BAROMETRES ET ENVIRONNEMENTS

Thu, 01 Dec 2005 07:17:00 +0000

La journée a été longue, difficile, épuisante. Elle illustre pourtant parfaitement la polyvalence désormais obligatoirement exigée de l'élu responsable de la France d'en bas. Je n'ai plus le droit à l'erreur dans un monde complexe, exigeant et donc forcément impitoyable à la moindre défaillance. Alors que tout le monde se spécialise, il me faut assumer l'immense tâche de généraliste. Il me faut passer d'un sujet à l'autre, de l'individuel au général, du futile au gravissime.

LES BAROMETRES DU MATIN.- Dès 7h 30, je traverse la place de la Prévôté où s'installe le marché et j’écoute les plus matinaux des Créonnaises et des Créonnais, qui ont forcément une question à me poser, une doléance à formuler ou tout simplement des nouvelles à me demander. Tous participent à mon premier  » baromètre  » social, au même titre que les commerçants en train de déployer ou d'achalander leurs étals. Tous scrutent le ciel. Ils cherchent à se rassurer sur la venue de leurs habitué(e)s risquant de se décourager si le mauvais temps menace. Le froid et la pluie constituent les pires ennemis de l'économie de proximité. Ils le savent, eux qui côtoient essentiellement des retraités aux faibles revenus ou des mères de famille à l'affût d'une bonne affaire. Une moue dubitative de l'un sur une question relative à la reprise de la consommation? Un mot inquiet de l'autre sur la période des fêtes, capitale pour son chiffre d'affaires. Un visage résigné de celui qui sait déjà que son mercredi ne sera pas fameux. Même court, même traditionnel, ce périple au c?ur de la vie réelle m'ouvre les yeux, me permet de  » sentir  » la cité, celle de la réalité. Je me prends à toujours effectuer la même diagonale comme s'il me fallait une constante dans les repères. Vers 12 h 30, j'emprunterai un autre chemin pour retrouver d'autres commerçants non sédentaires avec lesquels je ferai un autre point. Inutile de mentir : il manque singulièrement d'argent dans les porte-monnaie. Chacun rogne sur les dépenses réputées inutiles, consacrant ce qu'il possède à l'alimentation. L'heure est à l'essentiel? Le baromètre du moral est au plus bas depuis longtemps  !

En Mairie, le premier courrier est arrivé. Celui de la proximité puisque déposé directement dans la boîte aux lettres. Il apporte les premières demandes personnelles et surtout celles des associations. Un coup d'?il rapide sur un journal version  » Gironde  » et je me colle à l'écriture du Créon Hebdo que je n'ai pas eu le temps de boucler lundi en raison d'un emploi du temps chargé? Le rite dure depuis maintenant plus de 22 ans, et j'ai calculé que j'ai déjà rédigé un volumineux journal de plus de 2500 pages, entièrement consacrées à l'actualité locale. J'ai du mal à trouver les mots, à m'assurer de ne pas oublier quelque chose…

La Mairie se garnit. La seconde vague de courrier arrive. Elle pèse son poids de publicités, de propositions diverses et 4? demandes d'emplois qui me convaincront que le chômage est en baisse. Un café pour la route, et la permanence débute. Elle va me donner le second  » baromètre  » de la journée. Encore et toujours des logements demandés et que je ne peux pas donner?des emplois que je n'ai pas et des situations familiales inextricables que je ne peux pas résoudre. Je ne distribue que des mots d'espoir mais je n'ai pas de certitudes. Le temps défile. La matinée me plonge dans les entrailles d'une société malade de l'angoisse du lendemain. Je ne cherche même plus à dissimuler la mienne en allant ouvrir la porte conduisant à mon bureau. Je sais que dans la froidure inconfortable du couloir m'attend forcément une détresse et parfois, rarement, le sourire de quelqu'un que j'ai aidé s'en sortir !

Pas de déjeuner à la maison aujourd'hui j'ai rendez-vous avec un ami?pour parler boulot.

ENVIRONNEMENTS.-  
Bref passage dans mon antre de brocanteur des idées en Mairie, avant de filer au comité de suivi de la Distillerie de Saint Genés de Lombaud. Un aréopage préfectoral et administratif renoue avec le dialogue après un  » blanc  » d'une année. Le face à face entre  » riverains pollués  » et  » entrepreneur  brimé  » se déroule dans un climat convenable. On progresse, avec plus ou moins de bonne volonté, mais incontestablement, l'environnement a été amélioré. Les techniciens dégainent leurs normes et leurs paramètres. Les associations sortent leurs textes, leurs recours, leur vécu? Le secrétaire général de la Préfecture s'érige en Père la Vertu et donne des leçons d'Etat. Près de deux heures de sermon avant de se séparer sans trop d'échanges incontrôlés. J'y ai appris au passage que le Lubert dans lequel se déverse la station d'épuration créonnaise a perdu toutes ses illusions de ruisseau bucolique. Préoccupant, comme toutes les blessures infligées à une nature victime de notre incapacité à réagir vite.

Vite, vite il me faut d'ailleurs aller régler, vers 17 h, le dossier de demande de rejet qui traîne dans les services?Une longue discussion pour tenter de dégager des orientations à 20 ans sur l'assainissement de la commune. Lourde responsabilité que celle d'hypothéquer financièrement l'avenir sans? surcharger la facture des raccordés aux réseaux. Deux heures supplémentaires de travail sur un sujet grave mais peu passionnant pour les habitants préoccupés par leur facture d'eau sans trop comprendre ce qu'elle recouvre comme investissements. Comment multiplier les équipements avec moins d'argent ?

19 h : on frappe. La délégation de l'association  » Ouvre les Yeux  » vient présenter le bilan de son enquête sur les comportements des groupes informels de jeunes sur le territoire du créonnais. Un travail minutieux me place devant une autre dure réalité : les rassemblements sont constitués d'adolescents, et même d'enfants, avec parfois une large majorité de filles de 12 à 15 ans? Les filles sont quasiment aussi nombreuses que les garçons plus âgés. Par ailleurs, les enquêteurs m'apportent deux autres mauvaises nouvelles : plus de la moitié des jeunes questionnés avouent consommer occasionnellement de l'alcool, alors qu'ils ont autour de 15 ans, et  » fumer  » autre chose que du tabac taxé par l'Etat. Inutile d’attendre la publication de statistiques :  le  » joint  » a pris le pouvoir, et le cocktail alcool cannabis s'installe.

Enfin, pour achever le tableau, la totalité des j
eunes rencontrés très tard dans la nuit ne souhaitent rien faire, et surtout pas s'intégrer dans les dispositifs  » officiels « .
On en reparlera en Conseil Intercommunal de Sécurité et de Prévention de la Délinquance?pour tenter de trouver une esquisse de solution à ce phénomène de pseudo liberté  » banlieusarde  » qui gagne les zones rurales, en s'adaptant au contexte. Encore d'autres problèmes entassés sur le bureau à régler.

Demain sera un autre jour? sans problème !

Mais je déblogue?

  

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