Pouvons nous croire en la sagesse ?

Incroyable ! il y a encore, à Paris, une institution qui travaille entre le 14 juillet et le 15 août. Il est vrai que la majorité de ses membres a l’habitude de montrer l’exemple en bossant bien après l’âge légal futur du départ vers la retraite. Ils continuent à servir la Nation de manière exemplaire. Aucun des membres du conseil constitutionnel n’a en effet moins de 67 ans…Tous sont volontaires pour continuer à agir d’arrache-pied dans l’intérêt du plus grand nombre. Avec 84 printemps, Valéry Giscard d’Estaing tient lieu de doyen, quand il vient occuper son siège aux côtés de son meilleur ami… Jacques Chirac (78 ans) et de celui qui l’a toujours combattu avant de le rejoindre autour de la table des sages, Michel Charrasse (69 ans). Désormais, exclusivement nommés par les plus hauts dignitaires de l’UMP, ils ont encore un brin d’indépendance par le fait que trois ou quatre ne doivent pas tout au chef de l’Etat français. Ce sont eux qui, bizarrement, tiennent une bonne part des clés de la résistance aux atteintes répétées aux principes républicains, par des textes inspirés par un clan désireux d’asseoir définitivement son pouvoir. En plein été, le Conseil, dans sa grande sagesse va, par exemple, avoir à se prononcer sur la garde à vue. Une question qui concerne absolument toutes les Françaises et les Français qui ne connaissent pas ces moments particuliers. Les Sages qui ne seront pas en vacances ou qui ne se seront pas fait porter pâles vont examiner, au cours d’une audience publique, s’il convient d’abroger plusieurs dispositions du code de procédure pénale qui fixent les règles de la garde à vue, les conditions de sa mise en œuvre, sa durée, son contrôle… Bref, les conditions d’exécution de la partie la plus sensible d’une enquête concernant un individu réputé innocent. Parmi les cinq articles qu’ils vont analyser, figure le point âprement débattu de la présence de l’avocat auprès de la personne mise en cause. Dans le contexte actuel, il est certain que cette garantie peut préserver l’égalité et la liberté, mais seule la sentence du Conseil constitutionnel préservera ces valeurs essentielles.Plusieurs arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) en 2008 et 2009 ont poussé les partisans d’une réforme de la garde à vue à exiger un renforcement des droits de la défense. En première ligne dans la bataille, les avocats, soutenus par une partie du monde judiciaire et politique, se battent pour faire valoir leurs arguments. Il souhaitent obtenir une assistance effective de la défense dès le début de la garde à vue, avec accès au dossier et présence tout au long des interrogatoires. Un idéal qui est bien différent de la situation actuelle, puisque la personne gardée à vue peut s’entretenir pendant trente minutes maximum avec un avocat au début de la mesure, puis le revoir à partir de la vingtième heure. Bien entendu, il faut considérer que le prévenu a les connaissances pour trouver l’avocat idoine… et qu’il a les moyens financiers de le choisir. Il sera très intéressant, dans cette séance « publique », de connaître la position de Jacques Chirac sur la garde à vue !
Valéry Giscard d’Estaing devrait en revanche lui damer le pion sur un autre sujet d’actualité : l’impôt sur la fortune (ISF). Saisis le 9 juillet dernier de cette question par l’Association Contribuables Associés, il devra, avec ses collègues, trancher d’ici septembre ou octobre sur un sujet qui risque une fois encore de mettre à bas la culture du sarkozisme. Il est fort possible que le Conseil constitutionnel déclare certaines dispositions de l’ISF contraires à la Constitution. On irait alors, pour le budget 2011, sur la fin de ce symbole de l’inéquité fiscale grâce à des contribuables irascibles. Les parlementaires auraient, à la hâte, l’obligation de modifier les règles de calcul de l’ISF, ou de le supprimer, dans le cadre d’une refonte générale de l’impôt sur le patrimoine. Un véritable séisme que certains parlementaires prévoient, en demandant que dès maintenant on supprime le « bouclier fiscal » qui pourrait subir le même sort si d’autres contribuables se réveillaient. L’un des arguments des opposants repose sur les plaintes maintes fois réitérées par certains assujettis à l’ISF, dont les malheureux propriétaires de terrains à l’Ile-de Ré. Dans la mesure où l’assiette de l’ISF inclut l’ensemble des biens du foyer fiscal, même ceux qui ne produisent pas de revenu, l’Impôt sur la fortune ne respecterait pas le principe selon lequel chacun participe à l’impôt conformément à sa… capacité contributive. Un argument auquel Jacques Chirac sera sensible, dans la mesure où il n’a même pas de logement lui appartenant, puisqu’il est logé par un ami bienveillant qui paie ses impôts loin du territoire national. Pour reprendre l’exemple des pêcheurs de l’Ile-de-Ré, ils sont propriétaires d’un patrimoine d’une grande valeur, sans pour autant bénéficier d’un revenu conséquent. Un retraité agricole autochtone, avec ce système qui exonère le profit mais sanctionne le patrimoine, se retrouve soumis à l’ISF au prétexte que son bien possède une valeur potentielle particulière.
Le président de la commission des Finances du Sénat sent venir le vent et, en échange de la suppression de l’ISF, il plaide pour un relèvement à 45% (40% actuellement) du taux de la plus haute tranche de l’impôt sur le revenu, une suppression… du bouclier fiscal et une augmentation de la taxation des plus-values immobilières et mobilières. Imaginez un peu la conférence de presse de Laurel Lefèbvre et Hardy Paillé, si ce conseil constitutionnel gauchiste, anarchiste, constitué de dangereux trotskistes, venait à obliger les députés godillots à avaler une extraordinaire couleuvre. Comment expliquer, alors que l’heure est à la « rigueur » selon Fillon, que l’on supprime ou modifie un impôt qui taxe «les riches» ? Et qu’en plus, ce soient des braves sages nommés par l’UMP qui les mettent dans une telle situation, vaudrait son pesant de cacahuètes. Allez chiche : garde à vue modifiée et ISF supprimée. La sagesse. La sagesse vous dis-je !

Cette publication a un commentaire

  1. pc

    Espérons qu’il mettra aussi son nez dans l’application du report de l’âge de la retraite, car, en commençant en septembre 2011 pour des gens nés en 1951, on crée une inégalité devant la loi puisque certains natifs de 1951 bénéficiant de statuts particuliers sont déjà à la retraite…une telle loi ne peut, me semble-t-il, que s’appliquer avec du décalage (comme la loi Fillon de 2003 appliquée à partir de 2008)

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