De dangereux terroristes budgétaires au Sénat

Il faut s’attendre dans les prochains mois à une révolte régulière du Sénat dont quelques membres éminents, dits de la majorité présidentielle, voient d’un mauvais œil se profiler la porte de sortie. Empêtrés dans les réformes territoriales et fiscales, les « Sages » regimbent, car ils savent bien que demain on ne les rasera plus gratis et qu’ils devront bien rendre des comptes sur leur soutien à un gouvernement totalement discrédité. Face à la confection de leur budget 2011, les élus locaux commencent à comprendre que les replâtrages incessants des dégâts causés par les foucades politiciennes du Chef de l’Etat français passent de plus en plus mal à la base. Tout le monde se ronge les ongles pour finir 2010 et se bat les flancs pour arriver à se satisfaire de ce qui est annoncé en 2011. Et ce n’est rien, car 2012 sera une année terrible pour le contribuable local, dindon des apparences de réformes. Il faudra bien encore, dans ce domaine, payer les cadeaux faits par les moins pauvres aux plus riches ! Il n’y a aucune alternative. L’Etat vit à crédit et emprunte à tout va pour payer son quotidien depuis le mois d’octobre. Les Sénateurs UMP le savent bien, et ils se retrouvent le dos au mur. Le Sénat a donc voté hier soir par 177 voix contre 153, après l’Assemblée nationale, un projet de budget pour 2011 (PLF) qu’il a largement détricoté, souvent à l’issue de bras de fer avec le gouvernement. C’est le signal de la révolte. Longuet, vexé de ne pas avoir été nommé Ministre a laissé les troupes batifoler dans le camp de la contestation.
Comme à l’Assemblée en première lecture, le gouvernement a dû passer en force avec une deuxième délibération sur une des mesures : la suppression de l’abattement de 15% de cotisations sociales sur les emplois à domicile, que les sénateurs voulaient maintenir. C’est « l’économie la plus importante du PLF avec près de 460 millions d’euros », a clamé François Baroin. Bêtise, car entre le travail au noir qui va s’instituer (on a supprimé les contrôles faute de fonctionnaires) et la baisse des heures données, le bonus ne dépassera pas 100 millions et pas 460 ! C’est une supercherie.
Le gouvernement a cependant renoncé à demander un nouveau vote sur les autres modifications du Sénat, renvoyant la question à la Commission mixte paritaire (CMP, 7 sénateurs, 7 députés) qui sera chargée, le 13 décembre, de trouver un compromis Sénat-Assemblée. Elle a toujours trahi le Sénat, car il y a nécessairement un centriste pour faire l’appoint ! François Fillon est même monté au créneau, réclamant, lors de la réunion des députés UMP, le retour à la copie votée par l’Assemblée. Il s’est déclaré prêt, en cas d’échec de la CMP, à laisser l’Assemblée nationale avoir le dernier mot. Gageons que ce sera sanglant. Il n’y a plus qu’à dissoudre le Sénat.
Le chef de file des sénateurs UMP, Gérard Longuet, avait pourtant appelé le Premier ministre, lors de sa déclaration de politique générale le 25 novembre, à tenir compte de « la valeur ajoutée » de sa majorité au Sénat, lui rappelant que l’UMP n’a pas la majorité absolue et a besoin des centristes. Peine perdue, Fillon se fout pas mal de ce que pensent les centristes qu’il maîtrise via les investitures et le pacte Sarkozy-Borloo de non-agression provisoire. Ces derniers, mécontents du dernier remaniement ministériel, ont donc tapé du poing sur la table, permettant de nombreuses modifications.
Alors que François Baroin a martelé que ce budget signe une « réduction drastique des dépenses publiques, jamais vue depuis 50 ans » pour permettre de réduire de 60 milliards le déficit, les sénateurs ont estimé que le compte n’y est pas. Et ils ont raison… ils sont pris pour des gogos ou des godillots
« Près des 2/3 de l’amélioration du solde du budget de l’Etat en 2011 résulteront d’économies liées à la non reconduction du grand emprunt, du plan de relance ou du plan Campus », a contesté le président centriste de la commission des Finances, Jean Arthuis qui ne passe pas pour un godillot et qui le fait savoir. Les apparences. Uniquement les apparences, mais en réalité la faillite est toujours là qui menace, car la rigueur ne s’applique qu’aux outils d’investissement, les seuls qui peuvent éviter la récession et le chômage.
« Quel est l’effort du gouvernement ? », a interrogé le rapporteur général UMP, Philippe Marini. Surprenant, quand on sait que Fillon a promis la rigueur avec le goût de la rigueur, le parfum de la rigueur, sans que ce soit la rigueur ! Du coup, les sénateurs se sont attaqués à quasiment toutes les mesures, tranchant dans les unes, supprimant d’autres, renforçant certaines.
Ils ont supprimé plusieurs dispositifs introduits par l’Assemblée : droit d’entrée de 30 euros pour la couverture médicale gratuite pour les étrangers en situation irrégulière, taxation des sacs en plastique, taxe « Tapie » sur les indemnités de plus d’un million d’euros pour préjudice moral, la publicité diurne sur France Télévisions. Ils ont rétabli les crédits de la Halde gelés par l’Assemblée, retouché l’imposition de la retraite des élus parisiens.
Les sénateurs ont également réduit l’avantage fiscal des sociétés, tiré de la suppression de la taxe professionnelle, exonéré les auto-entrepreneurs de cotisation foncière, limité la baisse de l’aide aux riverains des sites Seveso, supprimé la réduction d’impôt sur l’achat de résidences de tourisme, ramené la ponction sur les HLM à 150 millions d’euros, attribué 4 millions d’euros à l’enseignement privé. Bref ils ont piétiné toutes les décisions gouvernementales, laissant en lambeaux le Projet de Loi des Finances. Inadmissible. Impensable. Délirant. Peu importe, mais révélateur de cette majorité présidentielle réputée plus unie, plus solidaire, plus convenable que ce PS divisé, irréaliste et peu fréquentable. Du moins c’ese que disent les médias.
Ballottée entre ses tendances, attaquée de l’extérieur et de l’intérieur, atone sur le plan des idées et des propositions, l’UMP est même taillée en pièces au Sénat où pourtant les révolutionnaires ne sont pas légion. Il faudra donc utiliser des subterfuges de procédure pour faire adopter un texte initial dont on sait fort bien qu’il est déjà obsolète dans ses prévisions de croissance. Peu importe la flacon, il faut donner l’ivresse de la fermeté, de la pugnacité en laissant filer les recettes potentielles d’un côté et en tapant au maximum dans tout ce qui peut être dépenses de solidarité sociale. C’est la rigueur sélective pour une frénésie élective. On peut tout vous promettre avec la certitude que de toute manière ce sera ainsi et pas autrement. C’est ce que l’on appelle là haut la démocratie participative.

Cette publication a un commentaire

  1. pc

    heureusement que tu es là pour nous informer, car de tout cela aucune trace dans les grands médias sauf peut-être dans les émissions spécialisées hors grande écoute.

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