Quand les pyromanes achètent un camion de pompiers

Il est parfois dommage de ne pas pouvoir conserver toutes les archives de ses engagements dans la vie publique, car en les ressortant, on aurait l’impression de ne pas avoir été trop nul dans ses combats. Par exemple, comme c’est la période des rétrospectives que vont diffuser toutes les chaînes de télévision, il serait intéressant de constituer un best off des déclarations du Chef de l’Etat français en 2010. Il y aurait trois rubriques : il l’a dit… il ne l’a pas fait…il a ensuite dit le contraire…il l’a fait quand même, ce qui permettrait de voir le chemin parcouru en marche arrière, depuis son arrivée au pouvoir. Si les archivistes avaient le temps, il ne serait pas mal de mettre bout à bout les promesses du candidat Sarkozy et la situation actuelle du pays, sur des thèmes comme la sécurité, la justice, l’emploi, l’agriculture, l’artisanat, la culture… mais rassurez-vous, votre réveillon ne sera pas gâché par un « best off  » des morceaux choisis présidentiels, car vous en perdriez l’appétit, si vous avez encore les moyens matériels de faire réveillon !
Il serait aussi pas mal de retrouver les extraits des éditoriaux des grands médias faisant l’opinion dominante dans les mois précédant le vote sur le traité constitutionnel européen, ce texte qui devait sauver le continent de tous les maux de la mondialisation, grâce à la mise en œuvre du concept de « concurrence libre et non faussée ». L’ultra libéralisme combattu par quelques courageux qui ont préféré le respect de leur conscience aux consignes partisanes, a été voué aux gémonies, car il mettait en péril la « construction européenne » qui ressemblait, en fait, à un échafaudage dans un pays de l’ex-tiers monde ! Dommage, là aussi, que je n’aie point des traces de mes interventions dans quelques sections du PS, où j’ai failli être envoyé au goulag pour contestation de la ligne du parti. Comme d’autres, je n’ai été sauvé que parce que le Peuple avait donné raison au combat que nous avions mené pour une autre Europe politique, protectrice, démocratique, constructive et surtout sociale. Rien à faire, la pression des lobbies du profit était telle que l’avis populaire majoritaire a été ignoré, décrédibilisé et bafoué, par l’utilisation de la voie plus aisée des filières institutionnelles plus faciles.
Personne n’osera ressortir les grands discours des partisans du OUI promettant, grâce au traité, des lendemains qui chantent, à cette Europe hétéroclite, sans gouvernance, sorte de boat people livré aux lames de fond de la crise. Les vertus de l’Euro étaient vantées et on allait même jusqu’à affirmer sur des estrades de salle des fêtes qu’il constituerait un rempart, un blindage efficace, contre toutes les dégradations économiques. La mondialisation ? L’Europe, grâce au Traité, se sortirait de ce piège monté par un milieu économique plaçant le profit au-dessus de toute autre considération. Les faits ont démontré que rien ne pouvait empêcher, dans une Europe libérale, le saccage des emplois, la fermeture de pans entiers de l’industrie, la montée du chômage. Le plombier polonais ? L’harmonisation des systèmes sociaux, fiscaux et de solidarité par le haut et non pas par la destruction des garanties apportées, faisait sourire dans les rangs des partisans de la libre entreprise…Le rôle de la Banque européenne et son contrôle par le « politique » étaient balayés d’un revers de mains idéologique. Le libéralisme était la panacée du bonheur humain, puisqu’il permettait le fameux rêve individuel de l’accession à la fortune, sur les principes, travail, famille, profit !
En fait, depuis que la crise est passée, on a bien vu que le Peuple avait eu raison de se méfier d’un texte volontairement indigeste et maquillé, mais plus personne n’en parle. Enfin, presque plus personne, car maintenant, il semble que le traité dit de Lisbonne, totalement dépassé dès qu’il a été adopté au forceps, soit contesté par ceux qui l’ont défendu et mis en place. Oublié l’Euro protecteur, car il est proche de la dissolution (2013 ? 2015 ?) et les ténors du libéralisme se réunissent à Bruxelles pour tenter de le maintenir en vie. Le sommet européen destiné à consolider le sauvetage de l’euro laisse maintenant aux observateurs zélés des télés, des radios et des journaux qui comptent, une « curieuse impression ». Les chefs d’Etat et de gouvernement réalisent selon eux, aujourd’hui, un travail qui aurait dû être fait avant de lancer la monnaie unique : « faire converger les politiques économiques et fiscales, surveiller étroitement la politique budgétaire des Etats membres, et mettre en place un dispositif d’intervention rapide et permanent ».
Extraordinaire : ils découvrent ce que clamaient les partisans du NON au Traité européen, et qu’ils continuent à réclamer, pour beaucoup d’entre eux. Je me souviens, dans des débats, n’avoir rien demandé d’autre… que ce constat désormais tardif !
Cette fois, l’Union européenne vient donc de se doter d’un « Fonds de secours durable », un « FMI européen », capable de prendre des décisions rapidement et non en trois mois, comme face à la crise grecque. Encore une fois, on soigne la maladie, mais on ne met pas en œuvre une politique de prévention. Les libéraux dépensent des milliards pour compenser les dégâts créés par le système économique et financier, mais ne règlent toujours rien sur le fond car ce serait contraire aux règles ultra libérales du traité constitutionnel et à ses annexes. Le sommet de Bruxelles a entériné le fait que les banques et fonds privés détenteurs de dette publique « pourront, au cas par cas », contribuer au sauvetage d’un pays en faillite. Tu parles…
Vœux pieux, qui verront les banques et les investisseurs augmenter la prime de risque, et donc les taux d’intérêt imposés aux pays demandeurs. A moins qu’ils refusent tout simplement de s’engager à prêter de l’argent à un pays en pleine déconfiture… ou à une collectivité locale qui aurait investi (ça commence). Des mesures inutiles, sauf à penser que les Etats renationalisent les banques pour peser sur leurs choix, ou à leur donner, grâce à la générosité des contribuables, les fonds publics nécessaires à ces actions de salut public ! Qui va payer : le salarié !
La BCE s’est d’une manière subtile invitée au sommet de Bruxelles, en annonçant un doublement de son capital, qui va passer de 5 à 10 milliards. Elle double ainsi sa capacité d’intervention sur les marchés, quand il s’agit d’acheter de l’emprunt irlandais ou grec.
Préparer le camion de pompier est une excellente chose, mais éviter l’incendie eût été préférable, en n’infligeant pas aux peuples un traité de complaisance pour les exploiteurs de la planète. Mais circulez, il n’y a plus rien à voir, et personne ne rappellera les propos d’alors. Ce serait croire au Père Noël !

Cet article a 2 commentaires

  1. baillet gilles

    Bonjour,
    c’est bizarre cette propension qu’ont nos gouvernants à nous prendre pour des cons. On vote contre le traité constitutionnel et hop, il réapparaît sous la forme d’un traité de Lisbonne, approuvé par la majorité nécessaire du congrès de Versailles. Et maintenant ce texte que ses partisans nous présentaient comme une panacée doit être modifié parce qu’il n’est pas adapté à la situation de crise actuelle…Le mieux serait de le supprimer et de remettre le fonctionnement de l’Union européenne à plat. Si elle ne demeure qu’une zone de libre échange dans laquelle notre pays perd des plumes, victime de la concurrence déloyale d’autres membres, il faudra se poser la quetion de continuer l’expérience… Ou cet espace choisit la coopération et l’entraide entre les nations, ou il n’a plus de raison d’être.
    Trés cordialement

  2. J.J.

    Et bien oui, les Cassandre sont toujours moquées, mal vues, si ce n’est vouées au supplice, pour avoir dit les dangers de projets mirobolants autant que faramineux qui se terminent en queue de poisson.

    Mais au moment du désastre, ces décideurs qui nous ont plongé dans le désordre et la confusion continuent à faire les matamores persuadant le bon peule de la justesse de leur raisonnement (ou résonnement, comme les barriques vides ?)et de leur indispensable supposé bon sens.

    Il n’est jamais bon d’être clairvoyant, comme le chante Guy Béart, qui fait un retour remarqué :
    « Le premier qui dit la vérité,
    Il doit être éxécuté… »

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