La grippe financière contamine l'Europe

L’euro va trembler avant de vaciller, et probablement de mettre un genou à terre. On nous a tellement vendu la monnaie unique et ses bienfaits qu’il y aura au minimum un brin de scepticisme et beaucoup de déceptions. L’euro devait être, sur les bases du fameux traité de Maastricht et du Traité constitutionnel européen, un bouclier contre toutes les dévaluations des monnaies. Dans le débat sur le référendum, j’étais de ceux, accusés de traitrise et de manquement grave aux consignes, pour défendre la vanité de ces affirmations. J’ai en mémoire des débats dans lesquels je revendiquais notamment une Europe « politique » forte, capable de mettre la Banque centrale européenne au service des pays, et non pas au service des profits. Rires en coin, quolibets des gens qui savent, confiance aveugle dans ces Européens aveugles. L’élargissement d’une zone euro non consolidée, vivant davantage sur des apparences libérales, accentuant la concurrence sauvage, détruisant les garanties des services publics, c’était aller vers la cacophonie, la généralisation du culte de la déréglementation financière et se lier au sort d’un dollar pervers, et conduisaient inexorablement à l’échec. Oser, dans le parti socialiste, afficher ces positions, relevait souvent de l’appartenance à une fraction opportuniste sensiblement hérétique. On a vu le résultat, et plus encore les conséquences ultérieures d’un vote populaire : circulez, il n’y a rien à voir, vous n’avez rien compris et pour votre bien il faut laisser la BCE libre de ses décisions.
En fait, on s’aperçoit fort bien que le « politique » ne maîtrise plus rien. Il suffit que des cabinets spécialisés interviennent, pour que tous les gouvernements élus selon un système démocratique tremblent ou s’effondrent. Tant en Grèce, qu’au Portugal, qu’en Espagne, que bientôt en France, on vérifie que le pouvoir est ailleurs. Les injonctions venues de Chine ne changeront rien à cette triste réalité : deux clics sur Internet peuvent laminer n’importe quelle mesure européenne. La première cause du naufrage, dans ces pays, comme en France, c’est que, par opportunisme et surtout pas pure lâcheté, les gouvernements libéraux présents ou antérieurs ont stigmatisé l’impôt, responsable selon le principe libéral de tous les maux économiques. Cette affirmation non démontrée a plongé les Etats dans une dépendance totale vis à vis de la croissance.
Les pays de la zone euro pourraient se retrouver avec une addition de 500 milliards d’euros, s’ils se voyaient contraints de sauver d’autres pays, en cas de maintien de la défiance sur les marchés après un sauvetage de la Grèce qui serait jugé non crédible, estiment les économistes. Il suffira d’une spéculation bien ciblée pour que l’Europe soit à genoux. Incapable d’intervenir, la BCE regarde passer les obus et le FMI se régale. DSK doit se dire qu’il a, dans la réalité, infiniment plus de pouvoir que le Chef d’un Etat français, inquiet sur son propre avenir électoral, et soumis au diktat de son « amie » Angela Merkel.
Jusqu’à cette semaine, l’idée d’un sauvetage simultané de plusieurs pays européens endettés paraissait totalement absurde à de nombreux analystes. Les négociations en cours pour sauver la seule Grèce ont rencontré de gros obstacles politiques parmi les pays donateurs mais aussi au sein de la Grèce elle-même. Il faut donc envisager sérieusement une contagion, semblable à celle de la grippe H1N1… qui aura été purement spéculative. En public, les responsables de la zone euro disent qu’il n’y a pas lieu de discuter d’un sauvetage élargi,et qu’il n’y avait pas de discussions internationales sur la question, alors que tout le monde sait que des plans B sont en préparation, car l’euro va trembler sur ses bases : déficit prodigieux des États, absence d’un plan de relance massif, pouvoir d’achat et consommation en berne, poids des lobbies financiers sur le cours des monnaies. La réalité connue des gens qui comptent pèse sur l’avenir. Et les marchés se faisant de plus en plus instables, il est apparu possible que d’autres pays faibles de la zone euro, tels que le Portugal, l’Irlande et l’Espagne, puissent se révéler incapables de s’endetter, en émettant de la dette obligataire sur les marchés à des prix raisonnables.
Cela pourrait forcer les Etats « riches » de la zone euro à étendre leurs mesures d’aide d’urgence, dans le but de prévenir un effondrement de la confiance dans la monnaie unique et d’éviter des défauts de dettes dommageables pour les banques de la région. La BCE n’ayant aucune obligation politique se met aux abonnés absents, et laisse filer une situation qu’elle n’a aucune vocation à maîtriser. Les théories sur la nécessité d’indépendance de la BCE, contenue dans le Traîté constitutionnel euroépen actuellement en vigueur, trouvent leurs limites… mais il n’en a tenu aucun compte.
« La contagion que nous constatons en ce moment à d’autres pays de la zone euro doit être prise très au sérieux. On commence à voir la dynamique dangereuse de la crise selon laquelle la baisse des prix des obligations ne débouche pas sur une hausse de la demande mais plutôt sur le contraire, commente un économiste de référence. Actuellement, nous pensons qu’on peut sauver la Grèce pour 120 milliards, mais cela pourrait monter à 500-600 milliards si on inclut le Portugal et l’Espagne », La perspective d’un sauvetage multi-pays s’est rapprochée cette semaine quand le Portugal, a été considéré par nombre d’investisseurs comme potentiellement le prochain « domino » après la Grèce. Ce calcul est basé sur les perspectives budgétaires à long terme du pays, présentées à la Commission européenne et selon lesquelles le Portugal aurait besoin de refinancer 53 milliards d’euros de dette sur cette période, et de financer 14,5 milliards de déficit budgétaire de base.
L’Irlande n’a que 19 milliards de dettes à refinancer entre 2010 et 2012, mais son déficit budgétaire de base pourrait ajouter 31 milliards d’euros. Dublin a levé 12 milliards cette année, ce qui laisse 38 milliards à trouver d’ici 2012. En ce qui concerne l’Espagne, la dette venant à échéance entre 2010 et 2012 se monte à 264 milliards d’euros et Madrid devrait avoir besoin de 154 milliards supplémentaires pour couvrir son déficit budgétaire. L’Espagne a pour l’instant levé 71 milliards d’euros cette année, ce qui laisse 347 milliards à refinancer.
De ce fait, un sauvetage sur trois ans de la Grèce, du Portugal, de l’Irlande et de l’Espagne pourrait coûter 544 milliards d’euros, soit 6% du produit intérieur brut (PIB) 2009 de l’ensemble de la zone euro. A un certain stade, le coût d’un sauvetage multi-pays pourrait apparaître prohibitif. Ce point pourrait être atteint dans le cas de l’Italie, troisième puissance économique de la zone euro. Le pays a pour l’instant bien traversé la crise. Son émission de 7,7 milliards d’euros d’obligations souveraines a suscité une solide demande jeudi.
Mais sa dette pourrait atteindre 117% du PIB cette année, ce qui fait du pays une victime potentielle.
La dette italienne devant être refinancée est estimée à 724 milliards sur 2010-2012. Allez, ne vous inquiétez pas trop pour votre éventuel découvert en banque. Dans quelques temps, il paraîtra ridicule : ce sont, dans beaucoup de cas, les banques… françaises qui ont prêté à la Grèce. Devinez qui va payer l’addition ?

Cet article a 4 commentaires

  1. gilles baillet

    Bonjour,
    l’heure doit être à la solidarité avec nos frères grecs qui vont subir un terrible plan d’autérité qui va faire basculer le pays dans une régression sociale considérable!!! Tout ça parce que l’Etat grec a choisi de s’agenouiler devant les marchés!!!
    L’Espagne, le Portugal et d’autre vont suivre…

  2. Gilbert SOULET

    Salut Jean-Marie et merci pour cet énième coup de gueule;
    Ah, si nos amis PS pouvaient tous entendre!

    Très amicalement,
    Gilbert de Pertuis en Luberon qui avait milité pour le NON au TCE en 2005 dans le PS et avec ATTAC-Sud-Luberon auprès de la population, et pour demander à nos élus de refuser le Traité de Lisbonne en 2008…

  3. Jean NOUVEL

    Bonsoir Jean Marie,

    Je n’interviens jamais sur ton blog mais je constate que tes quelques jours dans le « sud » t’ont permis de recharger les batteries et cela me convient parfaitement ..

    Ton analyse est tout à fait pertinente et convaincante, globalement l’Europe est bien mal partie avec une Banque Européenne qui compte les coups et les « marchés » qui se régalent en faisant monter la pression sur l’Euro.

    Avec mon amitié

    Jean

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