, on a accru la dépendance des habitants vis à vis de leur indispensable automobile.

En ne sanctionnant pas légalement et énergiquement les communes urbaines s'arrangeant pour refuser l'implantation de logements à loyer modéré (il aurait été profitable depuis longtemps de développer l'appellation  » L.L.M.  pour remplacer celle de  » logements sociaux « , répulsive et totalement déconnectée de la réalité), on a favorisé une dramatique délocalisation des travailleurs de tous rangs. En faisant de la concentration administrative des services, des administrations, une priorité de gestion, on n'a même pas envisagé son impact sur les déplacements.

ON SOIGNE SEULEMENT LES EFFETS

Maintenant, tout le monde crie au loup. On ressort la voiture qui roule sans essence, la prime exceptionnelle destinée à faire avaler provisoirement la pilule, l'incitation à la pratique du vélo ou à l'utilisation de transports en commun inadaptés, essentiellement tournés vers le ramassage de scolaires, concentrés dans des collèges et des lycées inhumains. On soigne comme toujours les effets, mais surtout pas les causes.

Sous la pression du besoin de terres constructibles destinées à pallier les insuffisances urbaines, les villages les plus humbles, sans aucun service potentiel, de plus en plus éloignés des bassins d'emploi, prennent des allures d'eldorado pour  » pavillonneurs « , avides d'espaces délaissés par une viticulture en crise. Et dans quelques mois, un indice mesurera une baisse de la confiance et de l'optimisme des ménages, étranglés par la facture?et les oracles des plateaux de télé, n’ayant jamais vêcu les faits qu’ils commentent, en tireront des conclusions définitives sur l’avenir de la planète.

Dans le cadre de l'esbroufe médiatique, la France d'en Haut a convoqué, sous les yeux complaisants des caméras, les profiteurs du système, les ténors du CAC 40, pour leur demander poliment de ne pas trop profiter de la situation. Tels les bourgeois de Calais, ils ont affronté le courroux présidentiel et celui de l'un de leurs pairs chargé, il y a encore peu, d'exploiter le filon de la téléphonie galopante, grâce à des ententes pour le moins sibyllines.

Aucune entente illicite, aucun effet de communication, aucune supercherie dans le genre  » je vous reprends plus d'une main que je ne fais semblant de vous donner de l'autre «  mais du beau, du généreux, du merveilleux  » grand c?ur  » libéral. Total (sic) : on continuera, comme si de rien n'était, à laisser se développer le cancer énergétique d'un trajet domicile-travail sans cesse plus long, en sachant pertinemment que le passage à la pompe sera inéluctable.

Une étude a démontré qu'une famille qui déciderait de se séparer de son domicile obsolète en matière énergétique pour construire, dix kilomètres plus loin, une maison parfaite, regroupant tous les concepts les plus performants en matière d'économie d'énergie, gaspillerait inutilement son argent puisque les dix kilomètres supplémentaires qu'elle aurait à accomplir quotidiennement annuleraient tous les autres bénéfices escomptés. Et à terme, elle basculerait dans le négatif, en raison de l'augmentation irrémédiable du coût de ses déplacements. Le reste, c’est de l’amusement pour téléspecteurs crédules.

OBLIGATIONS DE DEMEURER AU POUVOIR

Il faut profondément réviser tous les concepts d'aménagement du territoire, de décisions en matière d'urbanisme, de vision du développement local. On ne risque rien, ce ne sont pas les membres de l’Enarchie qui vont faire leur acte de contrition politique. Eux, qui dirigent les partis, les Ministères, les grandes entreprises, les cabinets, les organisations
professionnelles, pérorent sur les écrans et les ondes, mais ne reviendront pas sur leurs obligations de demeurer au pouvoir. Ils ne savent décider et vivre que dans la pensée unique, plus ou moins teintée de rose. Toucher, en France, à  la notion du pavillon isolé dans la campagne, symbole de la réussite sociale, parangon du bonheur familial, c’est attenter à la vision lénifiante de  l’électeur des classes moyennes, le coeur de leur cible électorale. Ils préfèrent donc surfer sur la vague des poncifs, plutôt que de s’attaquer aux racines du mal.

Le développement durable n'a une chance de devancer la notion de profit que s'il démontre que les dégâts collatéraux sont au moins aussi désastreux que les effets les plus visibles.

L'or noir n'a jamais si bien porté son nom, et n’a jamais été aussi symbolique de la réalité mondiale et locale. Les dégâts causés par sa raréfaction seront eux pour le moins durables…

Mais je déblogue?

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