Vous prendrez bien une pression…

La pression… connaissez-vous ce qu’est la pression autrement que par la douce bière avec col blanc  ? Il paraît que certains appellent ça le stress, ce mal du siècle qui ferait des ravages dans une société soumise au lavage de cerveau par la peur. J’avoue que j’ai découvert l’impact de cette « pression », quotidiennement, depuis que je suis entré dans le monde des responsabilités. Certes avec l’âge, il me faudrait absolument « prendre du recul » avec les décisions à assumer, comme me le ressasse mon médecin, confident, et ami.

Le seul problème, c’est qu’il ne m’a jamais encore dit comment on pouvait prendre du recul quand on est en permanence sous le rouleau compresseur des exigences des autres… Débrancher le téléphone mobile ou l’oublier à la maison ? Refuser de sortir de chez soi ? Aller pisser chaque fois que dans une assemblée il y a un vote crucial ? Assister muet à toutes les affirmations reposant sur des approximations ou des jugements péremptoires ? Refuser de jouer la carte de la solidarité ? Ne rien faire pour espérer échapper aux critiques, aux vérifications, aux mises en cause ? S‘absenter quand le temps se couvre ? Ne jamais tendre la main aux autres ou ouvrir sa porte ? Se boucher les oreilles pour ne pas entendre la détresse? Changer de trottoir quand vous savez qu’un ami va vous solliciter? Eviter soigneusement les conflits, en restant muet même si on n’est pas d’accord ? Mettre ses convictions en berne lorsqu’il est dangereux de les exprimer ? Suivre en bêlant l’opinion dominante ? Préférer les consignes à la conscience ? Laisser filer quand il est impossible de résister? S’incliner devant tous les abus de pouvoir? Attendre d’être jugé et banni?  Sûrement qu’un peu de tout ceci permet de se mettre à l’abri de la pression.

Elle devient pourtant de plus en plus prégnante et, plutôt que de tenter de l’éviter, vous essayez vainement de la fuir. Impossible. Une sorte de rocher de Sisyphe que vous montez dès le réveil (quand la nuit vous a offert le bonheur de l’éviter !) sur la colline de votre emploi du temps, et qui redescend après chaque rendez-vous, pour vous obliger à reprendre le chemin de l’effort sur soi. Des heures et des heures de votre vie, passées à douter et à envisager le pire, qui finit toujours par arriver… La pression vous envahit et elle finit d’une manière ou d’une autre par vous angoisser. Heureux sont celles et ceux qui ne doutent jamais. Heureux les détenteurs de la vérité innée, qui leur permet de ne jamais se retrouver dans l’œil du cyclone. Heureux les gens qui se sentent à l’abri de devoir rendre des comptes sur leur action. Heureux celles et ceux qui nagent dans le bonheur de l’insouciance absolue. Ce sont eux qui savent prendre du recul… avec leurs responsabilités. Heureux celles et ceux qui ne connaissent pas le doute.

La souffrance de l’abandon de son identité (surtout pas nationale), pour finir par n’être perçu que par ses « fonctions », devient souvent intolérable. Elle gomme la famille, qui ne supporte plus l’absence. Elle éloigne des amis qui pensent que vous avez changé. Elle vous envahit au moment même où vous souhaiteriez, dans un événement, faire le vide. La pression vous glace l’esprit ou vous donne des bouffées de chaleur. Elle ne vous lâche pas, car elle vampirise votre quotidien. Elle est inexplicable pour les autres, qui pensent qu’ils sont, eux, les seuls au monde, que vous leur devez votre présence, votre attention, votre temps, vos pensées, votre vie ! Savez-vous combien les gens qui se disent citoyens oublient réellement l’investissement que représente un engagement sincère à leur service ? Or, toutes les erreurs se payent cash ! Toutes les absences prennent des allures de drames. Toutes les audaces sont sanctionnées. Toutes les absences constituent des trahisons.

La société impose la pression aux autres, au nom du devoir, de l’efficacité, de la rentabilité. Dans la politique, au travail, dans la famille. Elle n’admet plus le dilettantisme, la décontraction, le plaisir d’agir, le temps simple du partage, car elle les assimile au mépris, à la négligence ou à l’ambition. Le moindre pouvoir dans la vie publique est désormais tellement encadré, fliqué, surveillé, que la responsabilité assumée vire au sacerdoce permanent. Etre pour, c’est être un godillot; être contre, c’est devenir un emmerdeur à éliminer. Débattre, c’est allonger les réunions; se taire, c’est tout  accepter sans rien dire. Avancer, c’est de l’impatience; renoncer, c’est de la lâcheté. Créer, c’est exagérer; démolir, c’est gaspiller.

Dans le fond, la disparition de la moitié des élus départementaux et d’un tiers des conseillers municipaux rendra un fier service au déficit de la Sécurité sociale, car après trop de pression, il y a souvent la dépression ! Question d’atmosphère.

Cet article a 6 commentaires

  1. daniel PALACIN

    Vous êtes sur le bon tempo, et le bon timing, JMD.

    La pression se doit d’être anticipée, éloignée derrière votre propre volonté à ne rien lâcher, à sans cesse vous repositionner par rapport à elle, à modifier la structure propre de votre réseau si celui ci venait à faire apparaître des infiltrations à caractère néfaste.
    Tant qu’aux médecins du corps ou de l’âme, même si c’est un ami, ils n’en sont pas moins comme vous, avec leurs limites, et étant donné qu’ils ne sont pas à votre place, leur tâche reste délicate, surtout qu’ils sont loin d’être tous bien recyclés, leur date de fraîcheur laisse souvent à désirer. Bien impliqué et bien placé sur ce sujet, je dispose d’éléments et de dossiers d’une gravité absolue, qui sans aucun doute au sein d’une juridiction, ne les ferait pas beaucoup sourire. Les droits en la matière existent. C’est un sujet plus tabou que celui sur l’identité nationale.
    Il vaut mieux à l’heure actuelle, se prescrire une ordonnance tout seul.
    Nous avons plusieurs cabinets médicaux, psys et pharmacies dans le collimateur, pour être très clair.
    Ce n’est pas par hasard, si je suis visible sur la toile, il ne faut pas se tromper de combat.
    La politique JMD, ce n’est pas le plus grave à coté de la médecine.
    Mes pièces à conviction sur le sujet occupent plusieurs cartons.
    Quand j’éditerai mon premier ouvrage sur le sujet, il n’aura rien du romantisme de la « Sauterelle Bleue », je peux vous l’affirmer.
    Puisque vous évoquer la « dépression », vous savez bien que comme le cancer, elle fait partie de nous même à la naissance, ensuite son développement reste facultatif.

    L’espoir et vous le savez, c’est souvent comme en sport, c’est au moment où l’on croit fermement que le match est perdu, que le retournement de situation intervient comme par miracle!

  2. Suzette GREL

    Tes vrais amis connaissent tes qualités et tes imperfections (et tu en as) mais, pour que la pression ne monte pas au stade que tu as atteint, il faut que tu apprennes à dire « non » aux faux courtisans que tu sais reconnaître..
    Accomplis les tâches qui découlent des missions que tu as acceptées et soigne ta vie personnelle. Plus tu t’éloignes, plus tu es disponible et ton énergie te sera fournie par tes petits enfants.Crois une mamie…

  3. mlg

    « CERTES AVEC L’AGE »
    Quel age????j’hallucine……

  4. Annie PIETRI

    Suzette a parfaitement raison. Il n’y a rien à ajouter. Comptes sur tes vrais amis, et tu en as, et consacres-toi au maximum à tes proches : c’est eux qui te redonneront la joie de vivre.
    Et prends le temps de faire ce que tu préfères : écrire.

  5. Fabrice

    Je comprends bien ce que tu ressens… car depuis peu et encore nouveau au sein d’un conseil municipal j’apprends à mes dépens que vouloir agir, changer, apporter du nouveau pour l’intérêt général ne suscite pas l’engouement de tous… bonne chose au demeurant pour alimenter le débat. Mais la pression, ce sentiment d’oppression devient plus pesant lorsque les citoyens réagissent exagérément, en franchissant la limite de la diffamation, et des propos mensongers !!!
    Finalement, même vouloir anticiper le comportement des citoyens à ses limites, y compris dans l’acceptabilité.

    S’engager dans la vie publique n’est pas de tout repos, et cette pression qui nous envahit peut ronger notre motivation, altérer nos convictions et nos idéaux. Je lutte, je résiste pour ne pas faillir, mais quelle sera ma limite?
    Et quelles seront nos limites à nous, élus engagés, qui sommes la cible souvent de critiques inconsidérées…

    Les critiques sont faciles… mais qu’ils viennent ces gens là, ces détracteurs de tout genre, sur la scène, devant les projecteurs, exposer leur projet, leur conviction, leur motivation …
    Non, mais non voyons!!! ils laissent ça à « ces voyous, ces menteurs, ces profiteurs d’élus qui ne savent que gaspiller l’argent de nos impôts »… en revanche ils préfèrent passer leur temps libre à faire « télé – maison – gazon »… surtout sur leur canapé, en chaussons, bien au chaud devant une série B américaine instructive à souhait diffusée par TF1 bien sûr…. Quel bel esprit de citoyenneté…. et de civisme…
    La société n’a pas un bel avenir devant elle!!! surtout avec la disparition de la moitié des élus engagés, qui eux au moins ont encore le mérite de vouloir améliorer la vie des concitoyens…

    Que nous réserve cette « magnifique réforme des collectivités territoriales » qui n’a de cesse que de vouloir casser notre engouement et notre envie….??

  6. NG

    Heureux celles et ceux qui ont eu le bonheur, la joie de croiser votre chemin.
    Pour ma part, cela a changé beaucoup de choses, dont ma vision de l’engagement….

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