La France manquera à l'appel !

J’ai en mémoire un dessin de Jacques Faizant après le énième désastre français aux Jeux Olympiques. J’ai alors 17 ans et je suis, comme beaucoup de normaliens, passionné de sport. Les JO de Rome doivent cicatriser les plaies de la guerre d’Algérie, comme les bleus devaient effacer par leurs victoires héroïques les cicatrices des crises qui n’ont pas encore fini de meurtrir le pays. Oublié durant la reconstruction de l’après-guerre, le sport prend une toute autre envergure à l’été 1960. Cette année-là se déroulent les Jeux Olympiques d’été à Rome. Véritable événement mondial avec 83 nations participantes, les Jeux Olympiques sont le théâtre, certes, de luttes sportives, mais plus largement de luttes politiques dans un contexte de guerre froide. Les affrontements U.R.S.S.-Etats-Unis en finale de basket-ball, ou dans les différentes épreuves d’athlétisme, dépassent le simple fait sportif, et deviennent des démonstrations de force idéologiques. Les rapports entre le sport et la politique n’ont jamais été aussi forts. Nicolas Sarkozy a bien compris que la nullité absolue de l’équipe de France actuelle allait l’associer à une catastrophe populaire…ou allait lui permettre de réussir enfin quelque chose de positif. La Coupe du monde de football avec la présence des deux Corées, l’émergence de l’Afrique et des nations en difficulté, ramène, dans cette période de guerre économique, les fiertés au premier plan.
En 1964 la France, à son grand désarroi, n’arrive pas à se mêler à cette « cour des grands », et ne se classe que 25e en ne ramenant que cinq médailles, dont aucune en or, loin derrière les 103 médailles rapportées par l’U.R.S.S.! L’équipe de cyclisme, ultra-favorite sur 100 kilomètres, est battue. La grande nageuse Heda Frost subit le même sort. Et même dans les épreuves que la France domine habituellement, les défaites s’accumulent. Le fleurettiste Christian d’Oriola, double champion olympique et quatre fois champion du monde, s’incline. En natation, Robert Christophe se classe quatrième. Et la liste est longue de déceptions ! Elles sont d’autant plus cruelles que l’État avait pris à cœur cette compétition. Le gouvernement avait chargé… l’armée de la formation des athlètes français. En effet, celle-ci devait préparer l’élite sportive pour Rome. Les jeunes sportifs de haut-niveau ont été appelés au bataillon de Joinville, ancien centre sportif des Forces Armées, durant plusieurs mois précédant les Jeux Olympiques.
Mais cette déroute anéantit les efforts et les espoirs consentis, et ces piètres résultats valent une colère mémorable du général de Gaulle à l’encontre des athlètes français ! On en est pas là… Il évoque une honte, pour un pays comme la France, de ne pas se montrer digne de son statut international et de faire déshonneur à la mémoire du baron de Coubertin, fondateur des Jeux Olympiques modernes, mais aussi français ! Le lendemain de la cérémonie de clôture, le dessin de Jacques Faizant, paru dans Le Figaro, illustre l’esprit du pouvoir de l’époque. Le général de Gaulle est habillé d’un survêtement estampillé «France», il porte des baskets et un sac de sports et dit: «Dans ce pays, si je ne fais pas tout moi-même !». L’édition du 31 août 1960 de l’Équipe titre: «La Déchéance française». Que va titrer demain matin ce même grand quotidien… le jour où l’on va transformer la France en « chambre d’appel ». Il faut vous attendre à un déferlement d’images d’archives collant à la silhouette d’un mini-président au garde à vous !
On va ingurgiter du 18 juin 1940 avec à l’esprit l’amorce d’un exode des Bleus. Le chef de l’État va chercher à se glisser dans un uniforme plus grand que lui. Il va une fois encore usurper les valeurs de la Résistance, alors que nous n’avons jamais été aussi loin de ce que nous voudrions voir. Le désastre de hier soir, cette équipe sans âme, sans patron, sans envie, constitue le contre-appel idéal. Elle va résumer le décalage complet qui existe entre ce que l’on va vanter dans tous les médias et la triste réalité d’un pouvoir suffisant et destructeur. Nicolas Sarkozy va reprendre ses footings avec Fillon, et surtout il faut s’attendre à ce que… le gouvernement propose une réforme. Les bases en sont simples : les enseignants sont nuls et on ne fait pas assez de sport en France ! On va donc réformer les rythmes scolaires en ce sens, pour refiler aux communes les dépenses d’enseignement jusque là supportées par l’Etat ! Si j’avais le talent d’un Ituria je ferais un dessin de Ribéry en costume présidentiel, prenant un porte-document et allant au G 20 en clamant « heureusement que je ne fais pas tout moi-même ! ». Face aux « Mexicains basanés », il a été en effet aussi efficace que peut l’être le Chef de l’État français quand il parle de la taxation des banques… et qu’il prétend s’imposer au reste du monde.
Nous saurons un jour quel a été le comportement de Ribery, d’Anelka et de Gallas au sein du groupe des multi-millionnaires représentant la France au niveau international. Ces salariés, qui ne percevront leur retraite qu’à 62 ans, méritent d’être épargnés par la réforme, en raison de la pénibilité de leur travail. Quand on a vu Govou, Evra, Abidal et le trio ci-dessus se démener pour renverser un sort défavorable, on a envie de défiler pour eux le 24 juin. D’ailleurs, comme ils seront probablement de retour sur le sol français, ils devraient lancer un appel du 24 juin pour défendre celles et ceux qui leur avaient fait confiance. Je suis certain qu’ils auront à cœur de se faire pardonner leur attitude faite de mépris, de dédain et de suffisance. Le 18 juin 1940, on était loin, très loin de ces comportements… et il vaudrait mieux ne pas l’oublier!

Cette publication a un commentaire

  1. Christian Coulais

    Rire bleu : Cette défaite a du bon pour le budget de la Nation…
    Des voyages officiels et réservations hôtelières écourtés, un recentrage sur les vraies valeurs qui nous animent.
    Rire blanc : « Liberté, égalité, fraternité » pour une remontée triomphale de notre Président le 14 juillet, conduisant les cohortes de chômeurs/chômeuses, les régiments d’employé(e)s précaires et autres bataillons de sans-papiers exploité(e)s vers la Croissance !
    Rire rouge : Ah, vivement le Tour de France, pour admirer cette terre joviale, cocardière, nourricière…du haut du ciel !
    Je vous laisse rire jaune…

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