Enfin une année utile pour notre quotidien

C’est certain, il faut avoir une longue expérience dans la vie politique pour se permettre de commenter les vœux du président de la République, surtout quand on figure dans la liste des privilégiés qui en ont reçu le transcription écrite avant l’envoi sur les ondes télévisuelles. En fait, il suffirait, pour un citoyen normalement constitué, de se dire : « quels mots dois-je retenir de ce qui relève essentiellement de la prestation bling-bling ? » pour effectuer une analyse rapide de propos d’un Chef de l’Etat n’ayant jamais été aussi « politicien ». On était loin du destin général du pays, mais dans son discours des vœux, le locataire de l’Elysée s’est purement comporté en candidat à sa propre succession. Il suffit de se référer à une expression pour comprendre que, dans le fond, on tourne la page et on change de langage mais pas de direction. « 2012 sera un rendez-vous électoral d’importance, mais 2011 doit être une année utile » a-t-il déclaré. Et de dérouler trois réformes majeures qui signeront la fin de son premier mandat. En fait, peu de gens qui savent tout ont noté que le mot effarant était « utiles ». C’est celui qui pèse en matière de gouvernance.
Voici en effet un Chef de l’Etat qui avoue explicitement que, depuis qu’il est au pouvoir, il n’a demandé et conduit que des « réformes inutiles » puisqu’il s’engage pour 2011 a enfin en faire des « utiles ». Les députés, les sénateurs, les syndicats, les élus locaux et des millions de citoyens, se sont efforcés d’expliquer que l’action gouvernementale était justement inutile, car inadaptée totalement au contexte de crise. Qu’aurait-on entendu si, par hasard, un leader de l’opposition démocratique avait osé expliciter que tout était dicté par une vision strictement idéologique de la société ? Et pourtant, bien des réformes effectuées depuis deux ans se sont révélées strictement « inutiles » dans les faits, alors qu’elles ont été une nouvelle fois présentées comme « essentielles » par celui qui n’a fait que traduire les principes des adversaires du système Républicain issu de la dernière guerre mondiale.
Par exemple, une très grande majorité de personnes lucides répètent depuis de longs mois que le « bouclier fiscal » aura été une réforme « inutile » pour le pays. D’ailleurs le candidat aux élections de 2012 n’a pas jugé bon d’annoncer que cette mesure fiscale, totalement inique, et surtout décalée avec la nécessaire solidarité en temps de crise, allait être supprimée. Elle est pourtant reconnue comme « inutile » pour empêcher l’évasion fiscale, et pour soit disant avoir favorisé… l’investissement. Le Président a donc parfaitement raison de reconnaître que ce type de réforme fiscale doit être enfin abandonnée pour une nouvelle donne plus juste, plus équitable, plus efficace, ne pénalisant pas le revenu du travail et en taxant enfin à un niveau acceptable les profits des marchés financiers.
Autre réforme strictement inutile, celle de la taxe professionnelle, qui n’a servi en fait qu’à tordre le cou aux pouvoirs locaux qui restent le rempart contre une privatisation outrancière de la société française. C’est, de toute évidence, une réforme inutile puisqu’elle prive les collectivités territoriales de leur libre gestion, de leurs capacités d’investissement, essentielles pour l’économie, de leur capacité à rééquilibrer la présence des emplois sur les territoires, et elle n’a en rien préservé les salariés, diminué les prix ou évité les délocalisations…C’est vrai, le pays aurait pu faire l’économie de cette décision strictement électoraliste. Comme c’est le cas pour les textes, votés d’extrême justesse, sur la création du « conseiller territorial » qui conduira à une professionnalisation de la vie politique, la rendant encore moins crédible aux yeux des citoyennes et des citoyens ! Qui peut prétendre sérieusement que cette modification des équilibres territoriaux va bouleverser dans le bon sens la vie quotidienne des Françaises et des Français.
Doit-on considérer, comme l’a prétendu le Chef de l’Etat français, que la réforme des retraites allait résoudre le déséquilibre des recettes et des dépenses du système par répartition ! En fait, ce n’est, comme dans de nombreux autres cas, qu’ un effet de communication, mais en aucune façon une « réforme utile », puisqu’à aucun moment les véritables racines du mal n’ont été traitées. Un bilan du coût des exonérations sociales accordées depuis des décennies à l’égard d’un patronat, qui se contente d’ajouter à ses profits les faveurs faites par l’Etat. Voyons, la réforme ayant consisté à baisser la TVA dans la restauration, a-t-elle été véritablement utile pour l’emploi ? Il a lui-même vanté les effets bénéfiques des exonérations sur les heures supplémentaires ayant concerné des millions de salariés qui auraient amélioré leur pouvoir d’achat… mais qui ont privé d’autres salariés d’une embauche éventuelle, qui ont admis que leur entreprise ne cotise plus pour assurer leur avenir. Cette mesure strictement conjoncturelle, car liée au niveau de la consommation, ne règle rien, comme bien d’autres, pour la vie réelle du pays.
Les vrais réformes ne sont pas réactionnaires mais progressistes, pas destructrices des valeurs républicaines mais inspirées par les valeurs démocratiques, pas au profit d’une minorité mais « utiles » à la majorité ! Toutes les affirmations sur le respect de ses principes, droit sur ses talonnettes, par le Chef de l’Etat français, relèvent de la posture médiatique. L’année 2011 doit être enfin une « année utile » pour les Français, a-t-il souligné. « Nous allons donc continuer à réformer, parce que c’est la seule façon de préserver notre modèle et notre identité. » On s’attendait donc à des annonces capitales sur l’emploi, la santé, l’éducation, la sécurité et la justice. Et on a eu un premier catalogue de « réformes utiles sur « l’absentéisme scolaire » plus capital que les 16 000 suppressions de postes dans le système éducatif, les « jurys populaires » dans les tribunaux correctionnels, quand on connaît l’engorgement actuel de la justice et des prisons, de l’application de la « loi sur la burka », quand les atteintes à la laïcité sont institutionnelles.. Une véritable ambition pour le pays… et un discours adapté au contexte dramatique actuel. Bref, un dernier moment de 2010 parfaitement inutile !

Cette publication a un commentaire

  1. J.J.

    Si seulement ces décisions réformes et projets se contentaient d’être inutiles, un peu comme les médicaments ou placébos dont on dit : « si ça ne fait pas de bien, ça ne fait pas de mal « .
    Le trublion se contenterait de frétiller, après tout si ça l’amuse, laissons le prendre son plaisir où il le trouve.
    Ce qui est le plus grave c’est que ces décisions ne sont pas seulement inutiles, elles sont surtout malheureusement éminement nuisibles et dévastatrices, un peu comme un médicament qui non seulement ne soigne pas, mais encore empoisonne le patient, une sorte de médiator, en somme.

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