La fusée de la désinformation a décollé

Il est incontestable que pour maîtriser une tempête liée à une véritable affaire de compromission entre l’État (au sens large) et le milieu interlope des affaires, les dernières semaines constitueront une référence d’étude idéale. Comme les médias dominants se contentent d’analyses à trois balles, on ne peut rien attendre de véritablement sérieux en la matière. Partout les titres sont approximatifs. Personne ne prend de recul. Aucun journaliste ne décortique véritablement le montage que met en évidence cette affaire Bettencourt-Woerth. Étape après étape, pas à pas, méthodiquement, les cellules spécialisées des Ministères de l’intérieur, de la justice et leurs commanditaires élyséens ont refermé la porte sur ce qui serait devenu, dans n’importe quel autre pays démocratique doté de contre-pouvoirs médiatiques intraitables, une affaire pouvant faire écrouler une majorité politique discréditée. Ces spécialistes de la désinformation ont bossé dur pour sauver tout ce qui pouvait être sauvé. Fuites organisées, manipulation des témoins, production de rapports hâtifs et sans absolument aucune légitimité, réponse décalée à des faits devant des accusations, alors qu’il ne s’agit que de preuves présentées à l’appréciation collective, attaques outrancières transformant les « accusateurs » en « calomniateurs », travail d’image sur la « victimisation » et la « martyrisation » des personnes mises en cause : la panoplie complète ! Ce montage habile a été (il serait absurde de ne pas le reconnaître) habilement construit, avec des consignes millimétrées, et la mise en œuvre d’un réseau patiemment tissé dans tous les relais d’opinion qui comptent. Son point d’orgue sera placé ce soir, avec l’intervention du Chef de l’État qui arrivera après une savante préparation du terrain de l’opinion publique dominante. Tout le week-end dernier, les spécialistes ont déblayé le terrain avec le bulldozer des idées toutes faites. On sait à l’Élysée et ailleurs que rares sont les consommateurs d’informations toutes prêtes qui témoignent d’un brin de curiosité. En cette période estivale des soldes, le prêt à porter informatif suffit au bonheur des foules. On va s’en servir ! Le premire étage de la fusée a été vite préparé. Dès que Médiapart a déclenché, par la publication des enregistrements, la polémique, consigne a été donné aux protagonistes de gagner du temps. Pas d’affolement, une accumulation de preuves ne suffit pas à démontrer une culpabilité. Plus les éléments au minimum suspects étaient publiés (la télévision et les radios dominantes n’ont pas sorti une seule révélation…), plus on a renforcé un discours unique, simple et facile à tenir : « tout est faux !.. et je suis innocent… » Pas facile de résister, quand tout s’agite négativement autour de vous, mais c’était indispensable pour préparer l’opération de « leurre ». Ensuite on est passé à l’offensive par l’outrance (Lefevre, Estrosi, Morano, Bertrand…), pour faire douter du camp d’en face.
Second étage : il fallait de toute urgence poser un garrot, éviter une hémorragie de preuves. Chaque jour apportant un élément supplémentaire, la cellule de désinformation a recherché un moyen de vite verrouiller toutes les sources possibles venant de chez Mme Bettencourt. C’était la mort du régime UMP si de nouveaux documents, de nouveaux témoignages sortaient sur la place publique. Quand on connaît la réalité des prises de position de cette « malheureuse » milliardaire durant des décennies, il y a lieu de tout craindre. Et, inutile de se voiler la face, l’affaire Woerth n’est qu’un grain de sable dans des arrangements vieux de plus d’un demi-siècle. Beaucoup rappellent la similitude entre la période 37-38-39-40 et celle que nous vivons, et on ne peut que leur donner raison, quand on prend connaissance des parcours d’André Bettencourt et André Schüeller dans « La Cagoule » (1) Aucun média n’a fait le lien entre les théories mises en œuvre actuellement par le clan Sarkozy, celles du club de l’horloge (financé par qui ?) et celles que porte, par exemple, l’Opus Déï. Réunion au sommet, et il est décidé que rien ne serait mieux que l’abri du secret de l’instruction pour planquer tout ce qui peut l’être encore (les perquisitions ne visent qu’à mettre en lieu sûr et entre des mains complaisantes des preuves qui auraient pu sortir…). Inutile de préciser que cette priorité de mise à l’abri de tous les documents a été décidée (termes du contrat et bulletins de salaire de Madame Woerth, courriers, démarches et comptes de Clymène) afin qu’aucun journaliste ne puisse plus se les procurer. En multipliant les ouvertures d’enquête, on colmatait les éventuelles fuites. Une précaution née des révélations quotidiennes qui épuisaient la défense de Woerth. Afin d’éviter qu’un juge se croyant indépendant se mêle de ce dossier, le mérite de la collecte des documents a été confié à un ami sûr. Le secret d’un côté a été garanti, mais la violation de ce même secret de l’autre, a été pratiquée.Pour les témoins, on a vite fait le nécessaire en envoyant cuisiner dans sa maison de campagne la seule personne qui connaissait la vérité. Audition jusqu’à minuit. Divulgations organisées de certains morceaux choisis de l’audition… sélectionnés pour étayer la thèse de l’infamie de Médiapart. En fait, cette audition empêche désormais l’ex-comptable de s’exprimer directement.
Son avocat aura beau s’égosiller à demander l’ouverture d’une enquête « sur l’origine de la diffusion » dans la presse de « certains » procès-verbaux d’audition de sa cliente, il n’obtiendra rien…Me Gillot s’en prend également directement au Figaro qui selon lui « fait de la désinformation ». Il demande « officiellement au ministère de la Justice que des poursuites judiciaires soient immédiatement engagées » contre le quotidien qui a publié vendredi en « Une » le fac-similé d’un PV de sa cliente, évoquant un « témoignage boomerang ». Pour l’avocat, l’ex-comptable est victime d’une « campagne qui est orchestrée depuis quelques jours en haut lieu, et qui est relayée par une certaine presse visant à essayer de (la) discréditer, en la présentant comme une affabulatrice voire comme une suspecte ». Mais tout le monde s’en fout !
A la hâte, on a a ensuite monté le troisième étage, en fabriquant une « preuve » d’innocence de toutes pièces, avec la complicité de cette haute administration qui ne rêve que de reprendre en mains le pays. Faut-il être « couillon », « débile » ou « naïf » pour croire que l’inspection des finances trouverait un preuve matérielle de l’intervention éventuelle de son ministre de tutelle ! D’abord parce que ce serait d’une incommensurable bêtise que celle qui aurait conduit un ministre du budget à donner des ordres écrits..Il faut être inspecteur des finances pour croire que c’est par écrit que l’on exempte une personne d’enquête fiscale ? Par écrit… quand on sait ce que Woerth devait obligatoirement savoir ? Qui peut imaginer qu’un homme intelligent comme lui aurait pu faire pareille erreur ? Ensuite s’il y avait eu la moindre trace, les services spécialisés ont eu plus d’un mois pour la faire disparaître, et la perquisition chez Clymène a tout occulté. En résumé, en diligentant une enquête, on en connaissait le résultat à l’avance : il serait négatif !
Bien évidemment aussi, personne n’aura donné son accord sur le remboursement de… 30 millions d’euros. C’est un Kerviel fonctionnaire de Bercy incontrôlable qui a décidé ce remboursement sans l’accord de ses supérieurs ! Ecoutez donc bien la suite : chaque fois que les chantres de l’honnêteté politique (dont le Chef de l’Etat français) évoqueront « le rapport de l’Inspection générale des Finances », ils vous tromperont. « Ce n’est pas un rapport de l’IGF, qui a été produit, mais un rapport personnel de son chef, Jean Bassères, très estimable haut fonctionnaire certainement, mais nommé par son ministre, et dont le sort ultérieur (promotion ou placard) dépend de lui, ainsi que l’explique Le Monde dans un excellent article d’une de ses spécialistes économiques. Se faire blanchir par l’administration placée sous ses ordres : si Poutine (au hasard) avait recours à cette grosse ruse, on entend d’ici les ricanements de la presse française. En France, on trouve encore des journalistes pour détailler la perfection du système » explique Daniel Schneidermann sur son blog.
Et ce soir, le Chef de ce qu’il reste de cette République chancelante, va dramatiser la situation de la France, vous faire peur, vous angoisser, vous affoler et se positionner en Clémenceau de la guerre économique (vous allez voir quand je vais être chef du G20 !). Il va laver plus blanc que blanc avec ses petits bras musclés, ce brave Eric Woerth jeté aux chiens par Médiapart, et il va noyer cette affaire définitivement… et faire des promesses comme pour la lessive de la mère Denis, sur une République irréprochable, proche de celles et ceux qui souffrent. Il va laisser l’opposition s’époumoner sur des valeurs et des principes dont il se soucie aussi peu que de sa première enveloppe ! Le 14 juillet arrive. Il y a encore des bastilles à prendre !

(1) Voici deux résumés des parcours édifiants dressés par Jacques Serieys d’André Bettencourt et Eugène Schueller
Eugène SCHUELLER. Né le 20 Mars 1881. Créateur d’un groupe capitaliste comprenant : l’Oréal, Monsavon, les vernis Valentine et le shampoing Dop, il lance plusieurs journaux et revues. Financeur principal de la Cagoule, il continue à travailler politiquement dans le milieu pétainiste avec Eugène Deloncle et d’autres cagoulards en 1940. C’est ainsi qu’il est un des fondateurs du fasciste et collaborationniste MSR, avec le soutien de l’ambassadeur du Reich, Otto Abetz, et l’approbation personnelle du chef de la Gestapo, Reinhardt Heydrich. Les réunions de la direction du MSR se tiennent au siège de L’Oréal (14, rue Royale à Paris).
Le 22 juin 1941, le Reich attaque l’Union soviétique. Deloncle et Schueller décident de créer la Légion des volontaires français (LVF) pour combattre le bolchévisme sur le front de l’Est et de la placer sous l’autorité de Jacques Corrèze. Tous ses membres prêtent serment d’allégeance au führer. Grâce au témoignage d’André Bettencourt et de… François Mitterrand, Eugène Schueller est relaxé à la Libération au motif qu’il aurait aussi été résistant. L’Oréal devient le refuge des vieux amis. André Bettencourt rejoint la direction du groupe. Avec l’aide de l’Opus Dei, Henri Deloncle (frère d’Eugène) développe L’Oréal-Espagne où il emploie Jean Filliol. Quant à Jacques Corrèze, il devient patron de l’Oréal-États-Unis. En 1950, André Bettencourt épouse Liliane, la fille unique d’Eugène Schueller.

* ANDRE BETTENCOURT n’a que 17 ans en 1936. Après la défaite de 1940, il devient le patron français de la PropagandaStaffel, placé sous la triple tutelle du ministre de la propagande, Joseph Goebbels, de la Wehrmacht et de la Gestapo… De1940 à 1942 il dirige l’hebdomadaire collaborationniste La Terre Française où il laisse libre cours à son antisémitisme « Pour l’éternité leur race est souillée ». A Vichy, il partage son bureau avec Jean Ousset, le responsable du mouvement de jeunesse de la Légion française des combattants de Joseph Darnand.
Fin 1942, André Bettencourt est envoyé par Eugène Schueller « aryaniser » la société Nestlé en Suisse, dont le patron de L’Oréal est devenu l’un des actionnaires principaux. A la Libération, il reçoit la Croix de guerre 1939-1945, la rosette de la Résistance et la Croix de chevalier de la Légion d’honneur alors qu’aucune preuve réelle ne prouve son action en ce sens. Son bureau Rue Saint Dominique de la PropagandaStaffel devient une résidence de l’Opus Dei. Il crée le Journal agricole, pour les anciens lecteurs du pétainiste La Terre française. Devenu Indépendant et Paysan comme beaucoup d’anciens pétainistes il sera plusieurs fois député et ministre sous les 4ème et 5ème République. Marié avec la fille d’Eugène Schueller qui devient Liliane Bettencourt, plus grande fortune française.

Cet article a 7 commentaires

  1. Suzette GREL

    Un peu d’histoire…. explique l’aisance dans le fonctionnement du système d’information !
    Cette politique en rappelle d’autres tout aussi troubles.
    Aprés la mobilisation de la rue, il reste à mobiliser les consciences même pendant la période estivale.
    Le 14 juillet est un moment favorable…

  2. Michel d'Auvergne

    L’homme aux talonnettes est assis sur le volcan, son postèrieur dégage une forte odeur de roussi, mais les effluves ne sont pas hertzialisables et le bon peuple cathodique, même TNTéïsé ou parabolisé, a du mal à comprendre…

  3. Annie PIETRI

    ……La messe est dite, si j’ose dire!
    Saint Nicolas a parlé. Eric Woerth et lui-même sont des anges, blancs comme neige, purs et irréprochables, d’ailleurs ces messieurs de l’IGF l’ont dit après avoir procédé, en une semaine, au contrôle approfondi et minutieux de 6500 dossiers fiscaux……On voit bien que ces gens-là n’ont jamais examiné le moindre dossier fiscal !!! Et je sais de quoi je parle…..Le seul souci du bon saint Nicolas, c’est le bonheur des français, la justice, l’efficacité, la bonne administration de la France…. Et il ne pense jamais aux élections présidentielles de 2012. Il en rêvait en se rasant, autrefois, mais plus maintenant : il a bien d’autres soucis !
    Il nous a encore une fois pris pour des c….Combien de français se sont-ils laissé convaincre par ces balivernes ? Faisons confiance à la sagesse et à la lucidité populaires…..

  4. Michel d'Auvergne

    Ici en Auvergne, on a un maire (labelisé UMP) qui a décidé de relancer l’activité économique (risible, mais absolument véridique) de sa bourgade (4800 habitants) aveec l’aide… des Hells Angels ! C’est de l’ultra-ultra libéralisme, le pire c’est qu’a défaut de récolter des subventions qu’il esperait benoitement du Conseil Général, il a réussi par le biais des associations, en promettant forces retombées financières, à lever quelques escouades de volontaires pour tenir parkings, buvettes, ramasser cannettes et seringues qui vont trainer ça et là !
    On se demande ce qu’il va advenir du tissu associatif après cette aventure.
    Quel rapport avec ta chronique, Jean-Marie ? Les sectes qui noyautent tout !
    Un conseil ? Surveiller Boutin.
    Allez, chalut vouzautres.

  5. gilles baillet

    Bonjour,
    le rappel des liens entre Loréal et la « Cagoule » est à saluer tellement les médias les ont « oubliés ». Parce que le système Loréal au sein des droites françaises date des années 30. Je rajoute à vos références un livre considérable réédité en janvier 2010 à savoir Le choix de la défaite, les élites françaises dans les années trente d’Annie Lacroix-Riz. Nonobstant l’engagement communiste orthodoxe de mme Lacroix-Riz, cet ouvrage monumental établit à partir d’archives policières, diplomatiques allemandes etc le lien entre la haute finance et la fascisation de l’appareil étatique qui a débouché sur le régime de Vichy, le tout avec les soutiens de l’Italie, l’Allemagne et l’Espagne franquiste.Ce choix des élites était dicté par la volonté d’écraser les droits sociaux acquis par la classe ouvrière à la suite des grandes grèves du Front populaire de mai juin 1936. Aujourd’hui, le but de la haute finance n’a pas changé et l’affaire Bettencourt n’est qu’un cas d' »arrosage »: que voulez-vous, il faut bien récompenser ses domestiques…
    Cordialement
    PS: dans la saga Loréal, il y a aussi le fantôme de François Mitterrand qui flotte. Ce dernier a été employé par Eugène Schueller de 1945 à 1946 comme directeur d’un magazine de beauté contrôlé par le groupe. En outre, avant la seconde guerre mondiale F. Mitterrand était trés lié à Eugène Deloncle, chef de la célèbre « Cagoule » dont il était amoureux de la soeur et certainement de ses idées. Il a alors tissé des liens durables avec Eugène Schueller, l’un des financiers de la « cagoule ». Durant toute sa vie, il comptera parmi ses trés proches un certain François Dalle, président directeur général de Loréal pendant 40 ans. Mais il est vrai que F. Mitterrand fut une exception: le seul homme né politiquement à l’extrême droite, devenu chef du plus grand parti de la gauche…

  6. La prochainefoisdemandezmoi

    bonjour à tous !
    ANDRE BETTENCOURT devient le patron français de la PropagandaStaffel ??à 21 ans ?? c’est pompé copié collé sur Voltaire sur forum.actionantifasciste.fr?www.rue89.com?courantlibre.solidairesdumonde.org ?
    en fait tout le monde a copié collé c’est de la propagand (e) …??
    Et pourquoi sous son GOuvernement Mendès-France en 1954 ?? le nomme Secretaire d’état chargé de l’information !! pour ses talents de Collabo ??NON TOUT CELA EST FAUX , quel historien vous faites !! le jeune Bettencourt a simplement proposé deux articles au journal hebdomadaire « la terre française » et envoyé de Normandie ou il était réfugié avec sa famille , ces articles sont acceptés.Il a alors tenu plus ou moins régulièrement une rubrique dans ce journal appelé « debout jeunes gens » En fait il écrivit 64 articles, sur une période entre 1940 et 1942 dont certains franchement anti-sémites.c’est d’ailleurs à la suite d’un article dithyrambique en 1941 sur le livre de Schueller « la révolution de l’économie » que la rencontre eut lieu !!
    De la, à lui mettre le titre de responsable de la propagandestaffel …c’est un peu trop gros comme sa rencontre avec Schueller lors de la Cagoule !! il avait 14 ans !!

    a propos de PropagandStaffel On oublie aussi Henri Filipacchi le père de Daniel …et sa liste Otto !!

    Réponse : j’ai indiqué dans mon blog que ces précions sont extraites d’un article de Jean Serieys. Je ne suis pas historien et je n’ai nullement la prétention d’être historien. en revanche je note que vous apportez d’utiles compléments sur les talents journalistiques de Bettencourt et que vous confirmez qu’en 41 il a rencontré on futur beau-père sur lequel apparemment vous n’avez aucune contestation… A part ça vous avez le droit de ne pas être d’accord avec ces biographies.

  7. La prochainefoisdemandezmoi

    je n’attendais aucune réponse , ne vous meprennez pas je ne suis qu’historien neutre pas moraliste ni politique , et ss états d’ame , et le personnage est tel que décrit , la morale et la literrature peuvent maintenant prendre possession du personnage ce n ‘est plus mon soucis …je m en lave les mains …

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