Encore une réforme de pure forme

Après la « patente », puis la taxe professionnelle (TP) créée par Jacques Chirac en 1975, il faudra bientôt parler de la cotisation économique territoriale (CET) et de ses deux composantes, la cotisation locale d’activité (CLA) et la cotisation complémentaire (CC). Selon le journal Le Monde daté d’ hier, ce seront les noms des impôts appelés à remplacer la TP à partir de 2010, que la direction de la législation fiscale de Bercy dévoile, dans un document envoyé en début de ­semaine au patronat et aux re­présentants des collectivités ter­ritoriales… En fait, rien n’est supprimé mais tout a simplement changé … de nom : une réforme de plus, qui ressemble à la montagne qui a accouché d’une souris.

090209072022Révélé hier, ce document d’une soixantaine de pages correspond en fait à la rédaction technique de la réforme, telle qu’elle a été présentée le 8 juillet par la ministre de l’Economie, Christine Lagarde, et telle qu’elle est supposée s’insérer dans le Code général des impôts, à l’issue de son adoption par le Parlement dans la loi de Finances, au mois de décembre. Nicolas Sarkozy était supposé opérer d’ultimes arbitrages sur les assiettes (c’est le plus important) et les taux de la CET, avant de partir en vacances. Mais il n’en a pas eu le temps, en raison de son malaise et de son hospitalisation, les 26 et 27 juillet. La direction de la législation fiscale a donc pris toutes les précautions nécessaires dans le texte, tout en faisant en sorte que celui-ci puisse être soumis au Conseil d’Etat dans une version déjà bien avancée. Le problème, c’est que les enjeux réels ne sont pas, on s’en doute bien, dans le texte. Quelles garanties sont accordées aux collectivités locales sur  la pérennité de leurs ressources de 2007 (avant les exonérations largement accordées)?

Le temps presse car, à la rentrée, il ne restera qu’à peine un mois à l’institution du Palais-Royal pour donner son feu vert, le projet de loi de Finances étant présenté en Conseil des ministres le dernier mercredi du mois de septembre. La réforme va donc être expédiée, et en 2010 les budgets vont se faire au « pif » ! Sur le fond, encore un pur effet d’annonce destiné en temps T à satisfaire un électorat avide de mesures dérégulatrices des principes républicains de solidarité. Rien de nouveau pour les artisans, les commerçants, les professions libérales et les entreprises. La nouvelle CLA correspondra à la taxe foncière dont les entreprises seront redevables, les établissements industriels bénéficiant d’une minoration de 15 % en raison de leurs superficies importantes. Les autres paieront la même somme ! La CC correspondra, quant à elle, à l’actuelle cotisation minimale de la taxe professionnelle. ­Assise sur la valeur ajoutée, elle s’imposera à partir de 500.000 euros de chiffre d’affaires, contre 7,6 millions d’euros actuellement. Mais elle sera progressive, pour atteindre un taux de 0,5 % pour 3 millions d’euros de chiffre d’affaires et 1,5 % (son taux ­actuel) à partir de 50 millions d’euros seulement. Il faudra expliquer aux plus modestes des redevables en quoi cette réforme, annoncée à grand renfort médiatique, va modifier le prix de vente des leurs produits ou de leurs prestations aux clients. Car personne n’oublie de signaler que la TP,  étant à ce jour incluse dans les frais généraux, est répercutée sur le prix des produits et donc, de fait, sur le consommateur. On a vu, dans ce domaine, l’impact réel de la baisse de la TVA sur les restaurants… Largement moins de 50 % des professionnels ont baissé leur menu ou leur carte, même si le gouvernement tente de médiatiser l’idée que 10 centimes d’euros en moins sur un café pris au comptoir du bistrot constitue une amélioration du pouvoir d’achat. Quelle naïveté que celle qui consiste à croire que tout le monde paye son expresso par chèque, et qu’ils sont donc tous déclarés aux impôts… On estime que dans les bars où il n’y a pas de caisse enregistreuse, c’est un café sur… dix qui était soumis à la TVA !

Pour la TP et les nouvelles CTE et CC, on ira vers le même effet : augmenter les marges des profits des entreprises, et étrangler les collectivités locales qui, souvent, les ont subventionnées pour qu’elle s’installent et apportent des emplois! Encore une fois il y a, derrière les apparences, des inquiétudes fortes sur l’avenir, et ce n’est pas le galimatias de Bercy, qui a ramé pour trouver des rustines au trou creusé par la décision du Président de la République, qui va rassurer les élus locaux ! Les ménages contribuables doivent savoir que, dans le fond, ce sont eux qui finiront, tôt ou tard, par régler l’addition des cadeaux !

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