Retenez le G 20 car il va faire un malheur !

Si j’ai une certitude, après plus de 40 années de militantisme, c’est celle qu’en politique, quel que soit son niveau, il ne faut jamais avoir raison avant les autres, et surtout avant celles et ceux qui sont payés pour…avoir raison ! D’abord parce que les peuples, dans leur globalité, oublient très rapidement ce qui peut constituer une vérité anticipée, puisqu’ils restent figés dans les certitudes des opinions dominantes, confortées par des médias qui n’aiment pas celles et ceux qui dérangent. Par essence réactionnaire, c’est à dire hostile à tout idéal plaçant le progrès au cœur de ses préoccupations, la Droite ultra libérale reprend toujours, sous la contrainte, des principes novateurs. Elle casse plutôt qu’elle ne construit. Elle stérilise beaucoup plus qu’elle n’avance. Ainsi, dix ans après le premier Forum à Porto Alegre, de nombreuses propositions nées du courant altermondialiste (taxes sur les transactions financières, régulation des marchés agricoles…) sont aujourd’hui sur la table des négociations du G20. « Ces propositions étaient autrefois jugées utopiques » déclare, par exemple, le délégué général du CCFD-Terre solidaire. « Le défi aujourd’hui est qu’elles soient concrètement mises en œuvre par les dirigeants politiques, ce à quoi les organisations réunies au Forum se sont attelées », poursuit-il.
Le FSM de Dakar a également permis l’approfondissement de thématiques émergentes, qui commencent à faire l’objet de fortes mobilisations, en raison de leur impact sur les populations. Il est incontestable que ce début de l’année 2011 atteste que le réveil des consciences n’est plus une utopie. Bizarrement, il ne touche pas encore les pays européens englués (France, Italie, Grande-Bretagne, Allemagne, Pays-Bas, Autriche…) dans des gouvernances plaçant le profit au cœur de la réussite, au moment même où ce principe a conduit à l’une des plus graves crises sociales du siècle écoulé.
Chez les Altermondialistes, face à l’accaparement des terres, menace majeure pour la sécurité alimentaire de millions de personnes, plusieurs réseaux internationaux et organisations de solidarité internationale dont Via Campesina, les Amis de la Terre, le CCFD-Terre solidaire …ont lancé un appel, demandant l’arrêt, par les gouvernements du Sud, des cessions massives de terres. C’est fondamental pour l’avenir de millions de femmes, d’enfants et d’hommes, car à terme il y aura des guerres terribles pour la possession du foncier. C’est criant, mais… au même moment, on apprend que le FMI et l’Union européenne, strictement « financière », obligent la Grèce à une révision à la hausse de l’objectif de privatisations destinées à permettre au pays de rester à flot: 50 milliards d’euros d’ici 2015, dont 15 milliards d’ici 2013 au lieu des 7 milliards initialement annoncés. Pour le mener à bien, un portefeuille des participations et d’immobilier commercialement exploitables devra être cédé. Toutes les terres, tous les monuments, toutes les propriétés du pays devront être vendues et cédées au privé, pour une concurrence sauvage renforcée. « Personne ne veut que la Grèce mette en danger son héritage culturel », a répondu un éminent spécialiste du FMI, à la remarque acide d’un journaliste grec sur la vente à envisager, au vu du montant fixé, de monuments de… l’Antiquité, pour une exploitation touristique pas des privés ! A Dakar, on parle de survie alimentaire et économique grâce à la politique. En Europe, on accepte de placer la politique sous la tutelle d’organismes inféodés au monde libéral du profit !
Chez les Altermondialistes, le sujet des migrations s’est imposé comme un enjeu incontournable, avec la participation d’un grand nombre d’associations de solidarité avec les migrants et de migrants eux-mêmes. Le Forum a permis, à la racine du problème, le renforcement dans le Sahel de réseaux de migrants rapatriés, mais aussi la construction de dynamiques d’échange entre d’autres grandes régions d’immigration (Thaïlande, Philippines, Afrique du Sud, Brésil, Mexique…). Ailleurs, on tente de juguler des mouvements terribles par la répression, faute de moyens pour revenir au concept du dialogue Nord-Sud porté par le phénoménal discours prophétique de François Mitterrand en octobre 1981 à Cancun : « Le premier message est simple mais, apparemment, il n’est pas encore entendu partout. Il dit ceci : Il n’y a et il ne peut y avoir de stabilité politique sans justice sociale. Et quand les inégalités, les injustices, ou les retards d’une société dépassent la mesure, il n’y a pas d’ordre établi, pour répressif qu’il soit, qui puisse résister au soulèvement de la vie (…) » Qu’en pensent les Tunisiens, les Egyptiens ? Seulement, c’était il y a 30 ans !
Le Forum altermondialiste a également permis d’élargir la mobilisation en faveur de la régulation financière et de la lutte contre l’évasion fiscale. A cette occasion, le jeune réseau pour la Justice Fiscale en Afrique a sensibilisé de nombreuses organisations sur le lien entre paradis fiscaux et pertes fiscales pour les pays d’Afrique.
En vue du prochain somment du G20 en France, le CCFD-Terre solidaire, avec des organisations de quatre continents, a lancé depuis Dakar la campagne Action mondiale Stop Paradis Fiscaux, pour demander au G20 de mettre fin à l’opacité financière dans les paradis fiscaux. « Avec Vincent Peillon, nous avons soulevé cette question, il y a maintenant six ans. Pendant tout ce temps, la droite n’a pas jugé utile de s’attaquer au sujet. Et là, voilà qu’on découvre la toxicité de ces territoires, qui font tant de dégâts sur nos finances publiques et nuisent à la lutte contre l’argent sale. Tant mieux ! Mais permettez-moi de douter de la crédibilité de Nicolas Sarkozy pour incarner ce combat… son parti a toujours voté contre nos rapports sur le sujet, et a toujours refusé de s’engager contre les délocalisations fiscales. Le bras de fer qu’il a commencé est légitime, mais sa crédibilité est nulle (…) » avait dénoncé il y a déjà 2 ans Arnaud Montebourg. En pure perte ! Le G 20 fera semblant de s’attaquer au problème, en reprenant cette fameuse phrase qui illustre toutes les lâchetés politiques : « retenez moi ou je vais faire un malheur ! » Et dans ce domaine, Nicolas Sarkozy est un grand spécialiste !

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