Une véritable machine infernale s'ébranle

Après une journée dense, ardue et surtout passionnante, autour des conséquences de la réforme de la fiscalité des collectivités territoriales, le retour laisse le moral chancelant. La première partie, consacrée aux communes et aux intercommunalités, a réuni plusieurs centaines d’élus et de techniciens, ce qui démontre combien le sujet préoccupe les plus lucides. Certes, il était de bon ton parait-il, lors des vœux du début de cette année, de s’afficher optimiste et rassuré sur l’avenir des collectivités, mais très vite le ton va tourner à l’aigre. Plus aucune promesse n’est possible. Plus aucune certitude n’est raisonnable. Plus une seule prévision ne peut être considérée comme fiable. Incontestablement, un plan de maîtrise par la technique financière et administrative a été pensé, planifié et partiellement mis en place, afin de « réduire », au sens militaire du terme, la poche des élus locaux. D’une part, ils vont être mis, comme sous le second Empire, sous la tutelle de fait des Préfets, qui tiendont le sort de leur territoire au bout du couteau de charcutier de la territorialisation de 2015. On voit très bien, déjà, que les plus pressés d’entre eux vont aller quérir discrètement dans une sous-préfecture des assurances sur le maintien de leur fief électoral ou de leur indépendance potentielle. Cette période de séduction est entamée… Nul doute là-dessus, on va s’arranger entre amis de bonne compagnie ! Il suffisait, à la Maison de la Chimie à Paris, d’avoir les oreilles ouvertes, pour constater que presque tous les élus présents, téléphone mobile en marche, abordaient le même sujet : où en est-on de la fameuse Commission Départementale de Coopération intercommunale ? Les négociations vont bon train… et les Préfets sont convoqués par les grands chefs la semaine prochaine, à Paris, pour rendre des comptes ! Il en est même, selon les conversations entendues, qui ont pris des arrêtés avant même d’avoir obtenu les décrets d’application. La course au… mérite, et aux primes qui vont avec, pour seulement faire son boulot, ont dopé le fayotage institutionnel. La peur de l’Autorité va ramener du calme dans les mairies. On va oublier les déclarations fracassantes, pour se faire discret ! A l’issue de trois heures de conférence, Yann le Meur, professeur associé à la faculté Rennes 1 et expert reconnu en finances publiques a parfaitement résumé, après des démonstrations implacables, le contexte dans lequel les maires et les Présidents d’EPCI vont boucler leur mandat.
Assèchement des financements de l’Etat par un gel des dotations jusque là indexées, au minimum, sur l’indice de l’inflation : c’est la mesure qui va tuer l’emploi et les services de proximité, puisque désormais il faudra trouver les ressources ailleurs (il ne restera en fait que la taxe d’habitation !) surtout si demain l’inflation reprend…. Dès 2011, il ne faut pas parler de « gel », mais de première étape de la régression progressive du soutien de l’Etat aux communes et intercommunalités.
L’autre bonne nouvelle, pour les contribuables, c’est que visiblement tout a été fait pour mettre les Maires et les Présidents trop optimistes dans le pétrin. A eux la responsabilité des hausses d’impôts, qui ne seront plus liées aux taux, mais à la fixation des bases comme pour les professions dites libérales ! Pas d’autre choix que de se tourner vers le local, pour lui demander de compenser les crédits qui n’arrivent plus de l’Etat, puisque ce dernier s’évertue à exonérer les plus nantis des légitimes contributions à l’effort commun. La solidarité disparait à tous les étages, mais elle est imposée entre les collectivités, ce qui va vite créer un climat irrespirable dans les intercommunalités. L’implosion va devenir le sujet à la mode, et l’intérêt général va vite disparaitre au nom de la gestion fiscale !
En fait, une grande inégalité territoriale va enfler, en raison de l’impossibilité dans laquelle va se trouver dès 2012 le Conseil général pour soutenir le fonctionnement de structures n’entrant plus dans ses compétences, comme les associations. Et tout a été fait pour que, vite, la fronde monte contre de Département, afin de justifier l’arrivée triomphale du Conseiller territorial, et plus encore, au nom de pseudos économies apparentes, les disparitions des communes les plus fragiles ! Grâce à des contorsions réglementaires, des amalgames subtils, des modifications tordues, les stratèges ministériels, pas celles et ceux que l’on voit et qui voyagent sans peur ni reproche, mais ceux de l’ombre, qui prennent leur pied à étrangler ces maires, ces Présidents de tous poils, qui se croient supérieurs parce qu’ils ont obtenu la confiance des autres, arrivent à boucher tous les éventuels échappatoires. Par la force ou la résignation, les élus vont devoir appliquer une politique réactionnaire libérale en matière de services de proximité, et tailler dans le social, le sport, la culture, l’éducation, la défense de l’environnement et plus encore les emplois !
Les régions (rappelons qu’elles sont très majoritairement gérées par la Gauche, mais c’est un pur hasard !), constatent, à l’exception de l’ile de France, dont le gouvernement à besoin pour financer des infrastructures de transports pharaoniques, des baisses de leur ressources pouvant aller à terme jusqu’à 40 %, et sont sous le dépendance totale de dotations sur lesquelles elles n’ont aucun pouvoir. Les Conseils généraux vont devenir des centres sociaux départementaux, distributeurs des aides décidées par l’Etat, des caisses d’allocations, pour tous les âges .
Toute l’usine à gaz construite avec incohérence, avec des concessions absurdes, avec des lâchetés criantes, avec une passivité coupable par les députés UMP ne vise qu’à leur redonner la place sur l’échiquier politique local, dont le suffrage universel les a privé. Ils estiment que le pouvoir local leur appartient car eux sont de bons gestionnaires (cf la situation de la République après 8 ans de gestion UMP) ne faisant pas de « politique ». Plus que jamais, je rentre de cette journée de véritable travail, persuadé qu’une catastrophe « citoyenne » se prépare, puisque dire la vérité c’est être pessimiste et qu’il vaut mieux se « coucher » que se « battre ». En ce qui me concerne, ce n’est pas encore demain que je vais pourtant lever les mains…

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