Messieurs les Anglais…tirez les premiers ! Nous on dort !

Le second tour des élections cantonales permettra certainement au Ministre de l’Intérieur et aux Préfets les plus zélés de faire des communiqués triomphaux dans la soirée électorale. Ils sont d’ailleurs déjà écrits par les spécialistes de la communication, avec des phrases du style : « la majorité présidentielle résiste bien et obtient même des pourcentages supérieurs à ceux réalisés au premier tour », « Aucune sanction réelle de la politique gouvernementale », « les réformes sont globalement approuvées par les Françaises et les Français », « les résultats ne démontrent pas une percée de la gauche », « nous allons poursuivre nos efforts en faveur de la clarification du mille-feuilles des collectivités »… Et les caciques de l’UMP ont préparé les phrases clés qui ont été transmises à tous les responsables départementaux, qui devront minimiser au maximum les résultats des départements. La réalité d’un échec a ramené, dans un sondage portant sur la moitié du corps électoral français, le soutien au parti du chef de l’Etat à… un niveau proche de 7 % des gens ayant le droit de vote ! Gouverner la France avec une adhésion de 2 millions de personnes favorables aux réformes en cours, c’est aller droit dans le mur, dans un laps de temps plus ou moins court ! Et on n’a pas besoin de l’IFOP ou de Médiamétrie pour les analyses !
En effet, quand on examine sérieusement les résultats du premier tour, on en arrive à un constat catastrophique pour l’UMP et ses alliés circonstanciels. En 2004, le parti avait réuni sous son nom 20,95 % des voix, soit 2,5 millions de voix (c’est seulement ce nombre qui doit être analysé). En 2008, il obtenait 2,5 points de plus, soit 23,57 %, pour 3,14 millions de bulletins. En 2011, le parti réunit sous son nom 16,97 %, soit 1,55 million de voix seulement. Toutefois, si l’on ajoute le score des candidats ayant choisi l’intitulé « majorité présidentielle » – soit 5,46 % et 500 031 voix – on obtient 2,04 millions. Moins qu’en 2004 ou en 2008. Objectivement, c’est un échec terrible, masqué partiellement par le tripatouillage habituel des résulats par le Ministère de l’Intérieur, comme c’est de tradition pour les manifestations !
Les gâte-sauces de l’entourage de Claude Guéant ont choisi d’agréger l’intégralité de la catégorie « divers droite » aux résultats de l’UMP et de la « majorité présidentielle ». Une sauce bizarre, car la catégorie « divers droite » ne regroupe pas que des candidats soutenus par l’UMP, puisque personne n’avait…arboré l’étiquette UMP. Il a fallu la ressortir au second tour, pour des questions de financement des partis politiques, mais ce sera aussi discret que possible ! Mais même en y ajoutant l’ensemble de cette catégorie des « apolitiques de droite », la droite « républicaine » obtient donc, en 2011, 2,908 millions de voix et un score de 31,75 %. En 2004, l’addition de l’UMP, de l’UDF (depuis fusionnée avec l’UMP) et des « divers droite » réunissait 37 % des suffrages, soit… 4,55 millions de voix. En 2008, le même calcul « droite républicaine » donnait 5,15 millions de voix, soit 38,68 %. L’effet Front National, dont s’est gargarisé la télévision des approximations est aussi faux. Il n’existe pas au niveau où il a été vanté mais, avec un brin de sensationnalisme, on a effectué une gigantesque promotion du clan Le Pen.
Au premier tour des élections cantonales, les candidats du Front National ont en effet enregistré des résultats spectaculaires en pourcentage des bulletins exprimés, mais c’est tout ce que l’on veut sauf un mouvement d’adhésion. Ce n’est que la résultante d’un autre phénomène: l’extraordinaire démobilisation de l’électorat socialiste, qui n’a pas retrouvé le chemin de la citoyenneté, et surtout de celui de l’UMP qui ne supporte plus les errements sarkozistes. Les abstentionnistes ont en fait voté FN, et ont effectué sa promotion, puisque avec moins de voix, il obtient des pourcentages supérieurs. Il améliore donc nettement son score en pourcentage par rapport à 2008, mais il fait en revanche… moins de voix qu’en 2004. Et il est le seul bénéficiaire de l’absence de citoyenneté des Françaises et des Français. Notamment de celles et ceux qui sont les victimes de la politique gouvernementale !
Ils devraient pourtant, en se levant, regarder ce qui se passe dans les pays où il n’y a pas une occasion de s’exprimer par un vote de dimension significative. Le Portugal n’a plus de gouvernement, car ce dernier refuse d’appliquer les diktats européens conduisant à une austérité dévastatrice, et la droite réclame… des élections ! Les Britanniques sont descendus en masse dans la rue pour dire non à la cure d’austérité draconienne imposée par le gouvernement, une manifestation sans précédent depuis celle contre la guerre en Irak, dans un pays peu coutumier de grandes démonstrations sociales. Ce rassemblement a été le plus vaste mouvement social depuis des émeutes, il y a deux décennies, qui précipitèrent justement la chute de Margaret Thatcher…inspiratrice de l’entourage du chef de l’État Français !
Beaucoup étaient venus en famille, avec des poussettes et des vuvuzelas, ces fameuses cornes utilisées par les supporters au moment de la coupe du monde de football en Afrique du Sud. S’il y avait eu des français, ils auraient pu brandir un bulletin de vote ! Le cortège est passé devant le Parlement et la résidence du Premier ministre David Cameron, salué par des huées, avant de rejoindre Hyde Park, pour un grand rassemblement.
« Ne cassez pas la Grande-Bretagne ! », « Défendons nos services publics ! », proclamaient les banderoles. « Je suis ici parce que le gouvernement veut nous fait payer pour réparer ce qu’ont fait les banquiers. Il est en train de bâtir une société où les riches le sont encore plus, et les faibles encore plus démunis » expliquaient les manifestants. Tiens donc, les Anglais auraient compris avant les Français…et regrettent déjà leur choix électoral ?
Combien d’abstentionnistes, jeunes et moins jeunes, retrouvera-t-on donc dans la rue, en France, dans quelques semaines ? Comme c’est le Ministère de l’Intérieur qui les comptera, on est certain que le pourcentage sera… bon ! Comme le sont ceux qui parlent des augmentations du coût de la vie et ceux qui foutent la trouille sur l’immigration ou la délinquance. Mais demain, c’est l’heure d’été et, ayant une heure de moins, les « cocus heureux du sarkozisme » ont une excuse supplémentaire pour ne pas avoir le temps d’aller voter aux cantonales…

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