Cherchez qui va payer…

L’Etat est de plus en plus sourcilleux sur la gestion par les élus des collectivités territoriales : multiplication des contraintes, répétition de rapports, normes en augmentation permanente, vérifications pointilleuses et… parallèlement transfert des charges, réduction des recettes, aides diminuées. Certes, à chaque fois que l’on aborde ces points concrets, le Préfet (ou son représentant) lève les yeux au ciel, en expliquant que le gouvernement ne tente pas de se délester sur les communes et les départements de tous les services dont il ne peut plus assurer le fonctionnement. Et pourtant, les transferts se multiplient, et la faillite menace un Etat qui a annoncé des aides astronomiques sans avoir la moindre possibilité financière de les assumer. Il suffit de prendre un exemple, parmi des dizaines, pour illustrer cette tendance à berner l’opinion publique en lui laissant accroire que demain… grâce aux réformes présidentielles, plus personne ne participera à l’effort de solidarité financière nationale que nécessite la vie républicaine.

Tenez, prenons l’exemple des passeports biométriques… Une création destinée à répondre aux exigences des Etats Unis d’Amérique, obsédés par le terrorisme. La chasse aux fonctionnaires, destinée à démontrer que l’Etat serait exemplaire en diminuant ses frais de fonctionnement, l’a de fait conduit à se débarrasser de la mise en œuvre de l’instruction de ce document. Jusque là, n’importe quelle mairie pouvait répondre à une demande de ses administrés… en lui confiant un dossier papier à remplir, avant de le transférer vers la Préfecture (pour Créon), pour établissement de son passeport européen dans des délais à peu près raisonnables!Passeport

L’ Etat avait les employés nécessaires pour faire face à la délivrance de ces documents, témoins de la Nationalité Française. Ils ne seront pas remplacés lors de leur départ à la retraite, ou par recrutement, pour la bonne et simple raison que ce sont quelques communes qui ont récolté la charge de toute la phase administrative, extrêmement complexe puisque désormais totalement informatisée (passage au scanner des documents, prise des photographies, récupération de huit empreintes, vérification des pièces fournies…).

Là où l’Etat avait annoncé une dizaine de minutes par dossier, la réalité demande au personnel de la Mairie, pourtant très efficace, une bonne vingtaine de minutes… quand tout va bien techniquement. Une photo d’enfant de 2 ou 3 ans peut, par exemple, nécessiter des heures de patience avant  d’être parfaite!

Au cours du seul mois de juillet, la station de Créon a ainsi accueilli 137 personnes qui avaient parfois été éjectées d’autres lieux saturés ou moins accueillants, ou qui avaient fait plus de 30 kilomètres pour trouver un hôtel de ville ouvert à des heures lui permettant de s’y rendre. Plus question à Créon de n’avoir qnm-photo-249694u’une seule personne pour assurer l’accueil quotidien des administrés locaux… et, de fait, si l’Etat a réduit ses effectifs, il a simplement obligé les communes qui lui ont fait confiance à compenser ses carences ! Coût de l’opération : locaux, ligne téléphonique, temps passé… environ 35 000 euros par an, payés par les seuls contribuables créonnais, avec à la clé une aide de 2500 euros pour le local et – peut-être – 5000 euros de dédommagement pour le fonctionnement.

Un article du journal « Le Monde » dresse un constat encore plus dramatique sur le système, qui aggrave les délais, complique les démarches et rend l’obtention du fameux passeport biométrique beaucoup plus problématique. Le pire, c’est que ce document pose le problème des libertés, comme l’avait souligné un avis de la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL). Avis défavorable… pour rien. Dans sa note, publiée au Journal Officiel cinq mois après avoir été discutée, la CNIL avait estimé que « des risques d’atteintes graves à la vie privée et aux libertés individuelles » existaient dans le texte instituant la création du passeport biométrique à la française. En cause, le fichier d’empreintes digitales prévu dans le dispositif. Devant l’enjeu, la commission chargée de protéger les citoyens contre les atteintes à la vie privée expliquait même qu’un tel sujet se devrait au moins d’être débattu devant le parlement… Le gouvernement était passé outre l’ensemble des avis, tant sur le fond que sur la forme, en choisissant la voie du décret pour imposer son plan. Cette disposition ressemble étrangement aux positions prises sur la réforme des collectivités ! Ce nouveau camouflet fragilisait encore plus la CNIL, une institution devenue inaudible…

Le pire, c’est que ce sont les Créonnaises et les Créonnais qui règlent l’addition de ce dispositif critiqué par une instance un tantinet indépendante des réformes gouvernementales. A méditer pour l’avenir puisque, qu’on le veuille ou non, la décentralisation agonise !

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