Instantanés d'été (7) : supprimons le lundi matin !

Il doit bien y avoir quelque part une étude sur la fréquentation des fameuses machines à café installées dans les bureaux, puisque les habitudes de consommation sont désormais scrutées à la loupe. Elles mettraient en évidence une véritable différence quotidienne dans les fréquentations. Il y a, par exemple, fort à parier que le lundi matin, en période de travail intense, le nombre d’utilisatrices et d’utilisateurs doit être nettement supérieur aux autres jours de la semaine. Il faut, en effet, à la fois se doper à la caféine pour surmonter les difficultés que l’on a eues pour revenir à la réalité et, en plus, se donner du courage pour affronter une semaine qui s’ouvre. Personne ne retrouve véritablement avec enthousiasme le chemin du boulot, surtout si le week-end a été bien « rempli ». Cette habitude qui veut que, depuis le vendredi soir jusqu’au lundi à la sonnerie du réveil, on se fatigue parfois beaucoup plus que sur son lieu de travail, prend une essor nouveau. Le moral dépend souvent de ce que l’on appelle la capacité à « décompresser », dans une société qui ne vit que sous pression. En fait, quelle que soit leur destination, les gens qui peuvent avoir le plaisir de prétendre à des vacances n’aspirent qu’à ne plus avoir de…lundi matin ! C’est une illusion, puisque d’abord durant l’été il faut un certain temps pour annuler le décalage horaire. Je ne sais pas si vous l’avez remarqué, c’est toujours quand il faut obligatoirement se lever que l’on a envie de rester au lit, et souvent en période estivale quand on peut le faire, on se réveille à l’heure habituelle. Il faut une accoutumance à la vacuité pour en profiter pleinement.
Le lundi matin constitue un test : quand, durant l’été, vous avez oublié ce repère hebdomadaire, vous êtes pleinement en vacances. « Mais quel jour est-on ? » c’est la question clé qui doit traverser votre tête pour des vacances réussies, et si vous n’y parvenez pas, vous repartirez aussi fatigué que vous êtes arrivés. Il faut ensuite reconnaître objectivement que le lundi matin peut être cependant encore plus dur en période estivale qu’à tout autre moment de l’année ! Il est, par exemple, certain que les participantes et participants assidus aux fêtes de Bayonne n’ont pas dû s’interroger sur les réalités de leur réveil matin ! Pour eux, ce lundi sera beaucoup plus difficile que bien d’autres… et il comporte bien des regrets. Les uns portent sur le fait que la période que l’on a attendue parfois depuis des mois a trouvé sa fin, et les autres ont trait à ce qui se passe concrètement dans sa tête. Le marteau-piqueur sous les crânes, le lundi matin, parait insupportable au point que celui qui l’entend regrette d’avoir été trop loin… dans la fête. « Si j’avais su j’aurais fait preuve de plus de modération ! » pense celui qui essaie de noyer sa douleur et son envie de vomir dans un oreiller protecteur. Encore une fois, même en vacances il faut bien convenir que le lundi matin reste le pire repère de la semaine. Au travail en hiver comme à la fête en été ! Payer un lourd tribu à sa volonté de « s’oublier » dans ces boissons dont on se prive toute l’année, devient alors aussi injuste qu’une feuille d’impôts imprévue.
Il faut donc revenir dans la vie réelle avec précaution, et une adaptation au terrain extrêmement méthodique. Pas de sortie du lit intempestive, s’asseoir sur le rebord, et attendre que le gyroscope interne cesse de tourner : le début de la sagesse. Il peut arriver que s’allonger à nouveau devienne nécessaire. Ne pas hésiter à effectuer ce repli si l’on voit bouger le plancher ou si la lumière filtrant à travers les volets ressemble à une lampe de bureau de flic pour l’interrogatoire d’un suspect ! Si ces premiers points du check-up sont positifs, on peut entamer le fameux décollage de lendemain de fête. Une première erreur consiste à penser qu’il faut filer immédiatement à la douche afin de se purifier des erreurs commises. Baliverne. Il est éminemment préférable de prendre un grand verre d’eau pour mouiller le bois sec que l’on a dans la gueule. Il ne faut jamais interrompre une humidification de la « tuyauterie » sous peine de la voir se calcifier ! Un café peut devenir indispensable, à condition qu’il soit supporté. Un second, voire un troisième, espacés sur une heure à ne surtout pas bouger, en position allongée (la chaise longue ou le canapé sont fortement recommandés), à l’ombre, car il n’y pas de pire ennemi que le soleil d’un lundi matin.
L’activité nocturne arrosée, à Créon comme ailleurs, repose davantage sur le clair de lune que sur l’activité solaire. Il y a même une dimension païenne séculaire dans la fête sous les étoiles. La nuit cache en effet toutes ces défaillances inacceptables en pleine lumière. L’office des heures qui suivent un week-end arrosé a ses rites personnels. Certains fidèles des sorties en ma compagnie se précipitent sur une cigarette condamnable mais irremplaçable, d’autres absorbent cul sec un bol de Banania. Bref il existe des recettes familiales pour tenter de conjurer le mauvais sort que vous réserve un foie fragile. J’en connais même qui prétendent qu’il faut soigner « le mal par le mal ». Ces apprentis sorciers reviennent donc aux origines de leur décadence, en sifflant, à jeun, un verre de la boisson les ayant conduit à leur perte. Enfin, l’ultime conseil est similaire en temps de travail et en temps de vacances : se mettre en mode ralenti, ou même en veille réduite ! Il n’y a aucune différence entre les lundis matins dans ces deux cas, car dans le cas où vous seriez au boulot vous essuierez les quolibets de votre « chef », alors qu’à la maison, ce sera votre mère ou votre femme qui sera la plus sévère à votre égard. Bien évidemment, l’idéal consiste à vous trouver parmi des observateurs ayant traversé la fête dans le même état que vous, car là, vous pourrez remettre cette pendule qui vous obsède à l’heure.
Enfin, sachez que malgré les déboires que vous constaterez, les lundis matins resteront toujours aussi pénibles. Dites vous qu’entre une présence permanente devant la machine à café au boulot, ou une dégustation d’un petit noir pour effacer les séquelles d’une nuit blanche, votre choix est fait. Ne reniez pas votre envie de vivre. Donnez un coup de pied dans les principes raisonnables. Évitez de culpabiliser sur votre faiblesse estivale. Pensez que demain, mardi, sera un autre jour… qui effacera le précédent. D’ailleurs, militez avec moi, pour qu’en été, le gouvernement supprime les lundis matins ! Une réforme plus utile que bien d’autres !

Cette publication a un commentaire

  1. PIETRI Annie

    On sent bien que cette description est celle d’un grand spécialiste….Et le dessin qui accompagne cette chronique est une pure merveille…Ceci dit, entièrement d’accord avec toi, profitons des bons moments, sans culpabiliser…

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