VOUS AVEZ DIT KARCHER?

Wed, 02 Nov 2005 00:00:00 +0000

Le Karcher, reconnu pour son efficacité, a trouvé avec le  » Roquet de Neuilly  » son commercial le plus zélé.  » On va nettoyer tout ça au Karcher », avait-il lancé aux badauds amassés aux fenêtres d'un immeuble d'Aubervilliers. Que pouvait-on rêver de mieux pour relancer la vente d'un outil destiné à décaper tout objet ou tout lieu des souillures dues au temps, où à un comportement irresponsable ? Seulement, voici que quelques semaines après cette déclaration publicitaire fracassante, tout est exactement comme avant. Le Karcher a blanchi le vide. Chacun sait, en effet, que l'on ne parvient pas à ses fins uniquement sur la base de la technique. Pas plus que les déclarations, même les plus tonitruantes, ne peuvent davantage, du jour au lendemain, bouleverser un contexte social durable. Les lois, les ordonnances, les décrets, n'ont jamais changé les mentalités. Et, toutes les agitations médiatiques, aussi spectaculaires soient-elles, ne modifieront pas les réalités. Une fois encore, le vernis des apparences recouvrira les principes de gouvernement car l'essentiel, désormais, c'est que l'on croit en l'efficacité, même si le constat est finalement désastreux : le Karcher n'a rien arrangé, à part l'électorat de Le Pen!

Des mesures simples, ordinaires, précises, pourraient pourtant être prises, pour constituer le socle d'une nouvelle citoyenneté reposant sur la notion de responsabilité. Elles ne bouleverseraient pas notre démocratie, mais elles l'adapteraient à un contexte particulièrement inquiétant.

Ainsi, on ne cesse de répéter que certains quartiers constituent ce que l'on appelle pudiquement des  » zones de non droit « . La réponse est toujours la même pour juguler ce fait, sans cesse remis sur le devant de la scène : il faut augmenter la présence policière ! Cohortes de CRS stationnés en permanence, patrouilles provocatrices, descentes musclées des forces de l'ordre, mais en réalité peu de solutions pouvant lentement modifier les données standards. A l'agitation, plus ou moins violente, répond une répression plus ou moins violente, qui génère une réplique encore plus violente? et le serpent se mord la queue, pour finir par se calmer quand les deux camps ne peuvent pas aller plus loin. Pour ne pas sans cesse critiquer et ne jamais proposer autre chose, on pourrait accepter deux actions concrètes.

D'abord, il faudrait avoir une connaissance précise des populations concernées. En France, la déclaration de domicile n'existe pas, et les mouvements locaux de population (emménagements, déménagements) sont totalement inconnus. Dans ces zones de non-droit (et même dans les plus paisibles des communes), il est, dans les faits, impossible de savoir qui arrive, qui part, qui est installé, puisque rien n'oblige à effectuer une démarche en ce sens à l'égard de la Mairie. Comme l'inscription sur les listes électorales n'est pas obligatoire, des familles entières échappent à une simple connaissance de leur existence.

 La semaine dernière, par exemple à Créon, dans un immeuble de cinq logements, il a été mis en évidence que? quatre locataires sur cinq, pourtant réels et présents depuis de longs mois, n'existaient pas pour les impôts, car domiciliés ailleurs, ce qui leur permettait de jouer, pour toutes les aides, sur deux adresses postales différentes. Pourquoi ne pas rendre la déclaration de domicile en Mairie obligatoire contre une attestation utilisable pour toutes les démarches administratives ? Aucun service public ne délivrerait aide ou accueil sans la présentation de cette attestation officiell, au moins aussi efficace qu'une quittance de loyer, une facture d'eau ou d'électricité. Les actions sociales, les suivis judiciaires, les relations sociales s'en trouveraient grandement clarifiés, à peu de frais.

Ensuite on ne cesse de parler d'économie parallèle. On sait qu'elle existe et qu'elle se traduit par la constitution de véritables  » entreprises  » rentables, entretenant le sentiment profond que les références aux principes républicains n'ont aucun intérêt. Il est cependant fallacieux, dramatique, d'insinuer que tous les habitants de ces zones sociales rouleraient en BMW ou en Mercedes. Les trafics ne concernent qu'une infime minorité, mais le problème, c'est qu'elle sert d'exemple aux autres?et de base aux reportages télévisés ! Là encore on sait que les CRS ou la Brigade Anti Criminalité sont d'une totale inefficacité.

En revanche, il paraît élémentaire de s'intéresser systématiquement aux revenus de ceux qui affichent ostensiblement des signes extérieurs? de richesse sans avoir, officiellement, le moindre revenu. En diminuant le nombre de fonctionnaires (service des impôts, inspection du travail?), en répétant sans cesse que les contrôles administratifs sont des atteintes à la liberté individuelle, en détricotant le code du travail, en refusant toute contrainte au nom du libéralisme économique, les ministres, actuels et passés, ont discrédité la nécessaire rigueur républicaine auprès des fraudeurs. Comment se plaindre de comportements déviants quand on est dans l'incapacité matérielle de faire appliquer les textes et règlements en vigueur ? Des pizzerias sans clients, des salons de coiffure vides, des bars ou des salles de jeux, des magasins plus ou moins bidons servent à recycler l'argent liquide issu des pires trafics, donnent aux jeunes l’impression que leur avenir passe par des filières bénéficiant, dans les faits, d'une impunité totale. On le sait, mais dans la proximité, rien n'est fait !

Dans les communes les plus modestes on sait pertinemment que si vous voulez échapper à tout, il suffit de  » truquer  » son domicile réel (poursuites impossibles) et devenir plus rapides, dans la mobilité, qu'une administration réagissant avec 6 à 18 mois de retard (le percepteur traite actuellement à Créon des dettes communales de restaurant scolaire vieilles de 4 ou 5 ans). Trichez sur tout, sauf sur votre automobile (papiers en règle) car c'est le seul risque réel de contrôle qui peut vous valoir des ennuis. Pour le reste, ne vous faites pas trop de soucis, car vous trouverez toujours matière à échapper aux sanctions.

Les fameuses  » zones de non-droit  » sont essentiellement celles de la tricherie tolérée sous toutes ses formes. Tous les CRS de France ne pourront jamais rien contre cette réalité. En démissionnant, l'Etat sous toutes ses formes (et surtout pas seulement les forces de l'ordre), a laissé le champ libre à une forme perverse  » d'autogestion. « . La violence a pris le pouvoir, et il sera bien difficile de le lui retirer. D’ailleurs chaque jour, chaque nuit, on le constate.

Il est donc un peu tard pour crier au loup, pour réunir des conseils interministériels et pour prôner la «  Karchérisation?des esprits. « , le pîégeage  » des canailles « , la généralisation des  » caméras de surveillance « , l'indestructible « tolérance zéro « ?et de générer une belle peur électoralement rentable ! 

Mais je déblog
ue?

 

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