Ils se foutent rigoureusement de nous !

Tout à coup, l’opinion publique vient de prendre conscience de l’importance de l’Académie Française, cette docte assemblée où l’on mesure lentement, très lentement, le poids de chaque mot. Établir le dictionnaire de la langue française reste en effet la mission principale de ce groupement de personnalités aux talents très discutables puisque, inutile de se voiler la face, l’appartenance à la mouvance politique de Droite est au moins aussi importante que l’œuvre littéraire. Ces écrivains chenus devraient se réunir cette semaine de toute urgence pour se pencher sur le mot « rigueur ». Ils joueraient ainsi un rôle d’arbitre dans une société de faux-culs qui font semblant de ne pas connaître leur Petit Larousse. Il faut pourtant bien avouer que, quel qu’en soit le résultat, les effets seront les mêmes. En annonçant un gel en valeur des dépenses de l’Etat sur trois ans, une baisse de 10% des dépenses de fonctionnement, et cinq milliards d’euros d’économies sur les niches fiscales, le Premier des Ministres a simplement lancé un plan qui débouchera tôt ou tard sur une cure d’austérité, échelon supérieur consistant à faire payer aux classes moyennes les cadeaux accordées aux nantis. Quels que soient les analystes, quelles que soient les affirmations liées à la crise européenne, quels que soient les mots choisis, la réalité est la même.
La France devait être réformée avec prudence, avec pragmatisme, avec souci d’équité et de justice mais absolument pas déstructurée au nom d’un libéralisme fou, n’ayant jamais conduit à autre chose qu’à des spasmes économiques dangereux. Absolument personne, ayant un brin d’objectivité, ne peut citer une seule réforme ayant contribué à autre chose qu’à rassurer les marchés et à assouvir une folie idéologique visant à installer le dogme du profit. Le gouvernement utilise la crise grecque pour donner un « tour de vis social » en France. Il agit comme le jardinier dans le fameux sketch du trou. Le chef de l’Etat français a creusé, dès son arrivée, un trou dans les ressources de la France, avec les premières mesures destinées à remercier la caste de ses « amis » du CAC 40. Il peut affirmer ce qu’il veut : le bouclier fiscal restera le premier « trou » dans les finances publiques, aggravé par les autres mesures d’exonérations, et les niches en tous genres. A partir de ce moment là, on creuse successivement d’autres trous à côté pour, avec ce que l’on retire (créations de taxes, destruction des services au public, démolition des collectivités locales…) boucher le trou précédent. On ne rattrapera jamais ce qui a été perdu dans le premier, et qui, pour la plus grande part a été exporté à l’étranger.
« Il ne faut pas se leurrer (…) nous sommes dans un plan d’austérité d’une très grande dureté », a déclaré l’ancien ministre socialiste de l’Economie Michel Sapin, sur France Info. Mais ce n’est pas parce qu’il a raison qu’il sera écouté et entendu. En effet, depuis maintenant 8 ans, la Droite s’obstine à nier une évidence : la baisse des dépenses ne sauvera pas le pays, si elle ne s’accompagne pas d’une juste récupération des recettes ! La Grèce n’est pas morte de ses dépenses inconsidérées, mais essentiellement de son incapacité à faire rentrer ses recettes. Or la droite a discrédité et continue à discréditer l’impôt direct progressif, seule contribution équitable à la vie collective. Nous paierons cher ces propos lâches et absurdes qui sont ressassés pour uniquement des visées électoralistes.
Ces mesures équivalent à « un plan d’une extrême rigueur (…) sur les dépenses, alors que rien ne se passe sur les recettes. On a un gouvernement qui est totalement hémiplégique », a-t-il dit. Nous allons payer les milliards non encaissés des mesures prises après l’euphorie du passage au Fouquet’s. Comme le Chef de l’Etat français a été élu sur des idées populistes : l’insécurité accrue, le racisme latent, le chômage structurel et la baisse des impôts, et qu’il a échoué dans les trois premiers secteurs, il ne peut plus lâcher sur le dernier pilier de « sa » politique ! Pour le porte-parole du gouvernement, l’opposition joue sur les mots. « C’est un vrai débat politique, ce n’est pas un débat sémantique, l’affaire de la rigueur », a déclaré Luc Chatel. « Nous ne voulons pas de la rigueur parce que c’est un mauvais mot. Nous ne voulons pas de la rigueur parce que c’est l’augmentation des impôts et ça pourrait briser le début de reprise que nous connaissons », a-t-il souligné. La messe est dite, ce sont donc forcément les salariés et les revenus moyens qui vont trinquer par la destructuration de la fonction publique qui, qu’on le veuille ou non, représentait un gisement d’emplois pour les jeunes. « Chacun doit faire un effort dans cette situation budgétaire. Aucun ministre, aucun secteur gouvernemental, ne doit se sentir exonéré de cette politique », a ajouté un porte parole divin mais désormais inaudible..
Pour Claude Bartolone, la majorité doit revenir sur les avantages fiscaux qu’elle a accordés aux plus aisés au début du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Et elle ne le fera pas, pour éviter de se couper du dernier carré de ses supporteurs. « C’est une erreur d’essayer de faire croire que l’on peut s’en sortir en donnant encore un coup au pouvoir d’achat, notamment des retraités, des salariés, des chômeurs », a-t-il expliqué sur France 2.
La ministre de l’Economie, dont on connaît le florilège d’annonces inconsidérées relevant de la méthode Coué, Christine Lagarde, en a rajouté une couche sur la nécessité de réduire les déficits français, établissant elle-même le parallèle avec la Grèce, au coeur d’une crise politico-budgétaire sans précédent qui ébranle les marchés depuis plusieurs semaines. « La souveraineté nationale est en cause », a déclaré Christine Lagarde au Sénat. « Je ne voudrais pas qu’on se trouve dans la situation où est la Grèce, je ne voudrais pas qu’on perde notre notation d’aujourd’hui qui est AAA », a-t-elle dit par la suite sur Canal+. Cette dame se trompe : on ne risque pas d’être dans la situation de la Grèce, car nous y sommes déjà, et les mêmes artifices sont utilisés pour masquer la réalité. Dans l’immédiat, c’est uniquement un manque de… rigueur de Bruxelles dans l’examen de la situation budgétaire réelle de la France, et la trouille de provoquer un mouvement de panique qui masque encore la réalité. Elle ne viendra au grand jour qu’en 2012, dans l’immédiat il est… rigoureusement interdit d’en parler ! Rassurez-vous, vous allez, cet été, pendant que vous bronzerez, en voir les effets. Pour le moment, on joue la montre avec Zahia, la liste de Raymond des étoiles, la trouille sur les retraites, le festival de Cannes, les frasques de Polanski, le départ des Girondins de Laurent Blanc, les apéros facebook qui ne sont pas pires que les fêtes de dax, Bayonne ou Pampelune… et tout ce qui se présente.

Cet article a 7 commentaires

  1. E.M.

    Oui, vraiment implacable et d’une lucidité parfaite.

  2. danye

    Cela devient tellement criant de< vérités
    avec une lucidité aciérée par tous les mensonges ,les injustices ,les abbérations.
    Ce serait formidable que vous preniez la place au 20 heures" pour réveiller tout ce beau monde qui nous croit tellement <stupide….tellement niais….en étant certains ..que les citoyens continueront d'avancer comme les troupeaux de moutons partant aux pâturages …
    Le fric toujours …ils en trouvent pour les banques Françaises ou celles de la Grèce….Les annonces bluff pour retirer l'euro de notre monnaie européenne….. on s'aperçoit en 2010 des erreurs avec l'éducation scolaire et ses résultats …QUAND ARRÊTERONS NOUS DE JOUER LES CARPETTES ?

  3. GILLERON Bernard

    Merci Jean Marie,
    Oui nous somme déjà dans le situation de la Grèce, Généreux en a fait la démonstration sur France-Info dans « Parlons-net »(cf. Dailymotion).
    Oui nous faisons socialiser par le déficit public,la dévaluation des créances privées accumulées inconsidérément par le système bancaire
    Oui, ce même secteur bancaire se sert de ces milliards d’euros et de dollars que nos États lui ont donné, pour parier sur la chute de notre solvabilité, et nous étrangle avec des taux d’intérêt démentiels dans son financement des États.
    Et nous qu’est ce qu’on fait? on discute sur la future civilisation du « bien-être », à l’heure où la misère des classes inférieures(90% des français quand même!) devrait nous lancer dans les luttes sociales aux côtés des syndicats, et pas mal de nos dirigeants se rallient à l’hypothèse DSK pour appliquer à la France les remèdes « made in FMI ».
    La Droite se fout de notre gueule, mais on se la laisse mettre sans crier bien fort!

  4. batistin

    Un petit mot sur votre introduction, sur l’Academie donc: il est amusant de constater que les jeunes nantis de Neuilly ou d’ailleurs éprouvent un malin plaisir à massacrer la langue française par moultes expressions à la mode ou tirées du langage propre à internet , quand le langage retrouve avec plaisir ses sources dans les quartiers nord de nos belles villes… Que vive le « slam » …

  5. Annie PIETRI

    Tu as parfaitement raison, Jean Marie, ils se foutent rigoureusement de nous ! Oui, nous sommes en pleine crise, autant que la Grèce, le Portugal , l’Espagne ou l’Italie ; oui, les mesures que nous concoctent ceux qui nous gouvernent sont bel et bien des mesures de rigueur, même si le mot « rigueur » ne leur plaît pas, et si Luc Chatel fournit de ce mot une interprétation aussi fumeuse qu’illisible; oui, le trou, que dis-je, la caverne, que M. Sarkozy a creusée en arrivant au pouvoir, pour faire plaisir à ses amis du Fouquet’s, au détriment des citoyens les plus modestes, s’est peu à peu transformée en abîme ! Et dans le même temps, on détourne l’attention des citoyens en les amusant avec la coupe du monde de foot, les humeurs de Domenech, les apéros géants de facebook, la burka, et autres bêtises qui, même si certaines sont préoccupantes, sont sans commune mesure avec le désastre économique qui se profile, et dont les premières victimes seront, comme toujours, les plus démunis !
    Et dans le même temps, Mme Lagarde, qui connaît décidément mieux « la finance », dans son sens le plus détestable, que l’économie, essaie de nous faire croire que notre situation budgétaire est bien meilleure que celle de la Grèce, qui ne fait pas le nécessaire pour éviter la fraude et faire « rentrer » ses recettes fiscales…..Et bien, cette admirable technicienne serait bien inspirée de lire le rapport établi par le Syndicat National des Impôts (qui fut mon syndicat durant toute ma carrière) sur la fraude et l’évasion fiscale, comme je l’ai fait cet après midi ( il est sur internet). C’est un peu long et technique, mais très instructif. Elle y verrait que nous n’avons rien à envier à la Grèce en ce qui concerne la fraude, et que les instructions données aux services concernent plus le nombre de vérifications que leur qualité, plus le raccourcissement de la durée des contrôles et leur allégement que leur qualité, et que les remises de pénalités dont profitent les gros fraudeurs sont plus qu’intéressantes pour ces derniers. Ajoutez à cela que comme partout, le nombre des fonctionnaires a été drastiquement diminué…..La mauvaise plaisanterie qui court désormais dans les services, c’est qu’en 1989 nous avons fait grève pour obtenir un ordinateur par agent, et que désormais, il faut faire grève pour obtenir un agent devant chaque ordinateur…..
    Alors, comme Danye, je crois qu’il nous faut nous réveiller, et réagir….Et quand je lis le texte proposé aux socialistes sur un nouveau plan de développement économique et social, je ne peux m’empêcher de penser qu’avec de telles généralités, imprécises et fumeuses, nous ne serons guère crédibles ! Moins d’idées générales et de bonnes intentions, et un peu plus de propositions concrètes pour redresser la situation….

  6. Suzette GREL

    Devant une politique injuste et inefficace que tu décris si bien je dis comme Annie que nous avons dépassé le stade des propositions générales et fumeuses. Nous sommes incapables de soulever de véritables espoirs…
    Des mesures immédiates sont à prendre, des postures crédibles à envisager et des explications comme les tiennes à fournir au plus grand nombre.

  7. alain. e

    Mais tout n’ est pas perdu, puisque la compagne du ministre du budget ,l’enfoirée de première Michelle Laroque revient payer ses impots au pays !!!!!
    Il faut que les Johny,Tsonga,Aznavour,et autres footeux et chefs d’ entreprises reviennent aussi, ce serait un bel exemple de civisme en ces temps difficiles.
    Désolé,je révais au moment de faire ma déclaration d’ impot à l’ injustice fiscale qui frappent ces miséreux.

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