CHERCHEZ L'ERREUR

Thu, 21 Sep 2006 02:14:00 +0000

C'est extrêmement bizarre, plus on approche de l'échéance présidentielle et plus le débat enfle autour de l'école. Il n'y a aucun hasard dans cette prolifération de déclarations de tous bords sur le système éducatif, puisque toutes les études d'opinion tournent autour de son efficacité. Il n'y a jamais eu, dans l'histoire de la République, de rendez-vous électoraux qui ne servent de boutefeux à une guerre latente, endormie et secrète. En allumant tous les détonateurs potentiels les partis de droite savent qu'ils vont faire exploser les clivages séculaires au nom de la liberté de choix?le parangon du libéralisme. Lentement mais sûrement, ils veulent aller vers la  » marchandisation  » de l'école ! Seulement, ils avancent masqués, à tout petits pas, et ils approchent de leurs objectifs.
De plus en plus considérée comme un produit de consommation avec obligation de résultat,  l'école devient un enjeu présidentiel précieux, car il transgresse le clivage droite-gauche. D'ailleurs, ce n'est pas un hasard si Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal veulent mettre à mal une carte scolaire désuète, car ne correspondant plus à l'aspiration familiale de la réussite absolue pour les enfants ou les jeunes. Aussitôt, bien entendu, les agitateurs professionnels de l'enseignement privé se sont engouffrés dans la faille, profitant de l'ignorance réelle du contexte qui règne en France.
Le terrain a été soigneusement balisé par de Robien et Sarkozy, qui ont installé le principe de l'inégalité scolaire et de l'éducation discriminatoire, au nom du principe du… libre choix, sans provoquer de manifestations d'une Gauche anesthésiée ou grosso modo d'accord avec la démarche. Une circulaire ministérielle avait ainsi déjà mis le feu aux poudres dans les communes. Signée Sarkozy, elle tue la carte scolaire, et donne un sacré coup de pouce à l'enseignement privé.
En effet, jusque-là, seules les communes ayant une école privée sous contrat sur leur territoire étaient tenues par la loi de participer aux frais pédagogiques, en fonction du nombre d'élèves de leur seul territoire et au prorata des efforts consentis pour les écoles publiques. Bien évidemment, comme beaucoup de lois, cette vision purement urbaine supposait qu'une large majorité des enfants scolarisés dans l'établissement privé soient domiciliés sur la ville, et non pas à l'extérieur. Le lobby des parents et des gestionnaires du privé a vite réagi, et n'a eu aucune peine à solliciter un texte découlant de la loi de décentralisation d'août 2004.

CONTRIBUTION OBLIGATOIRE GENERALISEE 
Subrepticement, le gouvernement a donc institué une contribution obligatoire, pour toutes les collectivités ayant un élève inscrit dans une école privée sous contrat, quelle que soit la localisation de cette dernière. Une décision partisane, absolument dramatique pour des communes exsangues pouvant déjà difficilement faire face aux dépenses indispensables au financement de leur groupe scolaire. Elle a d'ailleurs provoqué un large lever de boucliers des Maires, toutes tendances politiques confondues, car ils y ont vu une attaque en règle de l'indépendance de la gestion communale et plus encore une charge financière supplémentaire considérable qu'ils auront du mal à assumer.
Le problème, c'est que sous le fallacieux prétexte de l'équité, cette circulaire vient d'instituer une injustice flagrante, destinée à hâter la privatisation du système éducatif. En effet, à aucun moment n'est présentée aux gens la réalité perverse de cette mesure, détruisant de fait déjà la? carte scolaire et reposant sur l'ignorance absolue des règles de fonctionnement, de cette Education qui n'a plus rien de Nationale. Les incantations à la nécessaire  » liberté de choix  » masquent une manipulation terrible, destinée à étrangler lentement l'école publique. Or, il faut parfaitement connaître la loi, et ne pas se laisser abuser par les apparences d’un faux débat.

UNE EDUCATION GRATUITE ET LAIQUE
Ainsi, dans l'enseignement primaire, l'inscription scolaire relève du pouvoir du maire. Il doit, d'après les textes, assurer l'accueil de tous les enfants domiciliés sur le territoire communal, dans une école laïque ou dans celle d'une commune voisine, pour laquelle il participerait, par convention, aux frais de fonctionnement. Aucun Maire ne peut s'opposer à cette démarche, qui permet de garantir que chacun recevra une éducation gratuite laïque. Cela, c’est le principe républicain. Aucune famille n'a donc, de fait, le libre choix de son école publique puisqu’elle lui est imposée par la loi de décentralisation. En effet, faute de cette démarche préalable auprès de la mairie, elle ne peut pas présenter son enfant à la directrice ou au directeur pour l'admission, seconde formalité administrative relative à l'enfant lui-même. Le Maire ne peut pas créer de classe supplémentaire, ne peut pas influer sur les moyens mis à sa disposition par l'Education nationale, ne peut pas restreindre les effectifs pour les écoles élémentaires.

La tromperie, c'est qu'à aucun moment, cette obligation légale n'est nécessaire pour inscrire sa progéniture dans une ? école privée. Sans rien demander en mairie, les parents se présentent directement auprès de l'établissement et n’ont l’obligation de solliciter l'accord de quiconque. Cette démarche est respectable, mais elle contraindra, à la fin, tous les contribuables à financer ce fameux libre choix des familles. Dans le cas de l’école publique, rien n'est possible sans accord de la Mairie, vérificatrice du bien-fondé de l'inscription alors que, dans l'autre cas, aucune obligation n'existe ! Où se trouve l'égalité républicaine ? Où réside le principe voulant que la puissance publique ne puisse honorer que les engagements qu'elle a elle-même souscrits ? Qui sont les brimés ? Les parents ne demandant rien à personne et imposant le financement de leur choix, ou bien ceux qui se plient aux obligations républicaines ? Comment admettre qu'une école privée puisse accueillir qui elle veut, quand elle le veut, et en étant désormais assurée de bénéficier de fonds publics, réguler ses effectifs à sa convenance, alors que l'école publique, de l'autre coté de la rue, ne peut refuser personne, doit assumer des effectifs imposés, et travailler dans des conditions lui échappant totalement?


LA DOUBLE DEROGATION
Le problème se complique quand, par exemple, une famille de La Sauve sollicite u
ne place dans une école publique de Créon. Il lui faudra une double dérogation : celle du maire de la commune de résidence, qui doit accepter de dédommager Créon des frais de scolarité engagés pour accueillir un enfant ne relevant pas de son territoire. Et ce n'est pas suffisant, il faudra ensuite que le Maire de Créon accorde une dérogation, pour que la directrice ou le directeur puisse admettre l'enfant dans son établissement.
En revanche, si la même famille de La Sauve se rend dans l'école privée de Créon, elle n'a besoin d'aucune dérogation, d’aucune autorisation, au nom de… la liberté. En revanche, la mairie de La Sauve, ni consultée, ni concernée, ni informée de ce choix devra, d'après la dernière circulaire, payer des frais pour cet enfant alors qu'elle a des places disponibles dans son école? C'est une grande première dans la gestion publique : un contribuable peut, par son seul bon vouloir, obliger sa commune à financer son choix!
On va pouvoir ainsi l'appliquer dans beaucoup de domaines, si le Conseil d'Etat, saisi de cette circulaire Sarkozy-De Robien, en confirme la légalité. Il pourra, par exemple, aller à la piscine de son choix et demander que le budget communal finance son entrée, ou aller jouer au football dans le club de son choix et exiger que la Mairie accorde une subvention. Quelle sera la décision d’une ville sollictée par une école islamique sous contrat? Une collectivité est-elle engagée par un choix individuel?
On s'oriente donc vers un financement intercommunal intégral  du système privé, et vers un appauvrissement communal du système public, sans que les citoyens parents et même les enseignants montrent de quelconques signes d'inquiétude. Et ils se laissent séduire par un abandon de la carte scolaire, qui les conduira à leur propre destruction. 

APPLICATION DE LA  » PARITE « 
Or, en pleine fronde des maires qui refusent de subventionner à parité le public et le privé, Paul Malartre, secrétaire général de l’Enseignement catholique, a réclamé vivement l'application de la « parité » dans le financement actuel par les communes des enfants scolarisés dans une école privée, sise sur leur territoire, mais sans que ceux-ci y habitent, comme cela a été rendu obligatoire par la loi de décentralisation . « Le financement des 600.000 élèves inscrits dans le privé sur leur commune de résidence n’est pas à la hauteur de celui des enfants du public, La moyenne du forfait communal versé pour un enfant scolarisé dans le privé sous contrat et résidant sur la commune est environ de 440 ? par an, avec de grandes disparités allant d’à peine 100 ? à 1.000″, a-t-il précisé.
Il a comparé avec « la moyenne nationale du financement par les mairies des enfants scolarisés à l’école publique . « On ne demande pas des cadeaux, on demande la parité ! », s’est exclamé le responsable de l’enseignement catholique, qui scolarise 19% des élèves.
De fait, les établissements privés peuvent compter sur l’oreille attentive du ministre de l’Education nationale, Gilles de Robien, qui a réitéré, cette année, sa visite à un collège privé d'Yvetot peu après la rentrée, malgré la polémique déjà créée par cette visite l’an passé. De passage dans cet établissement, le ministre a salué « la mission de service public » (sic) remplie par cet établissement. Malgré les apparences, tout le système UMP va faire monter la pression avant les présidentielles, puis surtout au moment des municipales, avec la complicité des rédacteurs de circulaires, pour patiemment mettre en vente le principe de l'école laïque et obligatoire dans l'indifférence générale. L'air du temps est en effet à la liberté de choix, et à la suppression de toute contrainte pour les familles. La République elle-même n'y résistera pas!
Mais je déblogue?

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