BALLON DORT

Thu, 27 Oct 2005 00:00:00 +0000

Un match des Girondins : combien de fois ai-je rêvé dans ma vie de gamin ou de jeune de pourvoir assister à l’une de ces grands rencontres dont parlait le journal ? Les circonstances ont fait que j’ai du attendre très longtemps avant de m’offrir ces moments réputés intenses. Les Bordeaux Nantes des années soixante m’ont gavé de plaisir avant que de nombreux autres rencontres entrent dans le panthéon de mes soirées bordelaises les plus exceptionnelles. Ayant atteint, grâce à mon passage dans le journalisme sportif, ce que j’espérais de mieux je me suis même, durant une bonne dizaine d’années, " gavé " de ce monde pour le moins factice du sport professionnel. J’ai acquis, au fil des passages dans feu le " stade vélodrome ", un certain détachement par rapport au contexte. Mon enthousiasme débordant a lentement fait place à un exercice critique de plus en plus " objectif " du spectacle offert.

Ecrire sur des centaines de comptes-rendus de matchs plus ou moins glorieux, rencontrer en tête à tête les idoles du virage Sud ou des écrans télévisés, observer les complots d’un monde beaucoup plus impitoyable que celui de Dallas, vivre de l’intérieur l’évolution du sport vers le spectacle : autant de facettes d’une vie que je croyais susceptible de renforcer ma passion. Tout au contraire elle s’est estompée et me permet maintenant de me sentir comme un extra-terrestre dans ce Parc Lescure devenu Stade Chaban-Delmas.

Depuis l’abandon normal de mon coupe file, je n’ai donc jamais remis les pieds en tribune de presse pour redevenir l’un de ces lecteurs auquel je m’adressais autrefois. J’espérais y gagner une vitalité supportrice nouvelle pour succéder à un trop accaparante vision analytique. Le cœur finirait bien par s’imposer à la raison. D’ailleurs, pour m’aider dans cette mutation, les hasards de quelques invitations font que je me suis, au cours des quatre dernières saisons, retrouvé dans la tribune faisant face à celle où je m’asseyais pour tenter de conter les joies ou déceptions des rencontres.

Hier, en fin d’après-midi, après plus de 18 mois de sevrage je suis donc retourné voir " un " Bordeaux Marseille" de Coupe de la Ligue, présenté comme un sommet de la saison.

Le stade affichait, sous un soleil d’été indien, un visage souriant et bon enfant. Partagé entre spectateurs et supporteurs il constituait l’écrin idéal pour une télévision propriétaire réelle du " bijou " potentiel : deux des perles d’un championnat de l’argent roi. Toutes deux devaient potentiellement briller de mille feux puisque classées parmi les plus huppées de la Ligue 1. J’avais véritablement envie de ressentir cet enthousiasme du temps passé.

Banderoles, fumigènes, oriflammes, slogans putrides appelant " aux armes ", insultes scandées entre " partisans ", gestes collectifs menaçants : j’ai eu très vite du mal à accepter cette apparente mobilisation populaire dans laquelle les plus jeunes apprennent à croire en ceux qui n’ont plus rien de chevaliers de la balle ronde. Toute victoire ne résulte, certes, que d’une confrontation. Mais quand cette dernière prend des allures guerrières elle ne correspond plus à ma vision du sport. Si l’on ajoute des compagnies de CRS harnachées, policiers matraqueurs, ceintures de sécurité constituées de " stadiers " aux allures de cerbères : le stade Chaban-Delmas n’avait pas amélioré ses comités d’accueil. Comment peut-on encore feindre d’ignorer que le football finira par mourir de ses exagérations financières ou de comportements plus proches des jeux du cirque que de l’amour du jeu ? Le racisme exprimé dans des enceintes internationales, le hooliganisme latent, le nationalisme outrancier collent désormais aux crampons des footballeurs professionnels. Même s’ils n’étaient pas à Bordeaux hier soir le virus est bien toujours là. Je l’ai repéré…

Si, en plus, le spectacle avait été au rendez-vous j’aurais peut-être éprouvé un zeste de regrets sur mon " paradis " perdu. Or, ce Bordeaux-OM, que la télé a dû vendre comme un " régal " (France Télévision sevrée de foot ne peut pas prétendre vous refiler un ersatz de compétition) ressemblait à un " Chamadelle-Puisseguin " emballé dans du papier de soie. Joué sur le rythme de danseurs de slow évoluant sur un parquet mal ciré, haché par les trilles harmonieuses d’un arbitre sanctionnant des fautes permanentes d’antijeu, indigne d’une épreuve professionnelle avec des maladresses de débutants, animé par aucune autre passion que celle de ne pas perdre, le match constituait une parodie ennuyeuse.

La Coupe qui, à priori, engendre enthousiasme et esprit d’entreprise n’était même pas pleine de bonnes intentions. Pour les spectateurs lucides, le sommet n’aura été qu’un entraînement télévisé payant… Réactions sporadiques pour… quelque gestes déplacés des adversaires, rumeurs de déceptions pour des occasions manquées ou gâchées, applaudissements sollicités par le " chauffeur de stade " présent constituèrent l’essentiel des réactions avant chaque mi-temps, sifflets envers Fabien Barthez : le stade, fort de ses certitudes, ne vibra que quand, pour la seule fois de la soirée, de raccroc, les filets marseillais tremblèrent. Ouf ! Tout le reste fut jeté aux oubliettes de la passion.

Dans la presse on évoquera la fatigue, la pression, les absences, la température, la pelouse, les tactiques pour vous convaincre, pour la énième fois, que l’important, pour Bordeaux, était de gagner ! D’ailleurs dans notre société on sait bien que seul le résultat compte ! Ce fut fait et mal fait ! On n’avait pas eu le flacon et encore moins l’ivresse…mais les caisses étaient remplies.

Non décidément je n’ai plus de plaisir a vivre ce football là. Mes Dieux de ce stade gardent leur place dans mes souvenirs moins rutilants. Et la nostalgie est bien ce qu’elle était… En regardant La Corogne-Real de Madrid en rentrant  je l’ai vite retrouvée de l’autre coté des Pyrénées !

Mais je déblogue…

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