Ces réfugiés que nous ne voulons pas voir

Il y a parfois des décisions gouvernementales que l’on peut juger sympathiques de prime abord, alors qu’il faut toujours en chercher le sens caché. Par exemple, il faut se réjouir du fait que l’un de conseillers du Chef de l’Etat français ait eu le grand mérite, grâce à des vacances privées passées à Tripoli, de ramener pour son « patron » un rapport précis début janvier sur la situation dans la pays. Henri Guaino en Libye, MAM en Tunisie et François Fillon en Egypte, jamais un Président de la République n’avait eu des collaborateurs ayant un flair aussi développé pour aller chercher des informations en direct sur les évolutions du monde. Une véritable richesse pour la politique étrangère de la France. Il y aurait même eu des « débiles » pour s’indigner de ce que des politiques de haut niveau travaillent pour l’intérêt général durant…leur vacances, selon le principe de leur Chef « travailler plus pour gagner plus ». En fait, ce trio mériterait des primes au mérite comme celles promises aux fonctionnaires qui respectent parfaitement les consignes gouvernementales consistant à démanteler le service public dont ils ont la charge. Ils ont, en effet, seulement mis en œuvre les consignes du maître du monde du G 20 !
En Tunisie, on a d’ailleurs envoyé, pour panser les plaies causées par le travail de fond de MAM, un ambassadeur ayant préféré les poids des mots aux vertus des Rochers Ferrero ! L’effet a été immédiat : il a encore davantage éloigné la France du peuple en ébullition, mais personne n’a souhaité insister sur cette nouvelle faute, tant la situation était catastrophique. Il ne s’agissait plus de tirer sur l’ambulance quai d’Orsay, car elle avait, depuis belle lurette, l’allure d’un corbillard. Les événements néfastes à la grandeur de Kadhafi, pourtant fondateur de cette structure fantastiquement utile que fut l’Union de la Méditerranée, ayant illuminé de sa magnificence la présidence sarkoziste de l’Union européenne, ont accentué le désarroi de la Tunisie. Un afflux massif de réfugiés fuyant la guerre civile voulue par le Raïs libyen compromet maintenant le fragile équilibre de la révolution de jasmin.
Il serait temps, si elle voulait au minimum effacer ses positions pour le moins maladroites et au maximum indignes, que la France apporte son soutien au gouvernement tunisien dans la difficulté. L’Europe se réunira le 10 mars… pour réagir à ce contexte désastreux. Autant dire que le mal sera fait, et que toute initiative apparaîtra encore une fois comme du mépris à l’égard de celles et ceux qui cumulent la double peine : tout perdre en Libye et encore perdre leur dignité en Tunisie. Par lâcheté, cette Europe du profit se venge des déboires que lui ont causé la crise tunisienne, et maintenant la révolte contre ce parangon de la démocratie qu’était Mouammar Kadhafi, reçu avec le tapis rouge à l’Elysée.
La situation est alarmante à la frontière, et les besoins des réfugiés qui arrivent en nombre de plus en plus important dépassent les moyens mis à leur disposition. Les autorités tunisiennes ont donc momentanément fermé la frontière avec la Libye, comme ce fut le cas… quand les réfugiés espagnols traqués par les franquistes croupissaient de l’autre côté des Pyrénées. Le croissant rouge tunisien maintient de son côté ses efforts sur la frontière tuniso-libyenne à travers ses équipes médicales et ses secouristes volontaires, en vue d’accueillir de la meilleure manière possible les tunisiens et les étrangers, en leur accordant une assistance particulière, tout en leur garantissant la logistique de déplacement vers les zones d’hébergement. Le haut commissariat des réfugiés installera ce soir un village de 10.000 personnes…mais les Français sont loin ! L’armée tunisienne a établi un camp de transit, dont la capacité d’accueil est de 400 personnes. Un grain de sable dans le désert…de cette frontière de la honte.
Il reste que la France a changé radicalement sa grille d’analyse, puisque le gouvernement vient de trahir son goût inassouvi pour ce qui peut être rentable. Pas question de quitter la Libye, et tant pis pour les tunisiens qui l’ont bien cherché ! D’ailleurs, ont-ils une goutte de pétrole ? Quels sont les intérêts que Total a chez eux ? Peuvent-ils négocier avec Areva une ou deux centrales nucléaires ? Il fallait donc faire un choix ! Un avion civil de type ATR42 a décollé de la base militaire de Villacoublay, transportant des aides médicales à destination de… Benghazi (est de la Libye) via Le Caire et un second va suivre. L’appareil transporte cinq tonnes de matériel médical et des médicaments, alors que celui qui suivra transportera trois à quatre médecins, deux ou trois infirmières, huit membres de la sécurité civile et huit logisticiens. Le Premier ministre François Fillon avait annoncé dans la matinée l’envoi de ces deux appareils, précisant que ces aides constitueraient « le début d’une opération massive de soutien humanitaire aux populations des territoires libérés ». Nous voici en soutien au Peuple Libyen, mais dans le plus grand dédain pour celui de Tunisie. Cherchez la différence ! Elles est facile à trouver. Que les réfugiés ayant quitté la Libye se débrouillent, pour nous, ce qui compte, c’est que nous soyons les plus proches du nouveau pouvoir qui s’installera tôt ou tard à la place de ce Mouammar tout juste bon à jeter aux chiens !
Les Américains, eux, sont moins discrets et commencent à préparer leur Marines pour venir apporter des sacs de riz aux malheureux révolutionnaires libyens, mais absolument rien aux réfugiés ayant fui la mort que leur promettaient les mercenaires de Tripoli. « Si Nicolas Sarkozy voulait agir, il avait les moyens de le faire », a expliqué Benoît Hamon, ajoutant que la France avait « donné en crédits d’urgence à la Tunisie 350.000 euros », là où « l’Italie en a donné 5 millions et a prévu une ligne de crédit de 100 millions d’euros »… mais pour nous ce qui compte, c’est Total. Le directeur de la stratégie de Total, Jean-Jacques Mosconi, a déclaré lors d’une interview à Reuters que ces troubles n’affectaient pas la production du groupe en Libye, qui s’élève à 55.000 barils par jour, sur un total de 2,3 millions de barils par jour à travers le monde. Les réfugiés vont payer l’addition ! il faudrait que le trio des obeservateurs vacanciers retourne sur le terrain pour faire un rapport !

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