Les Gaullistes existent… j'en ai rencontré un !

Pendant la crise, le démantèlement de la structuration territoriale de la France continue. Elle est confiée à la majorité UMP de l’assemblée nationale, puisque celle du Sénat, consciente de ce qu’elle risque au prochain renouvellement de l’automne 2011, avait essayé de modérer les ardeurs destructrices des hauts fonctionnaires prenant leur revanche sur la décentralisation. Bien évidemment, tous les engagements de modération, de pondération, en cette période de crise, ont été oubliés, et le gouvernement passe à l’offensive en reprenant tous les points qui vont plonger les régions et les départements dans la tourmente. Ce matin, j’ai représenté le Président du Conseil Général aux rencontres avec les élus locaux organisées par le Conseil économique et social régional d’Aquitaine, avec le Président du Comité économique social et environnemental, l’une des plus hautes instances de « politique-attention », comme le définit Jacques Dermagne. Ce dernier, représentant du… Medef au sein du CESE est peu suspect de compassion à l’égard des idées de la Gauche, et pourtant il a dressé un véritable réquisitoire contre la politique gouvernementale actuelle. « Il me semble que les réformes actuelles ne sont pas suffisamment éclairées par l’existant » a-t-il lancé en préalable. Tout y est passé : la déchirure croissante du lien social (« un désert des cœurs et des esprits s’est progressivement créé »); l’inégalité criante dans les domaines de la culture, du savoir, de l’économie (« nous avons créé une société de citoyens isolés fictivement dotés des mêmes droits »); la faiblesse du politique (« la politique est désemparée face aux difficultés actuelles »; la crise (ce n’est qu’une confrontation entre une oligarchie financière sans foi ni loi face à l’économie du réel »). Et j’en passe et des meilleures, puisqu’il n’y a pas beaucoup de femmes et d’hommes de gauche qui auraient pâli en lisant son propos, d’une lucidité, d’une sérénité et surtout d’une vérité que je n’ai guère entendue dans le milieu politique.
Pour lui, la réforme des collectivités territoriales va conduire à la fin de la proximité, tellement précieuse à la résolution des problèmes. « Mon propos est un message clair à celles et ceux qui rêvent de transformer la décentralisation, facteur indéniable de « dialogue sociétal » en simple déconcentration… ». Après de multiples citations de… de Gaulle (sur la véritable participation), de Jean Wallon, il voyait son panorama extrêmement réaliste et donc pessimiste confirmé par Alain Even, président de l’association des conseils économiques et sociaux régionaux de France (ACESRF). Dommage qu’une fois encore, aucun journaliste, aucun représentant des médias n’ait été présent, et qu’il n’y ait eu dans l’hémicycle que… cinq élus girondins ! Jacques Dermagne rappela en effet que les rapports du CESE ne sont pas toujours connus du grand public, alors qu’ils fondent des politiques fortes (RMI, CMU, école-entreprise) ou qu’ils alertent sur les dangers de certaines réformes.
L’Assemblée nationale, avec le soutien du gouvernement, a adopté en commission des lois, un amendement au projet de loi sur les collectivités territoriales, visant à assurer une répartition plus exclusive des compétences des départements et des régions, en limitant la clause générale des compétences. Quand les conseillers généraux ont annoncé que cette mesure ne serait jamais abandonnée par l’UMP, ils étaient accusés de travestir la vérité et de faire la plus affreuse des choses : de la politique ! Actuellement, cette clause permet, s’il y a un intérêt local, à une collectivité d’intervenir dans tout domaine de compétence d’une autre collectivité. Le texte devait supprimer le bénéfice de cette clause aux régions et départements, et cette question des compétences devait en principe faire l’objet d’un texte distinct, prévu pour être voté dans les 12 mois à compter de la promulgation du présent projet de loi… On est passé de la menace à la mise en œuvre du garrotage des collectivités territoriales. Tous les programmes engagés sont désormais à financer exclusivement avec les impôts locaux, puisque désormais, via l’amendement du rapporteur UMP du projet de loi, Dominique Perben, si la loi attribue une compétence à, par exemple, la région (« compétences d’attribution »), le département ne pourra plus intervenir dans ce domaine. Mais si la compétence reste non attribuée, une collectivité pourra s’attribuer (« compétences laissées à l’initiative locale ») cette compétence s’il y a une délibération en ce sens de ses instances. Une véritable catastrophe pour les communes et les intercommunalités qui, faute de ressources suffisantes, devront se tourner vers les banques et emprunter pour espérer réaliser leurs projets ou renoncer, ce qui va courant 2011 et surtout en 2012 causer une baisse considérable des investissements publics.
Quel que soit le cas de figure, les trois catégories de collectivités territoriales – commune, département, région – demeureront compétentes en matière de patrimoine, de création artistique et de sport. Une disposition répondant aux inquiétudes exprimées par ces secteurs. Le bloc communal, communes et intercommunalités, n’est pas concerné, il conserve la clause de compétence générale, c’est à dire qu’il devra l’assumer sans avoir les ressources pour le faire !
Un étau dont aucun maire ne sortira indemne en fin de mandat, car s’agissant des cofinancements, un autre amendement du rapporteur interdit en effet le cumul de subventions départementales et régionales sur un même projet local. « Toutefois, pour ne pas pénaliser les petites communes dont les capacités de financement sont moindres, une exception à cette règle de non-cumul » est prévue pour « les communes de moins de 3.500 habitants », et dans le cadre des contrats de plan Etat-région.Sur plusieurs autres mesures, la commission des lois de l’Assemblée est revenue au texte initial du gouvernement, en supprimant les modifications apportées par le Sénat en première lecture, qu’il s’agisse des conditions de création des communautés d’agglomération ou des communes nouvelles (rétablissement de l’incitation financière). La commission a aussi étendu les compétences dont les métropoles pourront être dotées et renforcé leur intégration financière, en leur transférant la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) des communes membres.
Tout le baratin sur la concertation, sur le dialogue avec les associations d’élus, illustre le fameux principe « les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent ». Le gouvernement, désavoué par le suffrage universel lors des élections régionales, passe en force et accélère la destruction de l’édifice républicain qui, s’il méritait amplement d’être révisé ne va pas se remettre d’une telle « recentralisation » de fait. Jacques Dermagne a beau s’égosiller, il a perdu la partie, et « ses instances de dialogue sociétal » n’intéressent absolument personne puisque tout se règle à l’Elysée : « nous sommes des outils pour les gouvernants. Ceux-ci savent qu’ils ont moins de chance de se tromper si leurs concitoyens sont consultés sur les vraies questions. En ce sens, nous protégeons la démocratie. Gaulliste, j’y retrouve l’esprit de la Participation. C’est devenu une nécessité des temps modernes. ». Il devrait le rappeler aux députés UMP qui se réclament de ce courant de pensée, quand ça les arrange, et qui l’oublient quand ça les dérange : c’est ce qu’ils appellent ne pas faire de la politique !

Cette publication a un commentaire

  1. batistin

    Bonsoir.
    Si je comprends bien ce texte, les princes augmentent les taxes et impôts tout en se retirant de leur obligation morale et financière d’assurer la paye du garde chasse et du cantonnier … ou quelque chose dans le genre…?

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