Quelle objectivité dans la grande vitesse ?

La spécialité française consiste à foncer dans le brouillard au nom de principes purement subjectifs. Les études objectives servent, chez nous, à caler les pieds des tables des Ministères, mais elles se multiplient tout comme les rapports. En fait, la France des effets d’annonce reste celle qui tient la corde car elle esbroufe et permet de présenter le progrès comme une apparence contradictoire avec la réalité.
Par exemple, les Préfets font les poches des collectivités territoriales pour pouvoir présenter au grand public ébahi des projets grandioses, dont on ne sait même pas s’ils sont utiles. Il en va ainsi sur les lignes ferroviaires à grande vitesse dont on peut se demander si le coût vaut la seule véritable économie réelle, celle du temps. On cumule les millions d’euros pour des minutes économisées sur un trajet de plusieurs centaines de kilomètres… A qui profite ces avantages temporels? Aux retraités ? Aux grands voyageurs ? Aux étudiants ? Aux touristes ? Aux personnes travaillant occasionnellement à Paris ? Personne ne se pose véritablement la question, puisque l’essentiel c’est de faire. Rares sont les voyages qui me conduisent à Paris qui finissent à l’heure prévue, sans que ma vie en soit véritablement changée. Les TGV sont au moins autant en retard que les autres moyens de transport, et tous les gens qui ont une capacité d’analyse savent bien que le gain de temps n’est que potentiel. Et par rapport à quoi ? A quelle efficacité fait-on référence ? Les minutes sont-elles aussi chères que l’on veut bien le dire ? Quand sortirons nous des apparences, pour présenter les véritables enjeux ?
Quelle sera la rentabilité des 2.000 kilomètres de nouvelles lignes à grande vitesse (LGV) prévus d’ici à 2020 par le Grenelle de l’environnement ? La supercherie de cette concertation payable à crédit par les collectivités territoriales va finir par percer au grand air. Dans quelle mesure Etat, collectivités et usagers seront-ils sollicités pour financer leur exploitation ? Ces projets sont-ils la seule solution pour répondre aux besoins de mobilité des Françaises ou des Français? Peut on en envisager d’autres, moins coûteux et plus rapidement réalisables ? Les préfets tendent la sébile, mais sont totalement incapables de produire le moindre rapport objectif sur le besoin.
J ‘ai participé, il y a maintenant plus de 10 ans, à une commission nationale sur l’utilité de la Commission chargée des grands débats. Un régal purement intellectuel, mais sans aucun lendemain, car les conclusions étaient détestables pour le pouvoir en place. D’abord, je propose une refonte de la loi sur l’utilité publique, qui ne correspond plus à rien, car elle pose l’impact sur une zone, un territoire, une commune, mais ne se situe jamais dans le contexte socio-économique durable. Quels dégâts collatéraux ? Quelles conséquences sur la santé ? Quels impacts sur les équilibres économiques ? Quelles véritables priorités ? On fait parfois uniquement pour faire.
Avant que le Parlement ne se penche sur le très attendu Schéma national des infrastructures de transport (Snit), une structure parapublique (TDIE) a décidé, bizarrement, de lancer une étude prospective sur les 7 nouveaux projets de LGV issus du Grenelle, qui représentent un besoin de financement de 50 milliards d’euros. Une somme exorbitante, que l’on doit mettre en rapport avec la plus value réalisée sur la fréquentation globale d’un territoire.
Les spécialistes dans les transports souhaitent s’appuyer sur les premiers résultats de cette étude pour formuler des recommandations aux élus (tiens donc !) et aux pouvoirs publics, sans attendre les conclusions définitives, attendues avant la fin 2011. Nul ne sait si ces investigateurs lieront le contexte actuel à celui d’ il y a 30 ans. En fait, les couillons attendront l’arme au pied en faisant confiance aux autres pour changer le cours des événements.
L’étude entend balayer tous les éléments permettant d’évaluer la rentabilité économique des futures lignes. Elle présentera une vision européenne du marché ferroviaire de la grande vitesse, en particulier sur les aspects économiques (trafics, péages, comptes et endettement des opérateurs…), technologiques et réglementaires. En fait, il s’agit que les moyens manquent où l’on s’installe pour que l’on s’assure du retour des principes de gestion jamais examinés objectivement à ce jour . Sait-on jamais ? Cette étude proposera une analyse des paramètres actuels et futurs du réseau dit « grande vitesse « . On y ajoutera globalement et par ligne, notamment sur les critères financiers et économiques, le positionnement des opérateurs face à l’ouverture d’une ligne en termes de coûts et de recettes, etc. TDIE a aussi tenu à ce que soit étudiée l’offre technologique alternative à la grande vitesse (220-250 km/h) qui pourrait fonctionner à la fois sur le réseau actuel modernisé et adapté ou sur les infrastructures nouvelles. impact humain ? Niet. Conséquences environnementales ? Niet. Vision sociale ? Niet. Seulement l’angle du fric !
La partie prospective de l’étude s’intéressera aussi à l’impact du TGV ou de cette offre alternative sur la fréquentation globale des trains de voyageurs et sur les nouvelles lignes, à l’impact pour chacun des 7 projets de la libéralité des arrivants sur leur trône ! On se contente de ce qui peut être jouable dans l’immédiat… Attendons le résultat de ce travail, s’il est objectif et global, et on verra s’il est réellement « utile » et « rentable » de donner à des milliers de voyageurs du temps libre ou travaillé supplémentaire. Mais l’essentiel n’est pas là : sommes nous prêts à renoncer à des poncifs ou des idées préfabriquées par le monde du profit ? Pas certain que nous soyons aptes à comprendre à grande vitesse.

Cet article a 9 commentaires

  1. Gilbert SOULET

    Bonjour Jean-Marie,

    « …présenter au grand public ébahi des projets grandioses, dont on ne sait même pas s’ils sont utiles »…

    Tu as résumé l’essentiel.
    C’est bien de présenter des LGV et abandonner le reste du réseau aux régions en se désengageant au porte monnaie. ( Le rapport « Guillaumat » des années 75 est toujours dans les tiroirs!

    Pour ma part, je préside une association : Noster Paca qui se préoccupe non seulement des TER, mais encore des Voyageurs et du FRET.
    J’ajoute, à toute fins utiles, notre site: ;

    Très amicalement,
    Gilbert de Pertuis en Luberon

  2. J.J.

    Il me semble évident que, plutôt que de sabrer nos campagnes de lignes prétendues à grande vitesse et d’un coût faramineux, il serait plus logique d’entrenir, d’améliorer et d’adapter ce qui existe déja.

    Et je ne parle pas des atteintes au sacro saint environement (dans ces cas là,il ne compte plus guère), au cadre de vie et d’activité des riverains, entre autres nuisances.

    Mais il est vrai qu’à tenir de semblables propos, je risque de m’entendre traiter de vieux couillon qui n’y connaît rien.
    …Après avoir entendu les mêmes réparties et les mêmes qualificatifs quand il était argué de ma jeunesse et de mon inexpèrience pour démontrer l’ineptie de mes déclarations…

  3. Christian Coulais

    Améliorons déjà l’excellent maillage des voies ferrées françaises :
    1)Afin de poursuivre le développement du transport à « très bonne vitesse qualitative » des voyageurs.
    2)Afin de permettre aux marchandises d‘y circuler mieux à « très grande vitesse quantitative » !
    Les murs autoroutiers de camions semi-remorques doivent cesser !

  4. jean

    Je suis utilisateur du réseau ferré dans la région Sud Ouest. J’emprunte le réseau ferré tous les dimanches soirs et vendredis soirs de la gare de Saint Jean d’Angely via Saintes puis Bordeaux pour reprendre la ligne Bordeaux Langon.
    au départ de ST Jean d’Angely
    17 heures 28 départ arrivée à Bordeaux 19 heures 33- Ma gare de destination est Langon 33. Or le train en direction de Langon part à 19 heures 28 et j’arrive a 19h 33. Je dois attendre le prochain TER à 21 h 21 soit 1 heure 48 minutes !
    Si je peux prendre le TER de 17h28- le départ de fait de ST Jean D’Angely a 19h 35 pour arriver a Bordeaux à 21 heures 31- Or la correspondance pour Langon est à 21 heures 21 et je n’ai plus de TER
    Pour quelques minutes de décalage voyez les inconvénients. Une modification qui de plus ne coûte rien !
    et on vous bassin de gagner quelques minutes sur une ligna LGV ?
    qui va coûter des millions ?
    On nous a parler d’une gare à Bernos Beaulac, puis a Captieux si on suit les débats on ne parle m^me plus d’une halte a Bernos mais d’une halte a Captieux avec des TER qui n’existent même pas encore selon un article de Sud Ouest !
    J’en reviens au thème une bouteille la mer ! et les rapports avec les politiques qui parfois ne semble pas se soucier des problèmes quotidiens des usagers !

  5. Alain.e

    Je suis en désaccord avec votre analyse,en effet la seule alternative au TGV entre bordeaux et paris reste l’ aérien plus polluant,plus élitiste aussi.
    Des oppositions aux ligne tgv ,il y en a toujours eu,mais demander aux Lillois ,aux marseillais,aux strasbougeois,aux lyonnais s’ils voudraient revenir en arrière !
    Je suis donc en accord avec Alain Rousset qui a taclé les opposants à la lgv hier.
    En revanche je le suis moins avec le le fait que si ça ne roule pas assez sur l’ autoroute a65 et qu ‘Aliénor renonce à l’exploiter ,ce soit aux collectivités et contribuables de rembourser le cout de sa constuction (canard enchainé de mercredi)
    Mais je ne suis qu’ un simple citoyen partisan.
    cordialement.

  6. J.J.

    Alain dit :
    «  » »Je suis en désaccord avec votre analyse,en effet la seule alternative au TGV entre bordeaux et paris reste l’ aérien plus polluant,plus élitiste aussi. » » » »

    Est-il vraiment nécessaire de détruire le paysage, l’environnement, le cadre de vie des citoyens sur des centaines de kilomètres, engager des dépenses faramineuses, pour gagner(quel gain !), disons, une grosse poignée de minutes sur le parcours Bordeaux-Paris, alors que le transport feroviaire sur les lignes intérieures tombe en ruine.

    Bien sûr, les voyageurs de la ligne LGV de Strasbourg se réjouissent, le tortillard qui réunissait Paris à Strasbourg était vraiment d’un autre âge.
    Mais le TGV Bordeaux Paris existe déja et le gain de temps sera vraiment négligeable.

    L’avion n’est pas une alternative crédible, le parcours est certes plus court, mais le trajet aérodrome-centre de Paris est au moins aussi long, sinon plus, que le voyage.
    Cordialement.

  7. Sylvain Bahlia

    Ce qui me choque c’est quand je lis que le Conseil général a donné 166 millions d’euros pour la LGV (c’est sur son site)que je vais aller à Paris en 2h (TB) mais qu’en voiture depuis le libournais je mets 2h30 le lundi matin pour aller à Mérignac. On se fout de nous! Tout ça pour le privé encore, parce que la privatisation de la SNCF est en marche (toujours pour appliquer les directives européennes). Le président de la SNCF, a dit en juin 2009 à propos de l’ouverture à la concurrence : « L’exemple à suivre, c’est France Télécom. » Et la LGV, c’est VINCI qui a obtenu une concession de 50 ans, a vie quoi ! Je ne comprends pas que les socialistes qui disent être en désaccord fassent finalement tout comme les autres.

  8. Alain.e

    A jj, si vous considérez que gagner une heure entre Bordeaux et Paris est un gain de temps négligeable , ce n’ est pas mon cas.
    L intérêt d’ une nouvelle ligne permet aussi de libérer des sillons pour le ter et le fret sur l’ ancienne.
    Une alimentation électrique 25000 volts au lieu de 1500 résout aussi d’ autres problèmes techniques.
    Si le temps c’ est de l’argent alors le tgv en coute, mais en fait aussi gagner.
    cordialement.

  9. Sylvain Bahlia

    « libérer des sillons pour le TER et le fret » dit Alain. En théorie. Parce qu’en pratique la LGV mange tous les capitaux (une somme exorbitante dit M. Darmian, et ça doit rapporter en retour: voir VINCI) et pas d’investissement sur le fret depuis des années, des camions qui nous envahissent, la rocade de Bordeaux embourbée… Je pense qu’il faut en finir avec les privatisations imposée par l’Union européenne.

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