La peur, véritablement mauvaise conseillère.

Il existe une méthode de gouvernance qui est en plein développement, bien qu’elle ait été utilisée trop souvent au cours de l’Histoire. Elle utilise un réflexe ancestral, qui a toujours constitué la base des pouvoirs : la peur ! Il s’agit de plonger une société dans les affres d’une inquiétude liée à tous les aspects de sa vie quotidienne. En gommant les certitudes raisonnables, on institue l’irrationalité destructrice, mais on ouvre quotidiennement un créneau extrêmement porteur pour les idées les plus réactionnaires. La France vit depuis plusieurs années dans la peur de lendemains qui déchantent, sans que ceux-ci soient véritablement identifiés. La grande manipulation réside dans l’entretien de cette flamme intérieure qui ronge les consciences par des statistiques authentiques ou manipulées ou par, au minimum, l’instillation du doute. La recette fonctionne à merveille.

D’abord il y a des causes conjoncturelles, qui mettent la peur au coeur des pensées des gens, ou qui renforcent celles qui y sont déjà. Par exemple, l’insécurité réelle qui règne dans certaines « zones » du pays : en les médiatisant, on instille l’idée qu’elles menacent tout le monde. On a bien vu que récemment, en Suisse, les plus petits villages perdus dans les belles montagnes des vaches-violettes-qui-font-du-chocolat refusaient à une large majorité la construction de minarets dans des sites inconnus. Au cas où… les envahisseurs arriveraient jusqu’à eux ! Il en fut de même chez nous pour le vote Le Pen, en 2002, où les chaumières ont davantage voté pour le FN que les HLM de banlieues. La peur… avait bourré les urnes, car le vainqueur avait retenu la leçon. Peur de l’autre, peur de la contagion, peur d’une improbable violence, estampillée télévision. Il suffit d’alimenter le brasier, pour qu’il brûle tout ce qui peut constituer une résistance lucide.

On est reparti pour la cavalcade des faits divers révoltants, l’énumération ville par ville des voitures incendiées dans la nuit de la Saint Sylvestre, les reportages calamiteux sur les banlieues, avec mouton à égorger dans le coffre de la « Peugeot », la mise en évidence des risques multiples, inhérents à la vie collective. Chaque séquence va constituer un investissement dans l’avenir électoral. La délinquance, non maîtrisée depuis des années, va opportunément croître. Les risques d’attentat nécessiteront un plan « vigipirate » de niveau rouge vif. Nul n’échappera, en cette période où l’on ne rêve que de bonheur familial et de paix collective, à la pression de phénomènes qui n’ont jamais cessé d’exister durant les décennies antérieures, mais que l’on savait maîtriser sans ostentation.

Il existe encore les peurs structurelles, incontournables, qui naissent du chômage et du pouvoir d’achat. Nul n’est désormais à l’abri d’un licenciement, car même dans la fonction publique, les suppressions de postes finissent tôt ou tard par mettre chacun dans la précarité. Là est justement le mal : la précarité.

Contrats de travail incertains, absence de lisibilité à court, à moyen ou pire à long terme des carrières, sacrifices sur le train de vie : ce qui paraissait réservé aux autres devient possible pour soi ! Cette crainte devient angoisse, car il y a les fins du mois, les crédits, et les apparences  (Ah ! les apparences !) à sauver. Les images de ces usines, fabriques ou bureaux, qui ferment massivement, commencent à peser sur le quotidien des plus « solides ». Certes le poids est plus ou moins étouffant, mais il est surtout insidieux, pervers, et se répand en profitant du silence.

Les élus locaux viennent à leur tour de plonger dans cette marmite du doute. Ils ne savent plus de quoi demain sera fait. Contrôles en tous genres (Cour des comptes, autorités de tutelle, services de l’Etat…), pression des usagers ne voulant ou ne pouvant plus payer, demandes de soutien en tous genres (emplois, logements sociaux, nourriture, place dans les établissements pour personnes âgées dépendantes…), méfiance permanente venue d’affirmations généralistes  dramatiques sur leur gestion, leur train de vie, leurs indemnités, renforcent leur angoisse. Impossible de dialoguer ou d’argumenter car on est entré dans l’irrationnel intégral et ils doivent être livrés en pâture à l’opinion. Hier, un maire fraîchement élu dans une très modeste commune du Créonnais est venu discuter quelques minutes avec moi : « tu ne peux pas savoir combien je regrette de m’être engagé » m’a-t-il dit « Et si tu savais combien, après 18 mois, j’ai envie de tout laisser tomber. Ma femme  me le redit tous les soirs. J’ignore si je tiendrai la distance, mais je ne le crois pas ! ». Un résumé de ce sentiment qui s’étale dans toutes les couches de la société, une sorte de pandémie bien, très bien entretenue, par l’arrivée « bénie » de la Grippe H1N1, présentée comme une « guerre » avec « mobilisation », « situation de crise », « combat », bulletin quotidien des « atteints » et des « morts », des nouvelles du « front » et ses multiples « Clemenceau » qui défilent dans les tranchées de la vaccination… où l’on pratique la médecine d’urgence !

Jamais le climat n’a été aussi propice pour confiner les « consommateurs d’angoisse préfabriquée » devant ces écrans en tous genres qui leur filent le trouillomètre social à zéro et les font renoncer à toute résistance pyschologique ! On verra à qui profite cette poussée de fièvre !

Cet article a 5 commentaires

  1. daniel PALACIN

    Bonsoir,
    Pour certains être humain,la difficulté,le challenge,le deal,la tâche qui paraît être impossible à réaliser, devient tout à coup l’élément moteur qui va brusquement telle la caféine,demander au cerveau de rester positif, enthousiaste, persévèrent, créatif, actif dans la recherche de solution, avec un sentiment de bonheur inégalé, quand enfin la chaleurs dégagées par vos neurones illuminent vos yeux en voyant l’horizon s’éclaircir par une résolution effective qui va gommer vos peurs initiales.
    Oh!tout cela est de courte durée, une solution, n’empêche pas un nouveau problème encore plus gros, plus encombrant, si bien que l’on préfèrerait ne plus l’avoir sous les yeux, l’oublier, le faire disparaître, que l’on nous laisse tranquille…que l’on nous oublie.
    Entre parenthèse les « Routiers » ont décidés de ne pas nous oublier pour Noël.
    Cette après midi j’étais avec des jeunes mineurs, »AU PAIN D’EMMELINE », boulangerie pâtisserie qui fait toutes sortes de pains de campagne au levain naturel au Bouscat, pour leur donner un coup de main pour leur COM par rapport à une petite fête qu’ils vont organiser.
    Ils ont créé un Groupe sur Face book dont le slogan est le suivant:
    -« Si toi aussi tu vas squatter le pain d’EMMELINE après les cours » : rejoins ce groupe.
    C’est un rayon de soleil, qui brille dans leurs yeux encore un peu innocents certes, mais tellement plein d’idées, leur soirée Karaoké, étant prévue avec énormément de mineurs, ils ont préciser sur l’affiche de venir de préférence accompagné d’une personne majeure.
    Rien ne leur pose un problème, et quand j’ai donné les invitations que j’avais imprimées à la jeune fille responsable de l’organisation, instinctivement elle est venue me faire la bise, avec une reconnaissance très sincère.
    Tout cela pour dire que le sentiment de peur pendant ce petit moment d’exaltation il n’y en avait pas.
    Pourtant, les miennes « peurs » m’ont reprises en les quittant.
    La peur sociale ce doit être une maladie qui ne se déclare qu’à partir d’un certain age, non?
    Amicalement.

  2. E.M.

    L’engagement syndical souffre également de cette… peur ! Enfin, il ne s’agit pas que de peur, car ce pouvoir tente concrètement de décourager ceux qui s’engagent aux service des citoyens… Il ne fait pas bon d’être délégué syndical en ce moment… Oui, je sais, cela n’a jamais été très « bon », mais aujourd’hui c’est pire que hier…

  3. Suzette GREL

    Tu ne peux pas savoir combien cette peur sociale envahit les petits responsables d’associations animées par des professionnels qui ont foi en leur mission !Les jours pairs je joue l’autruche et les jours impairs je rugis devant tant de menaces.Cette peur sociale devrait nous réunir pour protéger nos jeunes dans le chemin qui les guide.

  4. DUHEM Bernadette

    Je me souviens de ce que me disait ma mère lorsque j’étais enfant: « la peur n’évite pas le danger ». Elle m’a appris à travers ces mots simples à prendre la distance nécessaire pour affronter au mieux, en gardant le plus possible son sang-froid, les situations difficiles.
    Ceux qui alimentent ce sentiment de peur dans notre société actuelle sont à mon sens de bien piètres sujets car ils ne parviennent à exister qu’à travers ça!
    A tel point que maniant constamment cet artifice ils finissent, sans doute à leur dépens, à s’en imprégner eux mêmes et ne plus laisser émaner de leur personne que cela.
    Leur image en est empreinte et il n’émane d’eux que leur propre peur de n’être pas adulé ou sublimé.
    En fait ce sont eux qui font peur et qui représentent le danger puisque brandissant haut et fort la peur ils sont incapables de trouver des solutions aux maux.
    La peur n’a jamais fédéré. C’est sans doute le but recherché?

  5. alain.e

    La peur ça dépend de ce que l’ on en fait,
    les enfants et ados adorent se faire peur.
    On prend aussi confiance en soi en surmontant ses peurs (peur du vide ,de l’ eau, etc)
    Mais la grande peur des francais, c’ est bien sur la peur du chomage, du déclassement social, la peur de ne pouvoir assurer un avenir à ses enfants,et la peur que le monde politique soit impuissant à résoudre ces problèmes.
    on ne peut pas avoir la peur et l’ argent de la peur,dommage !!!!!!

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