L'UMP peut encore éviter une Bérézina idéologique

Le 26 novembre 1812 n’appartient plus à l’Histoire de France, comme toutes les dates qui seraient, selon certains, on ne peut plus nécessaires pour la compréhension du monde. Et pourtant, il y a une étrange similitude entre ce repère et celui du 20 mars 2011 qu’il faut expliciter. En généralissime de la grande armée UMP, Nicolas Sarkozy avait, en 2007, festoyé dans la capitale pour célébrer sa victoire. Rien n’était trop beau pour ces maréchaux et leurs troupes, qui avaient conquis l’opinion publique par des promesses d’avenir radieux.
De multiples erreurs d’appréciation et de stratégie, un gigantesque incendie provoqué par la crise financière, une série de choix désastreux, une pénurie considérable de moyens pour un État ruiné, ne permettent plus aux conquérants de faire illusion. Ils sont à bout, dispersés, harcelés, parcellisés et inquiétés par des adversaires, pseudo défenseurs de l’identité nationaliste, comme les grognards de l’Empire, qui eurent trop tard la consigne de battre en retraite.
Le 20 mars 2011 devient en effet la Bérézina de l’UMP sarkoziste ! Cette date restera comme la plus terrible déroute essuyée par un parti présidentiel dans une bataille électorale. Certes, tout a été fait pour minimiser l’importance de cette échéance et tenter de masquer un véritable désastre global, que seule une abstention de dépit et de renoncement permet de rendre moins préhensible. Des lambeaux de l’UMP errent dans un paysage politique glacial et mortifère, tentant désespérément de sauver leur peau en traversant la Bérézina pour parvenir sur la rive du second tour des cantonales. Dans ces cas-là, il faut l’esprit de sacrifice ou une forte abnégation, avec des « généraux » fiables. Or, dans la débandade, les chefs ont bien du mal à maîtriser leur morgue, car elle leur sert à masquer leur angoisse des choix à faire.
Les cantonales ressemblent déjà au franchissement de cette Bérézina que personne ne veut voir, mais qui coince les troupes entre des mercenaires impitoyables et l’eau glaciale d’un échec massif.
Le sémillant perroquet Copé a répété à satiété une leçon bien apprise, avec une seule volonté, celle de relativiser la portée nationale du vote des cantonales, et maintenir son mot d’ordre : pas d’alliance avec le FN, mais pas de front républicain non plus contre le FN ! Une position intenable puisqu’elle condamne l’UMP à la marginalisation totale, en devenant un parti d’une République bananière aux ordres d’un Président acculé, obstiné et servi par des affidés seulement soucieux de leur avenir. En répétant inlassablement une consigne supérieure à leur conscience, les missi dominici de Copé ont joué les joueurs de flûte du conte de Grimm… conduisant leur troupe vers le précipice ou dans l’eau glacée de l’échec. Ils se sont précipités en croyant éviter de se…mouiller et, en fait, ils ont coulé à pic.
Après la véritable Bérézina, la débâcle fut totale. L’Empereur rédigea un Bulletin dramatique pour en informer l’opinion française. Ce XXIXe Bulletin de la Grande Armée est un chef-d’œuvre de propagande. Sans mentir, il présente les événements dans une gradation habile, passant d’une «situation fâcheuse» à une «affreuse calamité» ! Il racontait les malheurs des soldats, mais aussi le grand mérite de ceux qui conservaient leur gaieté dans les épreuves, et se terminait par cette phrase, destinée à prévenir ceux qui songeraient à renverser le régime : «La santé de Sa Majesté n’a jamais été meilleure». Napoléon lui-même avait pourtant abandonné ses soldats, et rejoint en toute hâte Paris, où un obscur général républicain avait tenté de renverser l’Empire ! Une bonne guerre masquerait alors le désastre, et rien n’est mieux qu’un ennemi extérieur pour occulter les réalités intérieures. Plus d’armée, plus de généraux discrédités par la faiblesse de leur tactique : la place était libre pour un coup d’Etat !
François Fillon, méprisé et oublié, vient de le réaliser, en profitant des occupations étrangères de Juppé et de la médiocrité réelle des autres membres de l’état-major présidentiel, affaibli par le remaniement manqué et, notamment, par la campagne d’Égypte. Quand tout s’effondre autour de vous, il est facile de jouer au sauveur. L’appel suicidaire au « ni PS,ni FN » du côté de l’Élysée, confirmé devant l’état-major de l’UMP, va conduire en fait, au sein des restes de l’armée UMP, frappée par la désertion favorisée par les déclarations répétées des caciques, à une fracture irrémédiable. Le Front National aura réussi sa mission : mettre un coin dans les « sans scrupules », prêts à travailler à la Berlusconi, et les autres, soucieux de ne pas être marqués de la « fleur de lys » de la collaboration ! Marine Le Pen doit jubiler !
Le calcul de Nicolas Sarkozy était simple: préserver la possibilité de bons reports de voix entre Marine Le Pen et lui en 2012, et retenir les très nombreux électeurs UMP, de plus en plus tentés par un vote FN. Le président voulait ainsi envoyer un message fort. Le résultat est illisible, et la Bérézina face à lui ! François Fillon aurait appelé à faire barrage à l’extrême droite en demandant de « voter contre le Front National ».
D’autres personnalités, comme les ministres Valérie Pécresse et Nathalie Kosciusko-Morizet avaient ainsi assuré qu’elles pourraient voter PS contre le FN. Jean-Louis Borloo, président du Parti Radical, associé à l’UMP, a aussi dans la journée marqué sa différence. « Je le dis, ici, de la manière la plus claire et la plus solennelle, il ne peut pas y avoir pour nous, les Radicaux, et je crois pour l’ensemble de la famille centriste, une voix, un vote et un élu du FN », a-t-il asséné… et les déclarations vont se multiplier, accentuant la faille. Tout le monde va tenter de se donner un peu d’air pur dans le contexte de pollution malsaine qui règne à l’UMP.
La Bérézina avait laissé des traces durables sur l’Empire, et on raconte que seulement six des pontonniers ayant plongé dans l’eau glacée pour remonter les ponts entre la rive droite et la rive gauche… avaient survécu. Dimanche soir, il faudra compter, mais gageons que les morts UMP au champ du déshonneur seront encore nombreux !

Cet article a 2 commentaires

  1. Laurent KACZMAREK

    Ne nou y trompons pas ! Ma lecture des déclarations de l’UMP est qu’elles vont toutes dans le même sens : HARO SUR LE PS !
    C’est là qu’il faut être vigilant et se méfier, car le langage peut être codé et masquer un discret appel à voter LE PEN!

  2. BUGARET Yvon

    Notre république est réellement en danger. Les sarkozistes sont prêts à tout pour minimiser leur défaite cinglante : ils sont capables de recommander, sans l’exprimer ouvertement, de voter FN au second tour des cantonales. Les citoyens français, ceux qui se réclament d’un esprit républicain, n’oublieront pas qu’en 2002, la Gauche avait sans ambiguité, recommandé de voter CHIRAC au second tour de la présidentielle. CHIRAC avait donc pu écraser LE PEN avec plus de 80 % des voix. Il serait bon de rappeler ce passé à nos donneurs de leçons de l’UMP. Mais peut-être vaut-il mieux les laisser s’enfoncer un peu plus dans l’abîme et lundi 28 mars, il ne devrait plus rester grand chose de crédible de ce pouvoir effondré.

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