Le lien social par l'apéro

SDC11682 [1024x768]Juchée sur une chaise dans la petite salle des fêtes de Croignon, Suzette Grel a affirmé devant une assistance intergénérationnelle  « qu’elle ne savait faire du lien social qu’un verre à la main, lors d’un apéro ». Des propos à consommer sans modération, car ils correspondent à une réalité de plus en plus méprisée, puisque manquant de véritable profondeur philosophique. Et pourtant, c’est bel et bien au cours de rencontres de ce type que se construit la véritable solidarité, celle qui naît du partage. A 70 printemps (je sais qu’elle ne se vexera pas, car elle assume pleinement cette longévité), la Présidente du tout nouveau centre socioculturel du Créonnais, soutenu par la Caisse d’allocations familiales, le Conseil général, la Communauté de Communes du créonnais et la commune de Créon, se lance un nouveau défi : faire vivre la solidarité active sous toutes ses formes dans une société en voie d’individualisation rampante. Il faut en effet avouer qu’après avoir participé à « l’old régime » de la communauté de Communes, qui a construit et fait vivre sous son impulsion 4 maisons intercommunales de l’enfance, créé le centre intercommunal d’action sociale, dynamisé les contrats avec la CAF, elle aurait bien pu, comme tant d’autres, cultiver l’art d’être grand mère. Elle n’a pas pu résister à cette maladie qui frappe celles et ceux qui sont passés par le séminaire laïque des écoles normales : servir les autres, croire dans un avenir meilleur pour les autres, ne jamais penser que l’on n’a pas besoin des autres pour exister, ne jamais penser qu’aux autres. Je sais pertinemment que c’est révolu, en une période où le mérite ne reconnaît  de vertus qu’ à l’argent…

Comment ne pas être démoralisé quand l’école de la République va rétribuer des élèves pour qu’ils fassent acte de présence dans un lycée ? Comment croire que demain, on trouvera parmi ces « rétribués du savoir », des… bénévoles dévoués à l’intérêt collectif ? Comment ne pas comprendre que le gouvernement puisse jouer contre les élus locaux, trop payés, trop nombreux, trop gaspilleurs, quand on constate que pour user le fond de son jean sur une chaise de lycée, sans aucun objectif méritoire autre que celui de consentir à être présent, on mérite une prime du « travailler normalement pour gagner plus! »? La « marchandisation » outrancière de la société va finir par ranger le bénévolat gestionnaire au rayon des principes en voie de disparition.

SDC11686_[1024x768]En fait Suzette, grimpée sur sa chaise, ressemblait à ces prédicateurs qui en appellent aux bons sentiments, à la raison, à la réflexion dans le parc londonien de Hyde Park. A proximité de Marble Arch, on peut s’y exprimer sur tout et n’importe quoi, devant un parterre de personnes venues écouter simplement ce que vous avez à dire. Suzette avait des mots à lâcher : « solidarité », « partage », « espoir », « rencontre » « projets » car elle ne veut toujours pas croire que le silence de l’indifférence puisse d’être d’or ! Peu de gens qui comptent à ses cotés, peu de donneurs de leçons, peu de soucieux de ne pas faire de politique, peu de personnes à l’égo surdimensionné, mais des femmes et des hommes modestes, convaincus que demain ne se construira qu’avec du bénévolat, modeste, de l’action concrète, de la lucidité sociale, et une volonté partagée de faire vivre un idéal. « Je suis frappée, dit-elle du haut de sa chaise, qu’une information devenue une vérité puisse faire le tour du monde en une poignée de secondes, alors que sur un territoire de moins de dix kilomètres de rayon nous ne parvenons pas à être connus et reconnus ». Une pointe de déception. Un sourire un peu triste. Une fatalité détruite par un optimisme mesuré.

Le bénévolat a seulement besoin d’un verre de bourrut, d’un godet de vin rouge, d’un pot de pâté, d’un bout de fromage des Pyrénées, suintant sa bonne humeur, pour se régénérer. Dans la « Cabane à projets (1) » du Créonnais, il y a une place pour quiconque, autour du feu de la solidarité agissante, celui que Brassens aimait chez son « Auvergnat », lui qui accueillait les autres au lieu de les réexpédier d’où ils venaient. « Elle est à toi, Suzette, cette chanson, toi notre Poutaise qui sans façon, nous as donné quatre bouts de bois, quand dans nos vies il faisait froid, quand les croquantes et les croquants, tous les gens bien intentionnés, nous avaient fermé la porte au nez… A Croignon, ce n’était rien qu’un apéro, mais il nous a rendus égaux et dans notre créonnais, il brûle encore à la manière d’un feu de joie… » Et surtout, ne t’en fais pas, il y aura encore des printemps pour celles et ceux qui ne mangent pas que des ratios!  Les autres appartiennent encore à l’ancien temps, car l’avenir appartient aux Auvergnats qui se rassemblent!

(1) Contact 32 rue  Amaury de Craon 33670-CREON 05 57 34 42 55  lacabaneaprojets@gmail.com

Cet article a 7 commentaires

  1. danye

    J’apprécie , j’aime , je partage , j’approuve .. Il existera toujours des personnes comme Suzette, les mêmes désirs, la même attente. Les 4 points cardinaux renferment des hommes et des femmes avec le mot « bénévolat » soudé au corps. Je me sens à l’aise dans cette grande famille . Merci Jean Marie pour ces lignes gratifiantes.

  2. J.Samenayre

    Suzette est une grande dame pleine d’humanité et de bon sens. Bien des élus devraient s’inspirer de sa manière de travailler et d’appréhender les situations et les dossiers. Elle sait mettre l’être humain en valeur et dynamiser une équipe. Je suis fier de travailler à ses côtés à La cabanne à Projets. Merci pour tout Suzette.

  3. Annie PIETRI

    Et je me joindrai volontiers à cette équipe si je peux y être utile…

  4. Agnès wettererwald

    Bel homage bien mérité!

  5. promo 119

    La 11″cyt » de la promo 119 (56-60)dont la devise était « ce que d’autres ont fait, je peux toujours le faire » te remercie de tes propos concernant le lien social par l’apéro.

  6. Pierre GACHET

    Suzettz sait faire vivre ces moments de rapprochement vrai, qui soudent des personnes entre elles et pas seulement à des écrans. Les salariés ne sont pas en reste.

    Ce centre socioculturel est un atout majeur du secteur. Ce n’est pas une « danseuse » qui coûterait et ne rapporterait rien. Il est et sera, mine de rien, un des piliers locaux du lien social réel, de la rencontre entre générations, en raison de son caractère généraliste, de la qualité de son accueil et de ses actions.

    Le besoin d’action collective existe; il faut l’aider à émerger. Il est tout sauf virtuel. Il faut que chacun, citoyen, élu local municipal ou communautaire, institutions, en soit convaincu.

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