DEMOGRAPHIE A DOUBLE SENS

Fri, 09 Dec 2005 00:20:00 +0000

L'évolution démographique a des incidences quotidiennes sur le fonctionnement des collectivités, qui continuent pourtant à vivre comme si elles ne devaient pas en tenir compte pour  les choix à effectuer pour l'avenir. On continue ainsi à se préoccuper, avec opiniâtreté, des problèmes de l'accueil des enfants, alors que chaque jour se profile celui de personnes de plus en plus âgées.

La puissance publique s’échine à construire des lieux de vie indispensables actuellement pour les 0-3 ans, sans vouloir admettre que, dans une décennie, nous manquerons cruellement de places pour héberger ou soigner des centenaires. Si gouverner, c'est prévoir, il y a une marge de progression extraordinaire dans la gouvernance à effectuer.

LE DEFI VERITABLE .- 
Je me fie simplement à la réalité créonnaise. Le Centre Communal d'Action Sociale (CCAS) a ainsi vu, en dix ans, le nombre des dossiers d'aide à domicile qu'il traite quintupler, et son personnel être multiplié par quatre? et le service de soins mutualistes vient de décrocher une trentaine de patients supplémentaires, sans pouvoir encore répondre à l'attente quotidienne. Les listes d'attente pour l'entrée en établissement pour personnes âgées dépendantes s'allongent, et les prix flambent, alors que les retraites s'amenuisent. Le défi véritable consiste à mener de front deux politiques, à chaque bout de la pyramide des âges, tout en sachant que l'avenir du quatrième âge est moins assuré que celui du premier. On repousse les échéances. On se voile la face, en adoptant des mesures dont on sait qu'elles ne font que cacher une misère annoncée. Paradoxalement, le système éducatif continue, par exemple, à former par promotions entières des CAP petite enfance, mais on oublie que dans quelques années, on aura besoin d'auxiliaires de vie.

Les annonces de programmes de construction de  » crèches « , sous l'impulsion de la CAF, se multiplient et les collectivités financent sans sourciller leur fonctionnement très déficitaire. Par contre, on n’accorde que très difficilement des crédits pour créer un véritable service public destiné à permettre des fins d'une vie, que l'on s'efforce d'allonger, sans pour autant prendre en compte les conséquneces de cette réalité positive. La privatisation galope. Les grands groupes financiers sentent, eux, venir le pactole. Ils n'ont pas pu s'accaparer le  » marché  » du baby-boom; ils surveillent donc attentivement celui du  » papy boom « . Il ne leur échappera pas ! Aucun programme politique ne prend la véritable mesure de l'enjeu, car le sujet n'est pas porteur : peu de personnes âgées veulent aller finir leur vie volontairement dans un établissement. Elles espèrent en une éternelle vitalité, qui leur permettrait de rester paisiblement chez elles. Alors, le silence permet d'entretenir l'illusion que leur v?u sera exaucé. Les deux extrêmes se rejoignent, alors qu'aux marges naissent d'autres problèmes.

 » VIEUX-JEUNES  » ET  » JEUNES-VIEUX  » .- 
Des mutations importantes sont en effet en passe de changer toute la donne de la vie sociale locale. Par exemple deux catégories nouvelles viennent d'apparaître : les  » vieux-jeunes  » et les  » jeunes-vieux « . Toutes deux posent paradoxalement le même problème : refus d'intégration dans le système actuel.

Les  » vieux-jeunes «  sont les 16-18 ans, qui se considèrent comme trop âgés pour s'insérer dans les structures organisées et désertent les clubs sportifs ou les associations, pour se construire des mondes parallèles. Ils clament leur droit à la liberté de choix et fuient tout ce qu'ils considèrent comme des contraintes.

Les  » jeunes-vieux «  se caractérisent, eux, par leur entrée dans le retraite avec une forme optimum, et ils boudent avec énergie les clubs dits du troisième âge. Ils refusent la belote, le rami, les dames ou les repas collectifs. Ils veulent leur indépendance, rêvent de voyages, de sorties culturelles, pratiquent parfois le sport de manière intensive, refusent la bonne bouffe et cultivent leur jardin.

Ce basculement d'une structuration collective de la société vers des pratiques de plus en plus individuelles pèse sur l'avenir des concepts anciens. Les repères se dissolvent de mois en mois : chute des effectifs dans les clubs sportifs sur la tranche 15-18 ans, refus de participation aux animations programmées, recherche uniquement d'échanges passifs en des lieux informels pour les  » vieux-jeunes  » ; refus de rejoindre les associations de retraités qui s'effondrent, repli sur soi pour les  » jeunes-vieux  » persuadés qu'ils ne sont pas du même âge que ces  » vieux « , aux revenus souvent modestes, qui se retrouvent pour tuer le temps. Le passage vers l'âge adulte pour les uns, et vers le quatrième âge pour les autres, ne se passe jamais sans douleurs ou sans drames.

Il faut repenser beaucoup de politiques, en prenant en compte des comportements nouveaux, des données statistiques nouvelles, des besoins inédits. Mais comme ce sont ceux qui sont électoralement rentables que l’on écoute, les personnes âgées ne seront mobilisées que sur le thème de l’insécurité, pas sur celui de leur dépendance future inexorable. 

Elles doivent reposer sur le désir des premiers de? vite vieillir, et sur celui des seconds de ne? jamais vieillir. Situation philosophiquement porteuse d'une mentalité de consommateur  » social  » et non plus d'acteur  » social « . Elle sera infiniment difficile à résoudre, car elle suppose une accession rapide des  » vieux-jeunes  » à une autonomie qu'ils mettent pourtant de plus en plus de temps à acquérir, et pour les  » jeunes-vieux « , de moyens financiers constants leur permettant d'assouvir leur besoin d'indépendance.

Mais je déblogue?

 

 

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