CA NE FONCTIONNE PLUS

Sat, 29 Oct 2005 00:00:00 +0000

 Il n'y a pas pour moi de mot plus inquiétant que celui d'épuration. Les pires tyrans, qu'ils aient été populaires ou impopulaires, l'ont utilisé lorsqu'ils voulaient se débarrasser de leurs opposants et même d'une part de leurs peuples. Dans la vie quotidienne d'un Maire, il est heureusement précédé d'un mot  » station  » ce qui le rend, à priori, moins dangereux. Et encore?ce n'est pas sûr ! Ce lieu, dans lequel les habitants expédient leurs eaux usées, n'est pas le plus visité de ceux de la commune mais, dès qu'il connaît une défaillance, il fait causer. Il s'inscrit, avec les structures d'élimination des déchets ménagers, dans la fameuse liste des  » cachez ce problème que je ne saurais voir !  » de notre époque. Alors, il faut admettre quand on est élu qu’il faut se débrouiller seul, quelles que soient les circonstances.

La station d'épuration fait l'objet de toutes les sollicitudes des? contrôleurs officiels ou moins officiels. Elle focalise les vérifications, inspections, destinées à déterminer si ses effluents sont aussi purs que de l'eau de source. Des résultats de ces investigations dépend, régulièrement, la légèreté du sommeil du Maire.

D'abord, il n'est pas inutile de préciser qu'il peut se trouver devant autant de verdicts que de techniciens, ce qui ne?clarifie pas le contexte. Le SATESE, organisme conseil du Conseil général, a un avis. La Direction Départementale de l'Agriculture en affiche un autre. La Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales se contente de mesurer ce qui sort dans le ruisseau. La société fermière se plaint de ne pas gagner assez d’argent sur une installation jamais assez performante. Le cabinet spécialisé dans la maîtrise d'?uvre tente de répondre à mille et une propositions techniques, sans avoir la certitude d'obtenir un satisfecit. Et le Maire, là, au beau milieu, du bassin de décantation de positions contradictoires, tente de garder le moral et le cap.

Un dossier administratif fort coûteux, nécessitant des mois de travail, permet de solliciter une autorisation dite de rejet. Pour Créon,il a été déposé auprès de la Police des Eaux, pour instruction, il y a exactement? 2 ans ! Resté sans réponse durant ce laps de temps, il m'a obligé à convoquer? les différents services pour savoir s'il n'était pas définitivement perdu corps et biens. Or, miracle de l'administration, une personne décisionnaire l'a ramené en avouant, 24 mois plus tard qu'elle l'avait survolé et qu'il était, en fait incomplet puisqu'il y manquait ce qui avait été réalisé par la commune depuis 2 ans et que, donc, il fallait absolument recommencer à zéro ou presque. D'ailleurs, elle allait rencontrer le bureau d'études pour lui demander encore des pièces absentes, pour commencer- peut-être- à l'étudier.

Je me suis tassé sur mon siège, et j'ai tourné, retourné, re-retourné ma langue dans ma bouche pour éviter d'être désobligeant, mais? la moindre remarque aurait eu des conséquences désastreuses pour la station d'épuration. Principe de base pour un Maire de base : ne jamais contrarier un fonctionnaire pouvant à chaque instant trouver un prétexte pour remettre votre dossier sous la pile. Au contraire, demandez-lui des conseils, même si visiblement il est incapable de formuler un avis fiable. On sait, avec l'expérience, qu'un «  inspecteur  » blessé dans son amour propre devient vite dangereux, alors mieux vaut ravaler sa salive?et attendre un verdict simple : il est urgent de continuer à attendre. Ce sera suffisant dans l'immédiat et on ne peut guère espérer mieux. La matinée aura révélé la réalité d'une fonction publique, coincée entre ses obligations de contrôle, et son incapacité humaine à les assumer. En résumé, nous nous sommes séparés en nous disant qu'à Pâques, ou à la Trinité, nous aurions, peut-être, une réponse positivement temporaire, engendrant des millions d'? de travaux à réaliser, sur lesquels nous n'aurons l'accord des uns, une moue dubitative des autresj et la certitude qu'ils ne seront jamais satisfaisants. Ah ! j'oubliais : pendant que la comédie dure, une plainte a été déposée contre moi, pour pollution du cours d'eau où va le rejet? Le juge, lui, sera le seul fonctionnaire au rendez-vous si la station d'épuration n'est pas en règle.

En attendant, au même moment, lors d'une conférence de presse mitonnée par son  » service de com « , Crin Blanc a annoncé de profondes réformes de la fonction publique, dont le paiement au rendement, et donc au mérite. Il a sûrement prévu que ça ne lui coûterait pas très cher, car il mène un double jeu pervers. D'abord il multiplie les textes, règlements, précautions sanitaires, économiques, sociales. Il promet une sécurité renforcée, un système éducatif encore plus performant, une lutte acharnée contre le travail au noir, une vérification accrue des atteintes à l'environnement, une évaluation permanente de la gestion des collectivités locales?et que sais-je encore ? Ensuite, il annonce des suppressions permanentes de postes, le non renouvellement des départs en retraite, le transfert de pans entiers de ses responsabilités vers des communes submergées, ce qui rend tous ces objectifs totalement utopiques. Imaginez qu'il vous faille rouler de plus en plus loin et de plus en plus vite, avec un réservoir de moins en moins plein ,et que votre commanditaire annonce partout qu'il vous paiera selon votre performance…

Ce bougre de Crin Blanc a inventé la mort joyeuse du fonctionnaire, à la fois par  » submersion « , et par  » épuration « . Et le pire, c'est que le bon peuple s'en esbaudit, croyant à une farce. La recette est vieille comme la République ou comme l'époque où Guignol a appris à faire rire la foule en décochant des coups de bâtons sur le gendarme.

Mais je déblogue?

Blog + :  L'AUTRE QUOTIDIEN était, hier, classé quatrième des 1 100 blogs répertoriés dans la rubrique politique d'over-blog.com Ce 29 octobre il a également passé le cap des 5 000 connexions uniques et a atteint 15 145 pages lues depuis sa création. Merci du temps que vous lui consacrez !

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