Rideau de fumée dans la campagne

La cellule médiatico-politique qui siège à l’Élysée a un immense mérite, et il faut bien le reconnaître, un véritable talent, car elle échafaude, avec une imagination débordante, des tactiques au service du Chef de l’État français. Chaque semaine un plan extrêmement précis de communication est élaboré avec des choix précis, des enchaînements maîtrisés et, plus encore, une grande technicité dans le choix des objectifs. Le Parti socialiste aura bien des déboires, s’il ne modifie pas fondamentalement ses analyses et ses pratiques, car il tombe dans tous les pièges qui lui sont tendus, avec une facilité dérisoire. Tout repose en effet sur une exploitation permanente des faiblesses des adversaires. Les penseurs élyséens connaissent leur sujet sur le bout des doigts, et manipulent ainsi l’opinion dominante à leur guise, en jouant sur le caractère désormais de plus en plus éphémère des sujets traités par les médias; il ne faut plus du tout approfondir une réforme ou un sujet de société, car il faut accumuler les centres d’intérêts, exploiter massivement ceux que l’actualité propose, et au besoin en créer.
Les textes de lois s’empilent à l’assemblée, tous plus bâclés les uns que les autres, mais peu importe : on sait fort bien que tant que les décrets ne sont pas parus, ces décisions UMP sont inapplicables. Le processus reste immuable : déplacement sur le terrain (fausse proximité), annonce tonitruante d’une prise en compte du constat effectué, mais déjà largement connu (fausse spontanéité), reprise par les vassaux politiques (fausse unanimité), et ensuite démultiplication médiatique (fausse efficacité)…On oublie tout pour ensuite ré-alimenter la machine. L’Élysée accompagne le tout avec une autre approche sociétale, qui vient combler les vides éventuels : celle de l’appât que connaissent bien les pêcheurs. La cellule médias lance une polémique comme les « carpistes » expédient dans le fil du courant des boulettes soigneusement préparées, pour attirer les plus gourmands des poissons. Bien évidemment, tout le menu fretin médiatique vient se ravitailler, et les je sais-tout de la vie se prennent à l’hameçon… et alimentent ainsi un débat, qui devient plus ou moins virulent selon la durée que l’on veut lui donner.
L’Élysée sait que si Nicolas Sarkozy veut être réélu en 2012, il lui faut se démarquer des premières années catastrophiques de son mandat actuel. Deux axes de communication ont donc été privilégiés pour les mois à venir. Le première tourne autour d’un principe simple : l’échec intérieur doit être compensé par une forte aura extérieure. C’est bâti sur les bases de l’exacerbation de ce sentiment de supériorité qu’affichent parfois les français. Il faut les rendre fiers de « leur » président qui, s’il est haï par la tranche populaire de la population active doit être reconnu par les grands du Monde comme l’un des leurs… Il suffit de constater les éloges injustifiés émis sur son rôle dans la prise de position totalement abstraite et fallacieuse de l’Europe, pour vérifier que le rouleau compresseur est en route. Recentrage sur la clientèle intérieure, et abandon aux autres des dossiers sensibles, participation massive à une pseudo guerre au capitalisme débridé avec des mots durs, des positions musclées et des actes inexistants. Une participation aux rendez-vous des gens qui comptent (dans tous les sens du terme), vendue comme la montée des marches au festival de Cannes, mettra d’autant plus facilement en évidence le rôle éminent de Nicolas Sarkozy, qu’Angela Merkel vient de prendre un direct du gauche qui va la rendre modeste, et que le blanc-bec de David Cameron a encore tout à apprendre, que Juan Manuel Barroso n’est pas un Fangio de la politique, et que Herman Van Rampuy est du genre abonné absent ! Les stratèges politiques du « château » savent pertinemment que le seul qui peut actuellement faire de l’ombre dans ce domaine se nomme DSK, et qu’il faut rappeler que s’il est là où il est, c’est grâce au chef de l’État français ! Selon le principe que les « campagnes militaires » bien menées s’effectuent sur les territoires extérieurs, on va assister à un déferlement de participation présidentielle aux batailles contre la « crise ». Peu importe le résultat, l’essentiel sera de se montrer, de participer et de la ramener, afin que DSK ne soit plus un glorieux redresseur d’économes en péril ! Sur le plan intérieur, on va immédiatement profiter de la désorganisation totale de la gauche (Verts et Europe écologie en fiançailles sur le thème: je te tiens, tu me tiens, par la barbichette électorale; parti communiste en déliquescence; Front de Gauche réduit à Mélenchon; NPA discrédité…) pour lancer la… campagne électorale des Présidentielles. Il sait qu’en face, il n’aura pas d’adversaire crédible avant des mois et des mois. DSK a lancé son réseau depuis le Sénat, en invitant des soutiens éventuels à des repas d’approche (Patriat a ce secteur en charge !) mais il ne pourra pas quitter le FMI dans un contexte mondial aussi tendu : ce serait considéré comme une désertion. L’analyse démontre que Martine Aubry a l’inconvénient de ne pas être parlementaire, et elle voit arriver à la vitesse grand V dans ses pattes un certain François Hollande.
Il y aura un relais au PC, qui laissera des traces sur les « restes » du parti de Georges Marchais… et entre les Verts et Europe Écologie, malgré les embrassades au sommet, on se déchire à la base ! Certains députés UMP ont acquis la certitude, après une rencontre avec le chef de l’Etat à l’Elysée, que Nicolas Sarkozy a l’intention de briguer un second mandat présidentiel en 2012. « Il n’a jamais dit qu’il serait candidat, même si on pouvait le déduire de ses propos », a déclaré à l’AFP le député de la Moselle François Grosdidier, reçu la veille au soir à l’Élysée avec une dizaine de ses collègues, dont… David Douillet, Eric Ciotti et Dominique Dord. « Il l’envisage (2012) au moins aussi sereinement qu’il pouvait envisager la précédente élection (en 2007), en étant même plus tranquille, sûr de son fait, de son bilan et de son aptitude… », a poursuivi M. Grosdidier. Europe 1 a affirmé que le chef de l’Etat avait lancé à ses invités: « Rassurez-vous. Ne croyez pas que je ne réfléchis pas à l’étape d’après ». La radio a oublié le membre de phrase suivant… « en me rasant le matin ».
On entre donc dans la logique du leurre lancé pour mobiliser l’opinion dominante. On va enchainer avec la proximité (confidences à d’autres personnes de la base), spontanéité (je suis le meilleur de tous), unanimité (l’UMP va se mobiliser), efficacité (il a sauvé l’Europe et la planète)… pour mettre à mal un PS qui va rester des mois dans l’expectative du retour du « FMI prodige » ou dans l’annonce faite au pays par saint François de Corrèze. Incapable de gérer ses contradictions, le PS va tergiverser pour éviter une rupture brutale. La tribu sarkoziste table sur cette cacophonie inévitable pour emporter la fauteuil présidentiel, quitte à perdre les législatives qui suivent. Et c’est peut-être là le piège qui s’ouvre : lutter sur le nom de Sarkozy et en faire une affaire personnelle, pour ensuite laisser le soin à la Gauche de gérer un champ de ruines… similaire à celui de la Grèce. Une cohabitation inversée, portée par l’implication des élus locaux de gauche, mais qui discréditerait définitivement le socialisme, contraint de ne promettre que l’austérité qui débute, mais dont on est très loin de voir l’aboutissement.

Cet article a 2 commentaires

  1. Eric BELET

    Bien vu , les risques évoqués sont réels. Dans quel état va t on en effet retrouver le pays en 2012 ?

  2. pc

    tu oublies les futures primaires à gauche qui vont en rajouter une couche dans le bordel……
    si DSK est le seul susceptible de gagner mettez-le d’office et qu’on en parle plus.

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