LE BUG D'HEWLETT PACKARD

Sun, 25 Sep 2005 00:00:00 +0000

Les jours se suivent et se ressemblent. Les déclarations inconsidérées se multiplient comme si le choix délibéré avait été fait par le gouvernement de baser toute sa politique sur le principe de la fuite en avant. Le  » premier des ministres de Sarkozy «  a déclaré, par exemple, avec un aplomb dénotant une méconnaissance totale de ses dossiers, qu’il fallait exiger d‘Hewlett Packard le remboursement intégral des subventions publiques reçues pour son installation en France.

 De Villepin, qui mériterait d’être plus connu sous le patronyme de  » Jean Sans Terre élective », endosse le rôle de  » Robin des Bois «  acharné à faire rendre gorge aux pilleurs de l’économie française. Replié dans la  » forêt de Matignon « , mal secondé par  » le Petit Jean de Neuilly  » trop prompt à se quereller, par  » frère Tuck Borloo  » trop souvent imbibé, par  » Will? Larcher  » qui n’a pas trop la tête de l’emploi, le seigneur de Sherwood n’a guère la cote auprès du peuple actif. Il décoche des flèches dans le vide, alors qu’il aurait tout intérêt à les économiser.

JOUER LES FIERS-A-BRAS

Visiblement pris de court par l’annonce du licenciement de 1240  » serfs de l’électronique « , il a voulu jouer les fiers-à-bras en utilisant le fameux  » retenez-moi, ou je fais un malheur ! «  Il a demandé illico à ses hérauts des étranges lucarnes, de relayer cette déclaration de guerre à une multinationale affichant 3,5 milliards de dollars de bénéfices en 2004 et très tentée par une délocalisation asiatique.  » Retenez-nous, ou nous faisons un malheur avec lui !  » ont répété ses vassaux pour que dans toutes les chaumières on perçoive bien le message.

 » Retenez moi ou je fais un malheur  » a asséné en province le  » premier des ministres  de Sarkozy « , histoire de montrer que, lui, n’avait pas peur, une fois encore, d’un géant américain. Il lui  » volerait  » quelques dollars, en compensation d’un pillage en règle des emplois qualifiés français. Coluche avait un excellent sketch sur ce sujet, où il contait l’histoire du gars, au bistrot, encaissant taloche sur taloche, mais continuant à faire semblant d’être capable d’étriller son adversaire? jusqu’au moment où il oubliait, sous les coups, sa fierté mal placée et ses griefs initiaux. Que voulez-vous que  » Jean sans terre élective  » pût faire contre une entreprise tentaculaire dont la tête est installée dans un bunker géant outre atlantique, anonyme, inflexible, vraiment peu soucieuse que ses employés français connaissent des difficultés pour payer leur pavillon neuf de banlieue ?

REMBOURSER LES SUBVENTIONS
En plus il a commis le  » bug  » dont ne se remettrait pas n’importe quel élu de base dans une réunion publique. Il s’est aventuré, lui le bien noté de l’ENA, lui le bulbe des Ministères, lui le technicien de la gouvernance, à demander, haut et fort, à HP de rembourser des subventions qu’on ne lui a jamais attribuées ! Superbe : le tapis rouge de l’absurdité s’est déroulé sous les semelles des Sebago des tueurs américains. La jubilation :  » retenez-nous, ou on meurt de rire ! « 
Pour son arrivée en Isère, Hewlett Packard n’aurait en effet sollicité que l’aménagement de 2 carrefours giratoires sur des zones d’activités, comme n’importe quelle autre entreprise le fait en France. Un malheureux million d’? ?payé par le Conseil général de surcroît (mais surtout pas par l’Etat), que réclame pourtant  ce dernier par la voix de son premier des ministres. Le dossier avait été sûrement soigneusement préparé et plus encore soigneusement étudié ! N’est pas Robin des bois qui veut ! D’autant que chez HP on s’est empressé de rappeler que les caisses publiques avaient encaissé sans sourciller quelques millions de taxe professionnelle ayant permis de payer 700 giratoires.
N’empêche que ce  » bug  » pose un problème fondamental : les aides financières publiques, réellement apportées au système économique avec nos impôts se justifient-elles ? Comment des élus peuvent-ils être du camp de ceux qui veulent tout privatiser en prétendant que l’état n’a plus de rôle à jouer dans l’économie, alors qu’en même temps ils dispensent encore des subsides, sans garantie, à des entreprises dont on sait qu’elles ne feront que passer ? Comment justifier que l’on donne aux uns ce que l’on a ponctionné aux autres ? Comment expliquer qu’EDF, GDF, SNCF, Air France, Thomson? et une kyrielle d’autres entreprises ont été ou seront  » privatisées  » à tout rompre, pour récupérer des fonds publics que l’Etat restitue à d’autres entreprises créatrices   » provisoires  » d’emplois ? Pourquoi diable renoncer au service public, au nom de la rentabilité, si c’est pour, à côté, subventionner des secteurs privés aléatoires ? L’engagement financier de l’Etat est-il plus mauvais dans les entreprises nationales que dans les multinationales anonymes ? Ne faut-il pas arrêter de  sans cesse courir après un développement spectaculaire, pour privilégier un développement durable reposant sur des filières limitées mais rentables ?

SES DIRIGEANTS UTILISERONT D’AUTRE SUBTERFUGES
Hp, après bien d’autres, se moque comme de son premier dollar des menaces de création d’une loi française sur la restitution des subventions lors de suppressions d’emplois. Ses dirigeants utiliseront d’autres subterfuges (dépeçage de leurs usines en structures sous traitantes plus aisément délocalisables, étranglement du carnet de commande conduisant au dépôt de bilan, refus d’investir dans des modernisations, plans sociaux subventionnés par l’Etat ? préretraites notamment – ..) pour échapper à un texte dont les décrets, comme pour beaucoup d’autres textes votés, paraîtront dans plusieurs mois ou ne paraîtront même jamais !
Alors  » Jean sans terre élective  » n’a trompé personne en voulant remplacer Robin des bois. Il a simplement davantage discrédité la politique dont on se plait à répéter qu’elle ne sert à rien, qu’elle n’a aucun pouvoir, qu’elle e
st rongée par sa terreur de l’économique.

En attendant, les salariés d’Hp seront heureux, dans quelques jours, d’apprendre que les statistiques du chômage sont meilleures, que le marché de l’emploi s’améliore, que le PDG d’HP Europe pense beaucoup à eux. Croix de bois, croix de fer, ils seront protégés par les nouvelles dispositions de l’ANPE sur le suivi individualisé, sur les sanctions au troisième refus d’emploi, sur le contrat de travail de deux ans, sur les nouvelles tranches d’impôt sur un revenu qu’ils n’auront plus?

Mais je déblogue?

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