Des diplômes pain béni !

J’avais attiré l’attention du Premier Ministre sur les dangers que présentait l’accord signé le 28 décembre 2008 et publié au J.O du 19 avril 2009 entre le Gouvernement français et le Saint Siège sur la reconnaissance des diplômes. Il était certes nécessaire, pour appliquer la Convention de Lisbonne de 1997 et le processus de Bologne qui a suivi, et auquel ont adhéré 46 Etats, que ces derniers prennent certaines dispositions concernant la reconnaissance mutuelle des périodes d’études, des grades et des diplômes. Mais s’agissant des diplômes profanes, délivrés par les instituts catholiques en France, il y a un dispositif d’habilitation, qui a traditionnellement pour conséquence que les instituts catholiques bénéficient des accords conclus pour les universités publiques. D’un point de vue technique, l’accord signé n’apportera pas de solution satisfaisante aux difficultés des instituts catholiques, et ouvre la voie à une dérégulation complète et concurrentielle des rapports entre les instituts catholiques et les universités. Il implique une compétence reconnue au Saint Siège, là où s’exerçaient les compétences de l’Etat Français. Il y a là un danger de confusion, sinon de régression, entre autorité politique et autorité religieuse.  Il conduit, de fait, l’Etat Français à traiter les instituts catholiques français comme des établissements d’un Etat étranger. Il y a là un abandon de compétences et de prérogatives qui fait question, au bénéfice du « bureau du Saint Siège pour la reconnaissance académique qui se trouve près de la nonciature en France ». Mais qui s’en soucie ?

Devenus établissements d’un Etat étranger, les instituts catholiques seront soumis, pour la définition de leurs diplômes profanes à l’autorité du Saint Siège, qui se trouve être une autorité religieuse. S’il en est ainsi, ce sera une prise de contrôle directe du Vatican sur des diplômes profanes, dont  l’Etat français devra reconnaître l’équivalence. La compétence du  pouvoir politique se trouvera ainsi soumise à une autorité religieuse, et ceci dans le domaine des sciences profanes, même si les établissements publics d’enseignement supérieur restent libres d’autoriser ou non la poursuite d’études en leur sein sur la base de ces diplômes. Cette situation n’est pas sans rapport avec la question de la laïcité de l’Etat.

L’accord passé en décembre 2008 qui remet ainsi en cause, nous semble-t-il, le système actuel de validation par accord, entre un institut catholique et une université, ou par la reconnaissance d’un diplôme par une instance officielle, par exemple pour la délivrance du titre d’ingénieur, on ne comprend pas clairement pourquoi le gouvernement français préfère un accord avec le Saint Siège plutôt que la solution négociée qui avait été recherchée dans la période précédente.

Si la procédure prévue en 2002 était appliquée, les arguments en faveur du récent accord Kouchner-Mamberti tomberaient. Si, au contraire, on choisissait de s’en tenir à ce dernier texte, on laisserait apparaître que le vrai dessein de cet accord est une limitation de la souveraineté nationale, et par conséquent une entorse au principe de laïcité. Certains ne souhaiteraient-ils pas que le Saint Siège se fasse reconnaître comme un Etat de plein exercice, au service d’une autorité religieuse ?

Je ne résiste pas au plaisir de  vous livrer les principaux extraits de la réponse, à ce sujet, du Premier Ministre…  qui ne mettent pas un terme à mes inquiétudes :

« Vous avez souhaité attirer l’attention du Premier Ministre sur le décret du 16 avril 2009 (…) Monsieur Fillon tenait à dissiper les craintes que vous exprimez à cette occasion, en précisant la portée de ce texte, et en rappelant le cadre dans lequel il a été signé.

La conclusion de cet accord s’inscrit en effet dans le processus engagé depuis la signature de la déclaration de Bologne le 19 juin 1999, dont l’objectif principal est la construction d’une espace européen de l’enseignement supérieur d’ici à 2010, mettant en œuvre la convention signée à Lisbonne le 11 avril 1997.

L’accord du 18 décembre (sic je croyais que c’était le 28 entre Noël et le Premier de l’An) 2008 a pour objet, dans le cadre de cette convention, d’organiser la coopération administrative nécessaire à la reconnaissance des grades et des diplômes dans l’enseignement supérieur, comme il a été procédé avec d’autres Etats parties (NDLR : c’est donc bien la justification des remarques formulées ci-dessus : le Vatican est reconnu comme un Etat ayant tutelle sur l’enseignement catholique !). L’accord du 18 décembre 2008 n’a nullement pour objet d’autoriser les établissements habilités par le Saint Siège à délivrer des diplômes nationaux (NDLR : SI ! par le biais de l’équivalence de fait !)

La reconnaissance d’une équivalence entre deux grades ou deux diplômes n’implique en aucune manière la délivrance du diplôme d’une partie à la place du diplôme acquis dans l’enseignement supérieur de l’autre partie. Les diplômes délivrés par les établissements concernés ne seront jamais considérés comme des diplômes délivrés par l’Etat (NDLR : alors, pourquoi avoir changé le texte antérieur ?). La procédure de reconnaissance peut seulement conduire à reconnaître que leur valeur est équivalente à celle des diplômes français de même niveau. (NDLR : comprenne qui pourra ? Ils seront équivalents sans être équivalents tout en étant équivalents !).  Elle sera effectuée, dans tous les cas, par une instance française, à savoir le centre national de reconnaissance académique et de reconnaissance professionnelle, pour ce qui concerne la lisibilité des diplômes, et l’établissement d’enseignement supérieur dans lequel souhaite s’inscrire l’étudiant concerné par la poursuite des  études… » .

Une bien belle réponse, qui illustre la politique gouvernementale. Ou c’est une convention pour rien…, ou c’est encore un coup tordu qui dissimule mal une nouvelle attaque en règle contre la laïcité. Compte tenu de l’ambiguïté absolue de la réponse, je penche pour la seconde thèse. Mais j’ai certainement mauvais esprit !

Cet article a 2 commentaires

  1. PIETRI Annie

    Mais non, Jean Marie, tu n’as pas mauvais esprit….Mais tu es parfaitement lucide, et nous étions quelques-uns à avoir bien compris que ce texte de décembre 2008 constituait une atteinte grave au principe de la laîcité! Mais en cette période de fêtes de fin d’année 2008, bien peu de citoyens avaient eu leur attention attirée par la perversité de ce texte, glissé subrepticement en une période où tout le monde avait la tête ailleurs….C’est un procédé habituel utilisé par le Président et son gouvernement!

  2. JC

    JMD, il serait bon que ce texte soit publié et diffusé par les syndicats de l’enseignement laïque.
    Déjà il faudrait le trasmettre au secrétaire féderal afin que les commissions qui ont en étude ces sujets et qui ont des contacts avec les syndicats puissent engager des actions auprés de leur secteur enseignant.
    Encore une fois merci et pour ce qui me concerne malgré les vacances je vais faire connaitre ce texte à certains responsables.
    Surtout continue à nous abreuver de telles infos. A plus.

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