Le régime régénérant du Dr Hessel !

En octobre dernier, Stephane Hessel publie à… 93 ans, un ouvrage d’une trentaine de pages qui devient rapidement un best-seller. « Indignez-vous » a déjà été tiré à 500 000 exemplaires. A son âge, ce best-seller comble un homme qui a été un résistant courageux et discret. Il y dénonce les écarts de richesses grandissants, le manque d’humanité envers les sans-papiers et les Roms, la dictature des marchés financiers et les acquis sociaux de la résistance, comme les retraites ou la sécurité sociale, bradés par le gouvernement. Bref il fait un tableau réel d’une situation que je n’ai cessé de dénoncer dans ces chroniques depuis des années.
Stéphane Hessel est un Français né à Berlin, et son père était juif. Il rejoint la résistance avant d’être déporté à Buchenwald durant la Seconde Guerre mondiale. En 1948, il participe à la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l’homme, avant de devenir ambassadeur de France. Stéphane Hessel a récemment été candidat sur une liste Europe Ecologie aux élections régionales… ce qui honorait celles et ceux qui lui avaient réservé cette place. Si vous n’avez pas encore choisi un cadeau pour l’ami auquel vous voulez du bien, offrez donc pour 3 euros son ouvrage pour le nouvel an. Il vous en sera reconnaissant, car quand en 2011 il doutera de ses engagements de « résistant » au Sarkozisme, il trouvera dans cet opuscule les ressources nécessaires pour retrouver l’énergie qui lui manquera face à l’indifférence de l’opinion dominante. D’abord, il propose le secret de la jeunesse éternelle : chercher et trouver chaque jour un « motif d’indignation ». Il sait bien, pour l’avoir vécu, que beaucoup sont tentés par la politique de l’autruche et font semblant de ne pas constater que les raisons de s’indigner existent. Il suffit de les chercher. « Les raisons de s’indigner peuvent paraître aujourd’hui moins nettes, ou le monde trop complexe. (…) Mais dans ce monde, il y a des choses insupportables. Pour le voir, il faut bien regarder, chercher. Je dis aux jeunes: cherchez un peu, vous allez trouver. La pire des attitudes est l’indifférence, dire ‘Je n’y peux rien, je me débrouille’. » Le traitement fait aux immigrés, aux sans papiers, aux Roms sont autant de raisons pour l’auteur de s’indigner.
« Je vous souhaite à tous, à chacun d’entre vous, d’avoir votre motif d’indignation. C’est précieux. Quand quelque chose vous indigne comme j’ai été indigné par le nazisme, alors on devient militant, fort et engagé. » C’est déjà un beau programme pour un candidat de gauche en 2012, et pour bien des « adhérent(e)s » n’ayant jamais basculé dans le vrai militantisme, qui est seulement le fait de devenir un citoyen éclairant l’avenir pour les autres. Il y a dans ses quelques lignes une invitation à exister qui dérange. Je sais qu’il n’est jamais facile de s’indigner, car on est vite soupçonné d’agressivité excessive, d’auto-promotion, d’orgueil mal placé !
Stéphane Hessel éviterait bien des débats aux sein du PS en rédigeant le préambule de tout programme électoral. Pour cet homme qui, parce qu’il n’a plus rien à perdre, permet à ses lectrices et ses lecteurs de tout gagner « l’actuelle dictature internationale des marchés financiers (…) menace la paix et la démocratie. » Dans Indignez-vous, cet ancien ambassadeur met en cause notre système économique, dénonçant les écarts de richesses grandissants. « Nous n’avons pas su, constate-t-il, tirer les leçons des erreurs de la crise économique, pourtant dévastatrice. « L’écart entre les plus pauvres et les plus riches n’a jamais été aussi important: et la course à l’argent, la compétition, autant encouragée. » Diantre, ce vieillard aurait une âme de révolutionnaire! Et de proposer comme alternative que « l’intérêt général » prime sur « l’intérêt particulier », et le « juste partage des richesses créées par le monde du travail » sur le « pouvoir de l’argent ». Vous diriez qu’il est « libéral » ou « socialiste », alors qu’il est simplement sincère et lucide !
Plus que jamais je partage son avis sur le fait que les moyens actuels de contestation sont inadaptés et qu’il faudrait totalement réviser les pratiques sociales. Stéphane Hessel est convaincu que l’avenir « appartient à la non-violence », ce sage refuse d’excuser les « terroristes qui jettent des bombes ». Mais il affirme qu’on « peut les comprendre ». « On peut se dire que le terrorisme est une forme d’exaspération. Et que cette exaspération est un terme négatif. Il ne faudrait pas ex-aspérer, il faudrait es-pérer. L’exaspération est un déni de l’espoir. Elle est compréhensible, je dirais presque qu’elle est naturelle, mais pour autant elle n’est pas acceptable. » Le désespoir envahit le monde, et l’ignorer constitue une faute impardonnable. Sa progression est identique à celle de la violence sous toutes ses formes. Certes, il y a eu la décolonisation, la fin de l’apartheid, la chute du mur de Berlin… avant la fin du siècle précédent, qui ont donné à bien des peuples un signe fort d’espérance. Pour l’auteur de « Indignez-vous ! » les premières années du XXIe siècle ont été une période de recul.
« Ce recul, je l’explique en partie par la présidence américaine de Georges Bush, le 11 septembre, et les conséquences désastreuses qu’en ont tirées les Etats-Unis, comme cette intervention militaire en Irak. » « Nous sommes à un seuil, entre les horreurs de la première décennie et les possibilités des décennies suivantes. Mais il faut espérer, il faut toujours espérer. » Il a pu constater qu’il ne fallait justement pas trop espérer dans l’attitude des Hommes vis à vis du parler vrai.
En défendant bec et ongles « la Palestine, la bande de Gaza, la Cisjordanie », l’ancien résistant s’est attiré des volées de bois vert de plusieurs associations, qui n’ont pas du tout apprécié son appel au boycott des produits israéliens. Stéphane Hessel écrit aussi à propos des opérations militaires récentes de l’Etat d’Israël : « Que des Juifs puissent perpétrer eux-mêmes des crimes de guerre, c’est insupportable. Hélas, l’Histoire donne peu d’exemples de peuples qui tirent les leçons de leur propre histoire. » Dans ses vœux, il résume tout son livre avec ces constats : « la première décennie de notre siècle s’achève aujourd’hui sur un échec. Un échec pénible pour la France ; un échec grave pour l’Europe ; un échec inquiétant pour la société mondiale. (…) Une plus équitable répartition entre tous des biens communs essentiels que sont l’eau, l’air, la terre et la lumière ? Elle a plutôt régressé, avec plus de très riches et plus de très très pauvres que jamais. Les motifs d’indignation sont donc nombreux (..) Au moins nous reste-t-il une conquête démocratique essentielle, résultant de deux siècles de lutte citoyenne. Elle nous permet de revendiquer le droit de choisir pour nous diriger des femmes et des hommes ayant une vision claire et enthousiasmante de ce que la deuxième décennie qui s’ouvre demain peut et doit obtenir (…) N’attendons pas. Résistons à un président dont les vœux ne sont plus crédibles. Vivent les citoyens et les citoyennes qui savent résister! » Je ne pouvais rêver meilleure conclusion de cette année 2010 !

Cet article a 5 commentaires

  1. E.M.

    Hessel président ! 😉

  2. Annie PIETRI

    Merci, Jean-Marie, d’avoir diffusé ce texte de Hessel, qui est une pure merveille. Il a raison, et tu nous le dis depuis bien longtemps, ne perdons pas espoir, et résistons, résistons de toutes nos forces.

  3. blond

    les meilleurs voeus que nous puissons nous souhaiter seront continuons à resister et continuons à nous indigner pour une lutte sans merci vers 2012 qui passera par mars 2011
    mais particulierment à vous une bonne année encore pleine de projets et de grandes realisations
    Daniele

  4. gilles baillet

    Bonjour,
    ce petit opuscule de Stéphane Hessel est un discours pour les générations futures plein d’espoir et de générosité. C’est un peu le testament de ceux de la résistance. Je souscris pleinement à son appel à la résistance contre la dictature internationale des banque. Par contre, dans son interview à Rue 89, lorsqu’il dit que Strauss-Khan est en train de transformer le FMI en instrument pour rendre le monde plus juste, la générosité de ce grand homme se transforme en naïveté. Nos amis Grecs, Irlandais, Portugais, Espagnols, ne sont pas de cet avis. Il dit également que la social-démocratie est une idée neuve. D’accord mais pourquoi ceux que s’en réclament actuellement n’ont eu de cesse de la pervertir et de la détruire. shroëder en Allemagne, avec les plans Harts, a fait basculer 9 millions d’Allemands soous le seuil de pauvreté avant de pantoufler au service des lobbies gaziers.Sans parler de Blair, Notat Nicole, Kouchner, Besson,…la galerie des trahisons est malheureusement bien fournie. Alors oui indignons-nous, résistons, mais choisissons une méthode qui traite le mal à la racine (radicale) pour empêcher le pouvoir financier de continuer de sévir avec son cortège de délocalisations. Or si la social-démocratie choisit cette voie, c’est à dire le retour au socialisme, il lui faudra revenir sur sa conversion au dogme de la concurrence libre et non faussée, bien connue sous le nom de libre échange. Mais ça c’est une autre histoire…
    Bonne année

  5. Christian Coulais

    Je m’indigne donc je suis, si je suis, je vote ! Et dès le premier tour…

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