Quand certains payent pour ne pas voir…

En fait, il existe des mesures légales dont on peut véritablement se demander si elles ont un effet réel sur l’égalité sociale. Tout le monde sait fort bien que le seul véritable pouvoir reconnu est celui de l’argent, et que dès que les sanctions sont financières, elles incitent au respect par celles et ceux qui voient s’envoler une part de leurs maigres pécules. En revanche, il faut bien avouer que dès que le « sanctionné » à les moyens de payer, il préfère volontairement éviter les problèmes en acquittant sans barguigner la somme due ! Il en va ainsi de la fameuse loi sur le logement social, totalement inefficace puisqu’elle n’encourage pas les collectivités qui veulent agir, mais qu’elle ne sanctionne que celles qui ont les moyens de refuser l’application d’un texte inappliqué !
En effet, pour des raisons strictement politiciennes, certains maires refusent obstinément la construction sur leur territoire de logements susceptibles de… leur faire perdre, à terme, une confortable majorité. L’écrire, c’est purement scandaleux, mais c’est encore une fois du parler vrai, puisqu’ils préfèrent faire payer à leurs contribuables l’amende, plutôt que d’affronter la vindicte d’électrices et d’électeurs qui se déchaînent nécessairement contre les… cas sociaux réputés envahir les logements à loyer modéré. L’Etat n’a ainsi perçu, en 2010, que 31 millions d’euros au titre des amendes versées par les communes ne respectant pas le quota de logements sociaux imposé par la loi Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU). Ces 31 millions sont un ajout aux impôts de communes dans lesquelles les contribuables ne sont pas à une dizaine d’euros supplémentaires sur leur taxe d’habitation plafonnée ou leur foncier bâti.
D’abord, de nombreuses villes, comme Paris et Neuilly-sur-Seine, ont en effet été exemptées pour avoir investi dans le logement social…. Mais celles qui ont atteint, depuis des années, les niveaux satisfaisants ne sont pas pour autant aidées de manière similaire. C’est là que la loi SRU a fait fausse route. Il fallait pouvoir expliquer aux habitants que l’acceptation de quotas de logements sociaux n’allait pas les pénaliser financièrement, mais leur éviter de financer les avantages éventuels consentis aux familles arrivantes. Avant de sanctionner les « mauvais » élèves, il valait mieux récompenser les « bons » ! Les communes les plus taxées se trouvent sur la Côte d’Azur, dans les Alpes-Maritimes, comme Antibes (858.595 euros) et Nice (826.746 euros). Figurent également dans ce « palmarès » peu glorieux, Gemenos (Bouches-du-Rhône, 407.240 euros), L’Union (Haute-Garonne, 246.518), Arcachon (Gironde, 288.605), Pornichet (Loire-Atlantique, 250.218), Maisons-Laffite (Yvelines, 296.893), Saint-Paul (La Réunion, 275.061). Ne cherchez pas quelle est la couleur politique des élus de ces cités, dans lesquelles on paye pour ne pas avoir de solidarité à faire.
La ville de Nice précise illico dans un communiqué que « Christian Estrosi a été élu maire en mars 2008 et il a dû assumer, cette année là , les choix de la précédente municipalité. Certes, mais la municipalité antérieure n’était guère différente, par sa philosophie, de celle qui est actuellement en place ! les Niçois paieront l’ardoise !
Le secrétaire d’Etat au Logement, Benoist Apparu, avait indiqué que les « sanctions financières » pour le non-respect, en 2008, du quota de logements sociaux dans les communes s’élevaient, en 2010, à 75 millions d’euros pour l’ensemble de la France. Mais en raison des déductions autorisées pour de nombreuses villes (lesquelles et pourquoi ?) l’Etat n’avait perçu que 31 millions d’euros. La ville de Paris n’a donc pas payé 15 millions d’euros d’amende en 2010 », a reconnu le secrétaire d’Etat. Bien évidemment, on ne parlera pas d’Arcachon ou d’Antibes, mais on va s’attarder sur… Paris. Cherchez pourquoi ! En raison des fonds propres consacrés par Paris au logement social, la ville n’a en effet rien à payer.
De nombreuses villes sont dans le même cas, ce qui explique que, dans un département riche comme les Hauts-de-Seine, seules trois communes très recherchées, avec un foncier exorbitant comme Marnes-la-Coquette, Vaucresson et Ville-d’Avray, ont du acquitter des amendes et le font avec grand plaisir. « Du logement social ? Pas de ça chez nous. Donc, on préfère payer… ». Ainsi, Neuilly-sur-Seine, ancien fief du Chef de l’Etat, dont il a été le maire pendant plus de vingt ans et l’une des communes où la richesse moyenne par habitant est la plus élevée en France (bases d’imposition faramineuses) , n’a rien verser en 2010. Le système a donc ses limites, et tant que des péréquations ne seront pas véritablement mises en place entre villes « sociales » et ville « asociales » de manière significative, il existera une inégalité flagrante sur le concept de logement pour tous ! Comble d’ironie, sur les 427 millions prévus au budget 2011, 340 viendront des bailleurs sociaux. Ce prélèvement sera en effet opéré auprès de ces organismes, ce qui revient à dire que ce sont les locataires qui paieront. La subvention d’Etat est donc déjà réduite à seulement 87 millions, soit près de 10 fois moins qu’en 2008 ! c’est dire si les constructions vont s’accélérer !
Le prélèvement opéré sur les HLM représentera en 2011 près de 2% des loyers perçus ! Cette somme aurait été mieux utilisée à faire baisser les loyers pour les plus modestes, mais surtout, elle va manquer pour accroître la production de logements sociaux, qui plus est à un prix abordable. Or notre pays manque cruellement de logements sociaux : plus de… 1 700 000 demandeurs attendent un logement social ! C’est une aberration. Quand on sait, de surcroît, que la mise en œuvre du « droit au logement opposable » est totalement dans l’impasse dans les grandes métropoles du pays, la colère atteint un maximum. Mais on s’en moque bien à Neuilly, Antibes ou Arcachon ! Vous ne pensez pas que l’on va accepter des HLM !

Cette publication a un commentaire

  1. BD

    Je pense, Jean Marie, que le PS n’a pas à chercher bien loin le contenu de son programme pour 2012: il lui suffit de reprendre ce que tu dénonces sur ton blog avec beaucoup de justesse et de faire les propositions ad’hoc. Par ailleurs les demandes de logement sociaux ne visent pas seulement les plus démunis car les fonctionnaires (encore eux!) débutants sont amenés à présenter de telles demandes, le niveau de leurs salaires « mirobolants » ne leur permettant pas d’accéder à d’autres logements notamment dans la région parisienne. Mais quel déshonheur de vivre au voisinage d’une jeune professeur des écoles!!

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