En direct des conseils généraux dans tous leurs états

Me voici arrivé au palais des Congrès de Paris où se tient l’Assemblée des Départements de France, afin d’effectuer un point sur la réforme des collectivités territoriales, dont il semble de plus en plus que la seule victime sera l’usager-contribuable-citoyen. La disparition programmée des départements par rétrécissement de leurs compétences et surtout par asphyxie financière a mobilisé des troupes de toutes couleurs puisque, dans la file des élus prenant leur badge d’entrée, j’ai trouvé mon collègue Xavier Loriaud de Gironde Avenir… et que l’intervention de la Présidente du Groupe des élus de droite, membre du Comité directeur de l’ADF, est annoncée. Un pied de nez aux émules de la Marquise de Sévigné qui emplissent les cases vides des journaux par des aphorismes euphoriques. Philippe Madrelle conduit une forte délégation girondine, avec la quasi-totalité de l’exécutif départemental. Il s’installe toujours aussi discrètement au cœur d’un espace affichant complet !

La France des élus de la décentralisation est au minimum inquiète sur son avenir, face à ce qui apparaît, vu l’entêtement présidentiel, comme un véritable coup d’Etat institutionnel destiné à fracasser toute résistance démocratique. Le bourdonnement des conciliabules ressemble aux prémices lointaines d’un orage attendu, mais craint pour ses conséquences prévisibles sur l’avenir. Lentement, la salle aux fauteuils…rouges s’emplit par vagues successives, sous les flashes de photographes, avides de fixer pour la postérité le plus grand rassemblement de conseillers généraux de l’histoire. La grogne est forte. L’avertissement puissant. La mise en garde solennelle. Elle risque pourtant de ne pas être entendue.

Les premiers témoignages tournent autour du mot clé de la démocratie : la proximité ! « Maire et conseiller général c’est environ 15 heures par jour, samedi et dimanche compris »  explique un élu du Rhône. «  Chacun est respecté, quelle que soit son option politique. Nous avons le devoir d’aider tous les territoires, et pas les hommes ou les femmes qui portent ces territoires » ajoute une toute jeune élue. « On vivait sur des fonctionnements de guichets. Je crois bien que c’est fini, car la crise nous obligera à nous recentrer » termine un autre. Le débat est lancé.

Claudy Lebreton arrive avec la voix cassée, non pas par l’émotion, mais par une extinction de voix. « Notre parole doit être entendue car elle est juste, forte, unanime… Le sens de l’Histoire partout dans le monde c’est la décentralisation : 63 % des Français reconnaissent que les collectivités territoriales sont plus efficaces que l’Etat pour mettre en place les services dont ils ont besoin. 54 % des Français estiment donc que cette réforme est strictement électoraliste. Je suis opposé au projet gouvernemental car le dispositif porte en lui, comme l’a annoncé Edouard Balladur, l’évaporation des communes et des départements. Je suis résolument hostile à l’élection du conseiller territorial, car elle va à l’encontre de la parité, de la proximité, de l’efficacité, de l’équité. » L’engagement est viril, correct, respectueux mais sans nuances, face à ce qui transcende les courants politiques, pour devenir une bataille pour les libertés locales. « Il s’agit d’une remise en cause du pacte social républicain »

« La suppression de la TP est faite pour certaines entreprises et pas pour les collectivités. Elle conduira les citoyens à financer les cadeaux fiscaux aux entreprises. Autonomie, péréquation, compensation : ce sont les trois conditions que nous mettons à tout projet de suppression de la TP. Il n’y a pas de fatalité pour un élu local. Ne restons pas enfermés dans nos certitudes mais défendons notre idéal, une France de la liberté, de l’égalité et de la fraternité » Le tonnerre des applaudissements confirme que l’orage est bel et bien là.

L’inévitable sondage IPSOS arrive sur scène, et il n’est pas passé par l’Elysée. 82 % des Françaises et des Français sont attachés à leur département et 72 % jugent le Conseil Général comme une collectivité utile. 69 % sont plutôt satisfaits de la gestion de leur département (75 % pour les collèges, 72 % pour les routes et les transports scolaires…). 83 % veulent absolument conserver les départements, sans écart entre la droite et la gauche, 73 % sont donc opposés au transfert des compétences actuelles du Conseil général vers d’autres collectivités. La réforme est donc rejetée par 75 % des sondés dont 54 %  la considèrent…comme strictement électoraliste ! Le verdict est incontestable : les Françaises et les Français sont donc foncièrement attachés à cet échelon territorial. « Savoir dire non ! Savoir dire pas maintenant ! Savoir prendre le recul nécessaire ! C’est prendre ses responsabilités », explique Bruno Sido leader de la droite au sein de l’ADF, qui devrait donner son discours pour publication sur certains blogs de son camp…

« Le niveau d’endettement du pays est préoccupant ! » explique-t-il, sous quelques quolibets. « Nous avons eu raison de nous engager dans la limitation de nos dépenses de fonctionnement, et nos collectivités sont majoritairement bien gérées… » ajoute-t-il, accompagné par des réactions amusées, puis hostiles, lorsqu’il évoque les bienfaits de la réforme de la TP, et surtout quand il affirme que le « gouvernement a garanti le maintien en 2010 des ressources de la TP… mais il attend encore une véritable péréquation et une meilleure compensation en faveur de l’APA, de la PCH, du RSA… »

Un exercice courageux. « Nous sommes favorables à la mise en place des conseillers territoriaux qui ont vocation à devenir des acteurs de proximité et de stratégie » a-t-il déclamé dans la tourmente des sifflets, des quolibets et des sarcasmes. Il fallut l’intervention du président pour calmer une salle pour le moins agacée. A croire que son discours était venu directement de Matignon, de l’Elysée…Je ne connaissais pas Bruno Sido mais ce gars là est véritablement un bon soldat ! En tous cas, il était extrêmement maladroit en indiquant tout de go « que les amendements sur la TP qu’il comptait déposer au Sénat avaient été discutés… avec le gouvernement qui les accepterait. »

Une défense et illustration de la supercherie. Le groupe du centre, de la Droite et des indépendants de l’ADF levait le voile sur la réalité : c’est bel et bien un coup d’Etat institutionnel qui se trame !

Cet article a 3 commentaires

  1. annick bourbon

    Bon courage ! Car il en faut pour s’adresser à un mur persuadé d’avoir raison, mais heureusement certains tombent…

  2. Annie PIETRI

    Merci pour ce « reportage en direct » de l’Assemblée des conseillers généraux de France » ! A la lecture, on se serait cru dans la salle, au milieu de vous tous. Tout y est, l’ambiance, la tension palpable, l’inquiétude des uns, l’inconscience de certains, et même « la voix de son maître » qui ne pouvait pas manquer d’être là aussi pour faire entendre la parole officielle. Mais aussi les bruissements, les grognements et les cris de tous ceux qui veulent se battre.
    Tout cela, tu nous l’as fait vivre « comme si nous y étions », au moment même de l’événement. Et je n’ai pu m’empêcher de penser que l’on reconnaissait bien là le brillant reporter sportif décrivant, dans l’instant, les péripéties d’un match de foot.
    Mais l’enjeu est autrement important pour notre avenir et pour celui de la démocratie. Et c’est un immense privilège pour tes lecteurs d’avoir « assisté » au plus près à l’évènement.

  3. Suzette GREL

    Je l’entends trés bien, cette offensive contre un projet inacceptable, ce grondement sourd ou violent contre des propos sentant les accords prémédités et je crois à la prise en compte de ce que les sondages ont mis en évidence.
    Courage et ne lachez rien de ce qui porte préjudice aux citoyens!

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