MAISON MERE BIEN GARDEE

Thu, 03 Nov 2005 00:00:00 +0000

Les vieux militants sont de plus en plus vite fatigués. Ils sont comme ces briscards ayant beau affirmer qu'ils en ont vu de toutes les couleurs, ils ne sont jamais totalement insensibles au temps qui passe. Il faut dire que les campagnes répétées ont fini par élimer leur motivation, leur capacité à s'émerveiller, leur enthousiasme pour le combat.

J'appartiens à ces anciens combattants de l'idéal ayant cru en des lendemains qui chantent. J'en ai connus et je les ai appréciés à leur juste valeur. Je les ai aimés, surtout quand ils se levaient sur une victoire acquise par le suffrage universel. Les autres ont été extrêmement rares car j'ai toujours accepté de payer le prix fort de la fidélité à des principes. N'empêche que j'ai sans cesse conservé l'envie de convaincre et d'écouter les arguments des autres. Hier soir, j'ai donc été promener ma carcasse, tenaillée par une sciatique tenace, à une réunion donnée au Krakatoa de Mérignac par François Hollande. L'avantage essentiel de cette rencontre entre le premier Secrétaire national du PS et ses ouailles, c'est qu'elle ne m'a pas obligé à sauter d'enthousiasme sur ma chaise? J'en aurais été incapable.

Plus d'une demi-heure de monologue sans une seule interruption par une salve d'applaudissements. Un silence pesant. Même si, évidemment, à deux ou trois exceptions près, l'auditoire était acquis à la cause de la motion  » présidentielle « , cette réserve contrastait avec les annonces répétées d'un succès situé au-delà des 50 %. S'il arrive que certains aient le vin triste, d'autres ont la victoire prévisible plus que morose. A moins que la consigne soit déjà au triomphe modeste.

François Hollande a des qualités certaines. Excellent technicien, formé à la dialectique en Enarchie, capable de disserter durant des heures, déclinant ses arguments selon le fameux canevas : thèse, antithèse et ?synthèse, il n'est jamais allé au-delà de ce que requiert la bienséance. Une seule fois cité, le nom de Sarkozy, respectueusement appelé le « Ministre de l'Intérieur ». Une seule fois cité, le nom de De Villepin, et pas une seule fois le nom de Chirac, révérencieusement appelé le « Président de la République ». Evidemment, pas une seule citation des noms de Laurent Fabius, Jean luc Mélanchon, Henri Emannuelli et Arnaud Montebourg, qui apparemment demeurent ses meilleurs potes? Le seul qui aura eu droit à un commentaire à la Bedos de son interview dans Sud Ouest aura été Vincent Peillon. Cherchez l'erreur?Ou cherchez plutôt le rival annoncé !

La diatribe volubile tourne autour des mots  » respect « ,  » règles,  » règlements « ,  » vote démocratique « ,  » statuts. «  Il aura outrancièrement manqué : » social « ,  » emploi « ,  » logement « , « délocalisation « ,  » Peuple « ,  » salaires « ,  » éducation « , « formation », « justice », qui ont été remplacés par pas moins de cinq évocations (tous orateurs confondus) de? Jaurès (paix à son esprit). Mais on n’était pas là pour penser mais pour voter contre les « méchants » qui ont osé avoir raison avec les électrices et les électeurs le 29 mai.

On voit très vite que, dans ce Congrès, la forme a pris le pas sur le fond. Aurait-il, par hasard, été imaginé pour régler leur compte aux contestataires, porteurs du virus du Non ? L'observateur attentif n'en a pas pour longtemps à se forger une intime conviction : Fabius et ses copains vont recevoir le châtiment suprême. Le désaveu des urnes internes, celui qui fixera leur avenir personnel. Le déshonneur du 29 mais sera lavé.

Le  » Surgé  » du PS a distribué, durant toute son intervention, les heures de colle idéologique, rappelé le devoir de réserve imposé, distribué les prix d'excellence de pensée? La liturgie interne nécessite un prêche moralisateur adoré des bien-pensants. Et si, pour son plus grand malheur, le Peuple français a repoussé l'évangile européen, la faute en incombe à? un nationalisme rampant cultivé par des Judas socialistes. Pas le moindre doute, pas le moindre remords?Pas la moindre remise en cause. La certitude d'avoir eu raison prend en permanence le dessus sur le résultat. Démoralisant.

François Hollande ressemble étrangement à ces gestionnaires polis, solides, sérieux, qui n'offrent aucune aspérité. Lisse et raisonnable, bardé d’indices, de taux de croissance, de pourcentages, il ne réveille aucun espoir, ne fait grandir aucune utopie. Il n'est d'ailleurs pas là pour cela. Il doit simplement conserver la  » maison mère «  afin que le conseil d'administration actuel puisse, le moment venu, se choisir un(e) P.D.G. (heureusement, pour lui, il a une fois parlé de candidate contre sept fois de candidats). S'il assure cette mission, ses actionnaires principaux sauront lui en être reconnaissants. Plus tard, dans 7 ans.

Pour y parvenir, deux consignes sont ressassées : en votant la motion 1, faites rendre gorge, par votre nouveau vote loyaliste, aux traîtres européens et, plus encore, refusez les accusations du  » plus à gauche que moi, tu meurs « . Ces sonsignes ont semblé flatter l'ego des militants présents?très respectueux de l'ordre établi, si l'on se fie aux applaudissements ponctuant un dernier appel solennel à la  » mobilisation « . L’essentiel demeure : c’est de gagner ! Le succès attendu sera donc probablement au rendez-vous. Il ne reposera pas, comme la majorité des victoires, sur une adhésion à un projet de société, mais sur le rejet d'une dissidence, forcément dangereuse pour les intérêts de la caste. Les militants du PS ont toujours été du côté du pouvoir en place au nom de cette fameuse  » unité  » que tout le monde croit synonyme d'efficacité.

François Hollande joue à fond sur le sentiment légitimiste?et je suis certain que ça marchera, car la discipline appartient à la culture militante. J'en ai, durant deux décennies, expérimenté l'efficacité. Mais je crois qu'il y a une certaine fierté à être minoritaire, si c'est le fidèle reflet de sa conscience.  » Conscience ? Conscience? Vous avez dit conscience ? « 

Mais je déblogue?

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