Mal payés de leur dévouement à la cause

Quelle que soit la réforme mise en place par le gouvernement, depuis déjà plus de 8 ans, les médias font systématiquement le même constat : le sénat a adopté le texte et le plus souvent l’Assemblée nationale a voté telle loi. En fait, il s’agit d’une approximation coupable qui vise à tromper les citoyens et à diluer les responsabilités dans une généralité. Peu de réformes ont été adoptées par le Parlement dans sa globalité puisque, chaque fois, il faudrait écrire ou dire « la majorité de droite du sénat » ou la « majorité de droite de l’assemblée nationale » a accepté de voter les propositions du gouvernement. Ainsi, dans des courriers adressés aux députés ou sénateurs de gauche, des généralisations hâtives permettent de mettre dans le même « panier » celles et ceux qui ont voté et celles et ceux qui ont refusé ! Dramatique, puisque jamais les journaux ne soulignent, par exemple, sur une réforme, la position des élus. Il suffirait pourtant, après chaque vote, de consulter le J.O. ou le site de l’assemblée, pour constater qu’il y a toujours une divergence entre les positions locales de certains, et leur soutien, à Paris, aux erreurs du pouvoir en place.
Par exemple, il serait intéressant de savoir qui a voté la réforme de la taxe professionnelle, en Gironde, qui était absent(e) au moment du vote, ou qui s’y est opposé, maintenant qu’arrivent les feuilles d’imposition ! Il ne serait pas inutile de publier les pour et les contre la réforme récente des collectivités territoriales, alors que désormais, face au désastre qui s’annonce, les « coupables » tentent de se faire oublier. Il arrive que, parfois, on récompense par quelques hochets les vaillants soldats qui ont, contre vents et marées, soutenu les volontés présidentielles. On leur promet, par fax, de les reconduire dans leurs fonctions, pourvu qu’ils acceptent de cautionner des régressions républicaines inquiétantes. Certes, il leur faudra ensuite, à la base, se boucher les oreilles et faire profil bas, mais… comme personne ne sait véritablement qu’elle a été leur comportement, ils comptent sur l’oubli pour effacer leur attitude de godillot consentant.
Il arrive que certains soient mécontents d’être allés au feu, contre leur volonté et en courant le risque de se faire sanctionner par un électorat récalcitrant, pour ne recevoir que des clopinettes. On ne mène en effet jamais des combats injustes sans espoir de récompense. Le président des sénateurs UMP, Gérard Longuet, espérait, par exemple, qu’après la victoire étriquée et le vote du Président du sénat qui a sauvé la réforme des collectivités territoriales, il recevrait un maroquin ministériel. Le chef de l’Etat le lui avait promis en échange du muselage des états d’âme de ses disciples sénatoriaux. Il a tout fait. Il a tout promis. Il a tout supporté. Il a appris qu’il resterait là où il était, avant que lui ne le sache ! Une terrible désillusion pour celui qui a arraché une victoire à la Pyrrhus pour faire plaisir à son maître. Les 3 sénateurs girondins UMP l’ont suivi dans cet assassinat programmé des pouvoirs locaux, mais ils vont rapidement tenter de le faire oublier… en expliquant que la discipline de vote s’imposait à eux.
Il y a de la « déception » dans les mots de Longuet, pour qui tout travail de trahison de ses mandants mérite un encouragement. Sa déception est apparue quand le patron des sénateurs UMP a eu connaissance de la composition du nouveau gouvernement, dont la seule préoccupation semble être, pour lui, le « premier tour de 2012 ». Incroyable : personne ne s’en était aperçu. Il fait savoir qu’il aurait aimé « des formes de politesse » de la part du Chef de l’Etat français, un peu comme les billets que l’on glisse aux tueurs à gage ayant exécuté une mission. « L’ouverture à l’ensemble de la majorité n’est pas réussie, dans la composition de ce gouvernement : une fois enlevés les chiraquiens historiques, il reste peu d’acteurs », poursuit le sénateur de la Meuse. En fait, il reproche surtout à son mentor de lui avoir promis un Ministère et de l’avoir oublié au profit des quelques collègues n’ayant pas été aussi efficaces que lui !
« Quand on forme un gouvernement restreint, il faut à la fois des critères d’exclusion et des formes de politesse. Les critères n’étaient pas clairs et les formes expéditives », assène celui qui était pressenti pour décrocher un portefeuille ministériel. « J’ai un très beau job. Il suffisait de me demander de le garder, et je comprenais. » D’ici à ce que ce parangon de transparence politique et financière trahisse à la première occasion et oublie de mobiliser les troupes fidèles, il n’y a qu’un pas, que ce brave sénateur pourrait franchir. Il s’est démené pour rien, car les dégâts de la réforme territoriale vont être tels, dès les budgets 2011, que la Gauche unie peut, pour la première fois, renverser la majorité actuelle au Sénat !
Aucun texte sur les fameuses réformes en voie d’annulation, de réduction ou de modification, n’a été voté avec toutes les composantes des assemblées… mais peu importe, les médias continueront de laisser entendre qu’elles ont été soutenues par l’ensemble des élus. Il est vrai aussi que le Sénat est le dernier souci de l’UMP qui a, par contre, débattu de la présidence du groupe au Palais Bourbon… Cause toujours, Longuet, tu ne nous intéresses pas ! Au château, là-bas, on sait fort bien que les sénateurs UMP renouvelables plieront l’échine pour leur bol de lentilles !

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