Ni paillassons, ni déchets ultimes !

Le Grenelle de l’environnement, sur lequel Mme Kosiusko-Morizet va bâtir son action, prévoit que le tri des déchets d’emballages ménagers devra atteindre 75 % des volumes produits en 2014. Pour obtenir l’accord des collectivités territoriales sur ce point, il avait été convenu que les organismes qui évitent la collecte et le traitement dépendant de leur responsabilité en la confiant aux structures intercommunales, participeraient au coût optimisé de cette prestation. Depuis maintenant plus d’un an une commission consultative d’agrément des déchets d’emballages ménagers a été constituée pour mener de « fausses » négociations avec les deux seuls organismes agréés (Eco-emballages et Adelphe). Elle est composée de 8 représentants des Maires de France, dont un de l’Association des Départements (votre serviteur). La parité politique est respectée, de telle manière qu’aucune position ne se traduise par un acte politicien dans un domaine qui dépasse largement les frontières des partis pour concerner tous les foyers français.
La concertation est assez surréaliste, car elle consiste à définir, en présence du seul organisme concerné, le cahier des charges qu’il devra s’appliquer à lui-même et notamment financièrement… Une sorte de procédure publique sans ouverture réelle à la concurrence (ce qui serait condamnable n’importe où) avec un partenaire dont la seule obsession est de payer le moins cher possible ou tout du moins de faire payer le moins possible à ses acheteurs, afin de maintenir ses marges. La défense de l’environnement arrive loin derrière… Le travail sur ce que l’on appelle le cahier des charges aura nécessité des heures et des heures de négociations et, systématiquement, toutes les demandes des élus locaux ont été réduites, noyées ou simplement refusées, à la fois par les industriels, les distributeurs ainsi que les Ministres concernés. Un combat permanent pour rappeler que les collectivités territoriales n’avaient pas vocation à demander aux contribuables de payer une seconde fois ce qu’ils paient déjà au moment de l’achat irraisonné de sur-emballages inutiles ou d’emballages difficiles à recycler.
La bataille a fait rage depuis deux mois, avec le mépris total de Jean Louis Borloo, probablement préoccupé par des sujets plus importants pour son avenir.
L’Elysée est intervenu dans le dossier pour calmer ces élus de base récalcitrants. Le président de l’Association des maires de France a ménagé la chèvre économique et le chou citoyen, en tentant d’amadouer des négociateurs trop exigeants pour leurs mandants. Résultat, alors qu’il aurait fallu pour eco-emballages débourser au minimum 750 millions d’euros sur 3 ans pour assurer un mince espoir de parvenir à 75 % de tri, on est resté à 640 millions… et donc il faudra que les élus persuadent les contribuables qu’ils doivent trier toujours plus (plus facile à dire qu’à faire), et qu’ils devront payer toujours plus (impossible à expliquer). Tous leurs efforts solidaires ont été concentrés sur ce point mais ils n’ont jamais été entendus, ce qui démontre que le Grenelle a été fait pour la gloire du régime avec , comme c’est le cas depuis des années, l’arrière-pensée de le faire payer par les collectivités !
Après maintes péripéties et une farouche résistance du groupe des élus, l’annexe du cahier des charges n’avait pas été encore votée. Une réunion spécifique était convoquée ce matin à Bercy (tout un symbole) dont les bâtiments sonnent aussi creux que les coffres qui y sont gérés. La foule était au rendez-vous, chaque camp avait emmené ses sherpas, et la lutte s’annonçait chaude puisque l’ordre du jour portait expressément « vote sans règle de quorum de l’annexe 2 relative à la prise en charge des coûts, amendée par le collège des collectivités locales… ». Ouverture de la réunion, et le réprésentant de feu le MEEDDEM annonçait un peu coincé… que l’arrêté interministériel fixant notamment les conditions de financement avait été justement publié au Journal Officiel ce matin même. Circulez, il n’y a plus rien à voir, le minsitre a décidé et bien sûr, a donné totalement raison aux grandes entreprises contributives. Ces emmerdeurs d’élus locaux, soucieux du coût des prestations demandées, n’avaient qu’à bien se tenir, et leurs revendications filaient donc directement à la pourbelle. La concertation? Qui a inventé ce mot?
Un véritable coup de poignard décoché par la bande à Borloo sur ordre élyséen, le vendredi 12 novembre, jour où le Minsitère devait bruisser d’une activité débordante ! C’est de la concertation sarkoziste dans toute sa splendeur avec une trahison 24 heures avant le remaniement officieux et 48 avant l’officiel. La trahison était préméditée.
Bien évidemment, les élus présents ont dénoncé ce qui est une trahison, une forfaiture et un véritable aveu de la liaison directe entre les puissances de l’argent et le pouvoir actuel. Un coup de fil à l’Elysée, émanant d’un PDG en cour, suffit à reléguer le Grenelle au rang de comédie pour croyants béats dans un avenir verdoyant ! Au moins, celles et ceux qui me font l’honneur de suivre ces chroniques savaient que je craignais le coup fourré. C’est fait, et véritablement sans états d’âme.
Les élus, suivis par la majorité des associations environnementales, les fédérations du recyclage ont quitté immédiatement la réunion pour ne pas être assimilés à des idiots votant sur un texte déjà inscrit unilatéralement dans la loi. Le côté du monde du profit organisé avait le sourire, mais bien évidemment ils l’ont perdu quand ils ont constaté que le monde du profit et celui des arrangements entre amis se retrouvait unis dans la magouille. Cette attitude est scandaleuse et détestable, mais réelle.
Les élus locaux de Gironde, et d’ailleurs, se réveilleront-ils un jour ? Quand auront-ils conscience qu’ils se font trainer dans la boue, ridiculiser par ces gens qui devant eux jurent, la main sur le cœur, qu’ils les défendent et qui, à Paris, les abandonnent ? Je suis véritablement excédé de cette hypocrisie dévastatrice qui nous transforme en paillassons et en déchets du pouvoir actuel.

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